Présentation de l’éditeur
Roseanne McNulty a cent ans ou, du moins, c’est ce qu’elle croit, elle ne sait plus très bien. Elle a passé plus de la moitié de sa vie dans l’institution psychiatrique de Roscommon, où elle écrit en cachette l’histoire de sa jeunesse, lorsqu’elle était encore belle et aimée. L’hôpital est sur le point d’être détruit, et le docteur Grene, son psychiatre, doit évaluer si Roseanne est apte ou non à réintégrer la société.
Pour cela, il devra apprendre à la connaître, et revenir sur les raisons obscures de son internement. Au fil de leurs entretiens, et à travers la lecture de leurs journaux respectifs, le lecteur est plongé au coeur de l’histoire secrète de Roseanne, dont il découvrira les terribles intrications avec celle de l’Irlande.
A travers le sort tragique de Roseanne et la figure odieuse d’un prêtre zélé, le père Gaunt, Sebastian Barry livre ici dans un style unique et lumineux un roman mystérieux et entêtant.
Avis d’Enora
Le testament caché est un récit à deux voix qui cherchent chacune à donner sens, pour l’une à son passé et pour l’autre à celui de son pays, l’Irlande. L’histoire de Roseanne McNulty, une vieille femme centenaire qui a passé la majorité de sa vie dans le Roscommon Régional Mental Hospital, s’entrelace avec celle du Dr Grene, le psychiatre de ce même asile.
Parce que la vétusté des locaux condamne l’établissement à fermer, le médecin doit évaluer ses patientes afin de découvrir lesquelles sont aptes à réintégrer la société, en clair il doit chercher lesquelles ont été internées pour de vraies raisons médicales. Comme il l’avoue lui-même, personne ne s’aventurerait à écrire l’histoire des asiles irlandais de la première moitié du XXe siècle, avec le poids de l’église sur les motifs d’incarcération des femmes ayant des enfants hors mariage ou soupçonnées de nymphomanie, d’adultère, de folie héréditaire et les traitements basés sur l’immersion, les injections, les clitoridectomies… Il se penche alors sur le dossier de sa plus vieille patiente, Roseanne, vers laquelle il ressent une certaine sympathie qui se teintera d’admiration et de compassion au fur et à mesure de sa lecture.
Ses recherches se recoupent ou divergent avec les souvenirs de la vieille dame dont la mémoire semble par moment défaillante : « Je me souviens de choses sombres et terribles, des pertes, des bruits, mais cela ressemble aux tableaux sombres et terribles accrochés dans les églises, Dieu sait pourquoi, parce qu’on n’y distingue rien ». Psychose ou traumatisme ? Ou se situe la vérité ? À moins qu’ami ou ennemi, personne ne possède ici bas le monopole de la vérité ? Pour Roseanne – comme pour l’Irlande – le flottement de sa mémoire aide au sauvetage du passé en lui permettant de le réinventer pour pouvoir vivre avec.
Avec l’histoire de cette femme, c’est le destin sombre de l’Irlande au siècle dernier que découvre le docteur Grene, lui l’Irlandais élevé en terre anglaise : les luttes fratricides et le poids de l’Eglise qui a tiré des atermoiements et des hésitations de la Constitution irlandaise, une affirmation de son pouvoir de domination morale dans la vie sociale, dans la maltraitance des femmes et dans l’éducation féroce des enfants – surtout les enfants pauvres qui étaient battus pour chasser d’eux les démons et la luxure.
Ce roman comme la plupart des œuvres de Sebastian Barry, est basé sur des personnages réels de sa propre histoire familiale. C’est sûrement cette connexion personnelle qui explique la résonance émotionnelle intense chez le lecteur.
Le Testament secret est un magnifique texte à la beauté lyrique, à la fois profondément humaniste et implacable. ‘History,’ dit Barry, ‘has always seemed to me to be an intoxication of facts and it is in the ever-present ruins of history that I work.’[[L’Histoire m’a toujours semblé être une intoxication de faits et c’est sur les ruines toujours présentes de l’histoire que je travaille.]]. C’est de ces ruines de l’Histoire que l’auteur dégage avec beaucoup de finesse psychologique, le destin terrible d’une femme écrasée par le poids d’une époque.
Fiche technique
Format : broché
Pages : 328
Editeur : Joëlle Losfeld
Collection : Littérature étrangère
Sortie : 3 septembre 2009
Prix : 24 €