Troy

Qu’attendre d’un film sur la guerre de Troie ? En pénétrant dans la salle de cinéma je ne savais pas encore ce qu’il fallait escompter. La bande-annonce effrayait un peu mais les acteurs étant à priori ce que l’on peut appeler de bons acteurs c’est sans grande crainte que le film débuta. Là je remercie le réalisateur de nous avoir fait prendre conscience très rapidement que nous assistions à une infâme production d’outre-atlantique. Certes, l’exercice était dur car finalement sur quels récits se baser quand on veut faire un film sur la guerre de Troie ?

Il y a évidemment l’Iliade attribuée à Homère mais ces rhapsodies commencent après 9 ans de guerre au moment où Agamemnon bafoue l’honneur d’Achille et s’arrête juste après les funérailles d’Hector et donc avant la mort du péléïde. Pour la raison de cette guerre, malgré une faible allusion dans l’oeuvre homérique il faut aller voir Euripide et ces Troyennes. Enfin, pour la chute de la ville il faut aller puiser un peu dans l’Odyssée mais surtout dans l’Enéide de Virgile. C’est donc à partir de ces différentes oeuvres que l’on peut tracer un séquencement des différents évènements qui ont amené une guerre puis la chute non seulement de la ville mais aussi des envahisseurs qui auront pour la plupart des difficultés soit à rentrer chez eux – Ménélas et Odysseus (Ulysse) par exemple – soit une fois chez eux – comme Agamemnon.

A partir de telles oeuvres comment s’en sortir ? Le réalisateur a tenté, mais échoué, d’extirper toute la mythologie, et donc les interventions divines, pour ne laisser la place qu’aux hommes et à une pseudo reconstitution historique. Cela donne au final un film qui ne respecte pas la trame originale des histoires puisque nous avons premièrement Menelas qui meurt tué par Hector suite au duel avec Paris (??), Priam qui meurt poignardé par Agamemnon et non par le fils d’Achille. Ce même Agamemnon est tué par Briséis (re-??) qui se trouve être la cousine d’Hector. Le comble revient bien sûr à la mort d’Achille puisque ce dernier se trouvant dans le cheval (??-repetitas), il succombe sous les flèches de Pâris à l’intérieur de Troie et non aux pieds de ses murs. Ensuite Enée fait une brève apparition sous les traits d’un jeune gars de la campagne s’enfuyant avec les femmes (Hélene comprise). Enfin, que dire de l’irrespect manifeste d’Achille au pieds légers envers les dieux alors que lui-même dit dans l’Iliade, Rhapsodie I, en s’adressant à Athéna: « Un ordre de vous […], déesse, est de ceux qu’on observe. […] . Qui obéit aux dieux, des dieux est écouté. ».

Arrivé à ce point les partisans du films diront que le réalisateur a réussi à expurger le noyau dur de l’histoire qui a justement donné naissance au mythe. Alors dans ce cas il reste à comprendre l’ensemble des incohérences historiques. Premièrement Agamemnon nous est présenté comme l’unificateur de la Grèce et de tous les grecs. Il est fort amusant de le voir sans cesse scander le mot « grec » sachant que les « grecs » en question se sont vus affublés de ce nom par les romains et se sont toujours qualifiés d’héllènes. De plus dans l’Iliade les « grecs » sont appelés Achéens, Danéens, Argiens mais jamais « grecs ». Acceptons un moment que cela soit plus aisés pour le spectateur moyen et passons aux autres abherrations comme l’omniprésence de la cavalerie alors qu’en ces temps là seuls les nobles avaient des chevaux et encore s’en servaient ils pour tirer un char à deux roues. Ensuite les temples nous sont montrés blanc cassé, façon vieilles pierres, alors qu’ils étaient recouverts des couleurs les plus vives – rose, rouge, bleu, … – car les antiques pensaient que plus les temples étaient peints plus ils seraient visibles depuis les cieux et donc de l’Olympe demeure des dieux. Enfin nous pouvons parler des rites funéraires car si les morts avaient effectivement besoin d’une pièce pour passer l’Achéron grâce à Charon le nocher, l’argent était mit dans la bouche et non sur les yeux.

Nous nous trouvons donc en présence d’un film qui a dépouillé le mythe, dépouillé la recherche historique et qui se trouve être de surcroit pénible et ennuyeux. Les protagonistes s’échangent de vaines palabres qui n’ont pas la force et le caractère des échanges homériques et les combats s’éternisent en des scènes ridicules où chaque acteur effectue le kata appris la veille. Cependant il me faut lui accorder quelques bons points. D’une part les nefs achéennes sont bien reconstituées et les équipements en général bien reproduits et d’autre part les acteurs troyens – les argiens sont pour la plupart des cratères à vin – incarnent correctement les personnages à l’instar d’Eric Bana qui nous gratifie d’un Hector très crédible et d’Orlando Bloom en Pâris qui joue très juste. Enfin certaines allégories sont sympathiques comme par exemple l’armure des myrmidons qui évoque la carapace d’une fourmi. Cela nous donne donc un film qui mérite plus que Matrix – on s’en doutait – mais qui dans l’ensemble déçoit beaucoup trop pour mériter plus.