La nuit de Bombay – Avis +

Présentation de l’éditeur

« Tu verras, l’Inde est un pays imprévisible. »

Ces mots sont les derniers que Michèle Fitoussi entend prononcer par son amie Loumia Hiridjee, le 26 novembre 2008. Quelques heures plus tard, Bombay est paralysée par une série d’attentats d’une violence sans précédent, un massacre qui fait 165 morts et plus de 300 blessés.

Loumia et son mari Mourad comptent parmi les premières victimes.

Ce livre retrace l’histoire de destins qui n’auraient jamais dû se croiser. Celui de la lumineuse Loumia Hiridjee, créatrice avec sa sœur Shama de la marque de lingerie Princesse tam.tam ; ceux de dix terroristes pakistanais venus semer la mort en martyrs.

Après deux ans d’enquête sur les traces de Loumia, Michèle Fitoussi rapporte un récit dense et bouleversant, qui se dévore comme un roman à suspense.

Avis d’Artémis

Michèle Fitoussi est journaliste et écrivain. Cette double expérience enrichit l’excellent récit qu’est La nuit de Bombay, passionnant et fort bien documenté, avec un style clair et un rythme parfaitement tenu. Il se dévore comme un roman, et quand bien même on connaît la fin de l’histoire (puisqu’il s’agit d’un fait divers), on est emporté par l’histoire et on découvre le destin d’une extraordinaire famille. Et on est rivé aux lignes, terrifié de voir se mettre en place la préparation des attentats, bouleversé de les voir se dérouler… Mais ne vous y trompez pas, ce livre est pourtant une ode à la vie.

En avril 2008, Michèle Fitoussi rencontre pour la première fois Loumia. Spontanément, un lien se crée entre les deux femmes. De cette amitié naissante, Loumia se retrouve à l’inviter quelques mois plus tard chez elle, à Bombay, où elle s’est installée. L’auteur se retrouve donc à Pondichéry le 26 novembre 2008, pour aller la rejoindre. Mais cela ne se fera jamais. Avec son mari, la co-créatrice de la marque Princesse tam.tam est victime des attentats terroristes qui frappent la ville ce soir là, faisant 165 morts et plus de 300 blessés. Lors de leur dernière conversation téléphonique, Loumia lui dit : « Tu verras, l’Inde est un pays imprévisible. »

Bouleversée par ces événements, le besoin de raconter cette histoire s’impose peu à peu. L’auteur revoit des membres de la famille qu’elle connaissait déjà, notamment Shama, la sœur de Loumia et co-créatrice de la marque. Elle a besoin de son accord pour se lancer dans le projet, par respect, tout autant pour elle que pour les enfants orphelins de Loumia et Mourad. Rencontres, voyages, recherches nourriront son récit, on apprend d’ailleurs énormément de choses à la lecture de ce livre !

Shama et sa petite sœur Loumia passent leur enfance à Madagascar, où leur arrière-grand-père indien s’est installé un siècle auparavant, avant d’aller en France pour leurs études. A Paris, la famille reste le cœur de leur vie, les cousins, frères et sœurs se retrouvant souvent les uns chez les autres. C’est dans ce contexte que Shama et Loumia commencent à imaginer leur première collection de lingerie. Personne n’attendait les deux jeunes femmes pudiques se lancer sur ce domaine. Mais pleine d’imagination et de volonté, elles se lancent dans la bataille. C’est Princesse tam.tam, la célèbre marque de lingerie, qui est en train de naître.

Le récit décrit de manière très vivante la constitution de la petite entreprise familiale et son expansion, et le rôle central qu’y a joué Loumia, lumineuse, énergique, bienveillante, fantasque, drôle, malgré sa fragilité. Chacun a son histoire à raconter, mais les témoignages concordent. Avec Princesse tam.tam, Shama, Loumia et son époux Mourad semblent avoir été en avance de leur temps dans un management proche de leurs équipes, quel que soit leur niveau et totalement investis.

En 2005, alors que la marque est à son apogée, ils décident de la vendre. Peut-être Loumia a-t-elle besoin de se lancer dans de nouveaux projets ? Peut-être s’interroge-t-elle sur son identité, sur sa place… La famille décide de partir s’installer à Bombay, de chercher leurs racines en Inde.

Le récit change alors de ton, et l’on part à la rencontre de ceux qui vont être à l’origine de leur mort. On en apprend plus sur les conflits qui mettent régulièrement le pays à feu à et sang depuis la Partition de l’Inde et du Pakistan, sur la revendication du Cachemire par les deux États, sur le rôle des organisations terroristes qui, au cœur du Penjab, ont aussi un rôle humanitaire et échappent ainsi à la répression… On part à la rencontre des terroristes, et on se rappelle qu’ils sont aussi des hommes. Cela ne les excuse absolument en rien, l’auteur le souligne, mais d’un point de vue objectif, journalistique, elle observe la formation de la haine.

Puis, aussi implacablement et efficacement qu’un film, ceux-ci se déroulent sous nos yeux. Là où les informations nous déroulent quotidiennement les tragédies et les décès, les attentats et les meurtres, ce roman s’arrête sur ces hommes et ces femmes. Ce n’est pas « 165 morts », mais ce sont des vies stoppées nettes, des familles déchirées. En nous dressant le portrait des victimes, cela devient réel, palpable. On est obligé de se sentir concerné, emporté.

Mais justement, ce roman ne veut pas laisser la terreur gagner. Car c’est la vie qui prime, la mémoire de ces personnes qu’il faut garder, et notamment de Loumia dont le parcours extraordinaire a laissé une marque qui est mondialement reconnue comme symbole de la liberté et de la féminité. Et c’est ce parcours lumineux qu’il faut garder en mémoire.

Fiche technique

Format : broché
Pages : 340
Éditeur : Fayard
Sortie : 24 septembre 2014
Prix : 18 €