Rencontre avec Roland Romanelli et Rebecca Mai

Le Théâtre Rive Gauche accueille actuellement un spectacle qui a beaucoup plus à Onirik : Barbara et l’homme en habit rouge. Nous vous en avions parlé dans une chronique que vous pouvez retrouver ici : nous avions été séduits par la délicatesse et l’émotion qui s’en dégageaient.

Nous avons eu le privilège de rencontrer les deux artistes, Roland Romanelli, accordéoniste et pianiste, qui a accompagné Barbara sur scène comme dans la vie, ainsi que Rebecca Mai, qui réinterprète chaque soir les chansons de Barbara. Ce sont deux personnalités qui nous ont touchés par leur spontanéité, leur sincérité et leur disponibilité.

L’entretien a commencé avec Roland Romanelli – sa compagne et partenaire de scène Rebecca Mai nous rejoignant un peu plus tard – avec une question sur l’origine du spectacle. Avant d’arriver au Théâtre Rive Gauche retravaillé et enrichi, le spectacle avait déjà eu une première vie dans une structure comparable, à savoir des anecdotes illustrées de chansons.

Eric-Emmanuel Schmitt, directeur artistique du Théâtre, avait assisté à l’une des représentations du spectacle initial et en était sorti enthousiaste. Quelque temps après, Eric-Emmanuel Schmitt lui fait une proposition : reprendre le spectacle, mais en ajoutant une nouvelle dimension. Il souhaite que Roland Romanelli raconte son histoire, et des aspects intimes qu’il n’avait pas dévoilés jusqu’alors, par pudeur, nous confie-t-il. Mais Eric-Emmanuel Schmitt a su le convaincre de sauter le pas.

Pour Roland Romanelli, c’est « un privilège et un honneur de faire un tel spectacle ». Barbara a représenté 20 ans de sa vie. « Je lui dois tout, elle m’a tout appris. » On disait à l’époque : « je veux le musicien de Barbara », et non pas « je veux Roland Romanelli », raconte-t-il. Elle l’a habitué à un niveau d’exigence très élevé, qui le caractérise lui aussi. Il travaille énormément, de manière très précise et n’admet pas la médiocrité. Il est dans une perpétuelle recherche de l’excellence, qu’il met au service de la musique et de ce spectacle.

Chaque soir, à chaque fois, Roland Romanelli se retrouve pris par l’émotion, car ce qu’il raconte touche à son histoire personnelle, à sa vie. Il n’est pas un comédien, mais un homme et un musicien, dit-il. Les mots qu’il prononce, « ce n’est pas du jeu, c’est du vécu ». Le texte a en effet été écrit sur mesure par Eric-Emmanuel Schmitt à partir du récit de Roland Romanelli, reprenant ses mots. A partir de là, le choix des chansons a contribué à raconter cette histoire.

Quant aux extraits audios de Barbara, ils existaient dès le premier spectacle, pour cautionner l’histoire et confirmer ce qu’il avait vécu et racontait, car il craignait qu’on le prenne pour un menteur !

Un des défis de Roland Romanelli sur ce spectacle a été de passer tout au long de la représentation de la musique aux mots. «Je ne suis pas comédien, dit-il d’emblée. Je suis un musicien, un musicien de l’ombre, qui parle sur scène et raconte sa propre histoire, ce n’est pas évident», continue-t-il. S’il a une mémoire musicale extraordinaire, il n’a pas la mémoire des mots. Pour ce travail, il a accordé à Eric-Emmanuel Schmitt, à la mise en scène, une confiance totale.

Côté voix, c’est Rebecca Mai qui monte sur scène chaque soir et fait revivre à sa manière les chansons de Barbara. Leur rencontre s’est faite sous le signe de l’artiste : elle souhaitait faire un spectacle sur Barbara et désirait son autorisation ; lui était en quête d’une interprète pour son spectacle. Il lui propose de travailler trois chansons, pour voir ce que ça donne. Très vite, il a compris que l’osmose allait se faire. Il tient à souligner qu’à aucun moment il n’y a eu de transfert Rebecca/Barbara.

(Rebecca Mai nous rejoint, déjà en partie maquillée, et une thermos d’infusion au thym avec elle. Elle est en train de se préparer pour le spectacle du soir, dont l’horaire approche…)

A notre demande, – et sur la recommandation de Roland Romanelli qui nous avait malicieusement dit de poser la question à Rebecca pour avoir sa version ! – celle-ci reprend le récit de leur rencontre et de l’origine du spectacle.

Avant d’interpréter des chansons sur scène, Rebecca Mai était danseuse classique. A la fin de sa première carrière (en danse classique, la retraite est traditionnellement autour de 40 ans), elle décide de faire du théâtre. Elle étudie aussi depuis une quinzaine d’années le chant, sur la proposition d’un metteur en scène de comédie musicale. L’artiste nous confie aimer « la belle chanson française ». C’est ainsi qu’elle a découvert le répertoire de Barbara, qui lui a immédiatement plu… et convenu ! En effet, à sa propre surprise, elle s’est vue apprendre extrêmement rapidement les chansons (en comparaison du temps de travail qu’elle devait fournir pour d’autres). Sans compter qu’elle chante dans la même tonalité que Barbara, ce qui lui a permis de se couler dans ses chansons sans transposition.

Pour ce spectacle, le couple est accompagné d’un violoncelliste, Jean-Philippe Audin. Roland Romanelli décrit leur collaboration artistique par ces termes : « nous sommes trois, mais nous ne faisons qu’un ». Cette alchimie, cette belle complicité se ressent d’ailleurs pour le public.

L’entretien est ensuite revenu sur la manière dont Rebecca Mai abordait ce spectacle, le seul nom de Barbara évoquant en quelque sorte un monstre sacré. Comme nous l’avions souligné lorsque nous avons assisté au spectacle, Rebecca Mai ne cherche pas à « faire du Barbara ». Au contraire, elle se réapproprie les chansons avec sa voix et son interprétation, son vécu.

Incarner Barbara dans ce spectacle particulier n’a pas été source de bouleversement, car Barbara est « comme une aïeule », « elle est depuis 15 ans autour de nous », faisant partie de leurs vies. De plus, Rebecca Mai ne se transforme jamais en Barbara, ce n’est pas le but du spectacle. Elle est elle-même sur scène et se livre avec l’émotion de la femme, avec ses sentiments, sans jouer la comédie. « Notre travail, c’est un travail de toute une vie », dit-elle.

L’entretien s’est conclu peu après, les artistes devant rejoindre le théâtre pour se préparer. Chaque soir avant la représentation, Rebecca Mai suit son programme pour chauffer sa voix. En effet, cet entraînement est nécessaire car le rythme des représentations est très exigeant pour la voix (ils sont sur scène 5 jours par semaine, dont deux fois le samedi), ce qui impose une discipline vocale stricte. D’ailleurs, elle nous confie qu’elle ne parle quasi pas le dimanche et le lundi (les jours de relâche) ! En parallèle, des réglages techniques doivent être refaits chaque soir (sans compter qu’après Barbara et l’homme en habit rouge, le théâtre se transforme pour la pièce du soir).

Un grand merci à Roland Romanelli, à Rebecca Mai et au Théâtre Rive Gauche pour cette rencontre sincère et chaleureuse.

Le spectacle est à l’affiche jusqu’au 16 juillet.
Réservations et informations sur le site officiel du Théâtre Rive Gauche.