Présentation de l’éditeur
La mère, La Varienne, c’est l’idiote du village. La petite, c’est Luce. Quelque chose en elle s’est arrêtée. Pourtant, à deux, elles forment un bloc d’amour. Invincible. L’école menace cette fusion. L’institutrice, Mademoiselle Solange, veut arracher l’enfant à l’ignorance, car le savoir est obligatoire.
Mais peut-on franchir indemne le seuil de ce monde ? L’art de l’épure, quintessence d’émotion, tel est le secret des Demeurées. Jeanne Benameur, en dentellière, pose les mots avec une infinie pudeur et ceux-ci viennent se nouer dans la gorge.
Avis d’Enora
Elle n’a pas de nom, au village on l’appelle La Varienne ou encore la demeurée, l’abrutie. A la suite d’un viol, elle a donné naissance à une petite fille, Luce. Elles vivent ensemble, dorment ensemble, bloc quasi-indifférencié, à l’abri du monde. Entre elles, pas de paroles, pas d’échange de regards. Pour La Varienne, Luce est à la fois un objet et une partie d’elle-même. La seule chose qui fasse ‘Autre’ c’est Madame, une bourgeoise pour qui la mère fait de menus travaux. Mais un jour tout bascule, Luce doit aller à l’école, tout le monde l’a dit c’est obligatoire. Et ce jour là, la mère qui n’a rien, ni mots, ni étaiement symbolique, pour inscrire la perte et l’absence, erre devant les grilles de l’école. Luce, elle, refuse d’apprendre, pour garder la fusion avec sa mère. Alors Mademoiselle Solange, l’institutrice, part en croisade pour transmettre la connaissance et le savoir à cette petite fille trop sage. Mais en voulant lui apprendre à écrire son nom , Luce M – le nom du père- elle provoque la fuite définitive de la petite fille. Écrasée par la culpabilité et atteinte dans sa maitrise l’institutrice tombe malade…
Un court récit qui montre le poids des mots et du langage dans la construction de l’être humain. Ce sont les mots qui séparent et permettent au sujet de s’individualiser. A partir du moment où ils s’immiscent entre Luce et sa mère, il n’y a plus de fusion; La Varienne va connaitre le manque et trouver l’expression d’une sorte d’amour tandis que sa fille entraperçoit l’ouverture vers le monde, les autres. Ce cheminement se fera en deux temps grâce à Madame – un ‘Autre’ qui a barre sur la mère – et à l’adresse de Mademoiselle Solange qui a été la première à introduire du symbolique chez la fillette. Quand à l’institutrice, dans son désir de bien faire, elle ne sait pas laisser la liberté de choix à l’enfant et ne supporte pas d’être confrontée à un refus. Elle ne comprend pas que l’échec ou la réussite de la transmission ne dépend pas que d’elle et que parfois – et c’est le coté un peu ingrat du métier d’enseignant – le temps de mûrissement peut être très long. « Le métier d’enseignant est un métier d’espérance »
Les demeurées est un texte court éminemment chargé d’émotion et de poésie, brodé par trois femmes sur les thèmes du langage, de l’amour et de la mort. Quatre-vingt pages qu’on lit d’une traite tant l’écriture est belle et l’histoire touchante et qu’on s’empresse aussitôt de relire car ce texte riche et dense, chargé de symbolique, permet de nombreux niveaux de lecture et ouvre la voie à d’innombrables pistes de réflexion.
Le genre de livre qu’on a envie de partager avec ceux qu’on aime et de faire découvrir à tout enseignant et parent.
Fiche technique
Format : poche
Pzges : 80
Editeur : Gallimard
Collection : Folio
Sortie : 24 juin 2002
Prix : 2 €