Ce doux pays – Avis +

Présentation de l’éditeur

Depuis plusieurs semaines, pas la moindre brise à Göteborg. Comme si la ville retenait son souffle à l’approche de la Saint-Jean. Fraîchement rentré de vacances en Andalousie, le commissaire Erik Winter est déjà confronté à l’un des pires règlements de compte de sa carrière. Dans une épicerie isolée des nord, trois hommes sont retrouvés assassinés, sauvagement défigurés. Qui pouvait bien en vouloir à ces hommes au point d’effacer leur visage ? L’enquête s’annonce délicate dans ce climat de peur, d’autant que les témoins potentiels issus de la communauté kurde de la banlieue de Göteborg se volatilisent un à un. Au fil du temps, Erik Winter a appris à écouter son intuition. Mais, cette fois, il aurait préféré ne pas l’entendre.

Avis d’Enora

Trois hommes ont été sauvagement abattus dans une épicerie de la banlieue nord de Göteborg. Deux d’entre eux, Jimmy Foro et Hiwa Aziz, travaillaient dans le magasin, Amir Rezaï était juste de passage. Pas d’argent pris dans la caisse, pas de marchandises volées. Le chauffeur de taxi qui a découvert le massacre a juste entendu des pas légers qui s’éloignaient rapidement. Règlement de compte entre trafiquants ? De drogue ? D’armes ? Ou pire encore, d’êtres humains ? Personne n’a vu ou entendu quoique ce soit, personne ne veut parler. Pourquoi aiderait-on la police d’un pays qui veut vous expulser ? C’est dans ce silence terrible qu’Erik Winter et son équipe vont devoir travailler pour comprendre ce massacre. Nous sommes en Suède au début des années 2000, ce doux pays comme le chante son hymne national.

Ce doux pays est peut-être le roman le plus abouti d’Ake Edwardson. Comme toujours, le journaliste sommeille sous le romancier qui aborde cette fois sous couvert de la huitième enquête d’Erik Winter, la question de l’échec politique d’intégration en Suède. Il pointe les lois qui ont amené les clandestins à se manifester, pour mieux ensuite les expulser, les ramenant ainsi à une clandestinité faite de peur, de souffrance et de précarité. Ici nous sommes dans la communauté kurde dont la plupart des membres sont arrivés via l’Allemagne dans des wagons à bestiaux. Le peuple kurde, trente sept millions de personnes, une nation sans état écartelée entre quatre pays, avec une diaspora de trois millions d’individus. Un peuple oublié du monde, nié dans son identité, victime d’une discrimination sévère et permanente dans la plupart des cas, n’ayant même pas le droit d’utiliser sa langue, comme en Syrie. La promesse d’un grand état du Kurdistan en 1920 n’a pas tenu face aux enjeux économiques…

C’est cette vision forte qu’Ake Edwardson restitue dans son roman sensible, nuancé et habilement construit. Sa structure, faite essentiellement de dialogues, rend encore plus criant le silence de ces réfugies, uniquement troublé par la poésie rugueuse de quelques passages introspectifs. Erik Winter, son personnage récurrent, prend encore de l’épaisseur et devient de plus en plus complexe à l’image des autres membres de son équipe, qui au cours de cette enquête devra reconsidérer à la fois ses méthodes et ses préjugés.

Un grand roman, plein d’humanité et de réflexion sur la dignité, sur fond d’enquête policière.

Fiche technique

Format : poche
Pages : 410
Editeur : 10/18
Collection : Grands détectives
Sortie : 1 octobre 2009
Prix : 8,20 €