Tous les rêves du monde – Avis +

Présentation de l’éditeur

1945. Berlin dévasté est livré aux armées victorieuses. Malgré la présence des Soviétiques, Xénia Féodorovna Ossoline rejoint la capitale allemande, déterminée à retrouver Max von Passau, l’homme de sa vie. Mais le célèbre photographe n’est plus que l’ombre de lui-même. Rescapé d’un camp de concentration, ce résistant de la première heure au nazisme est hanté par les démons de la guerre.

Désormais, une nouvelle génération cherche sa voie parmi les ruines d’un monde perdu. Lorsqu’on a été élevé dans l’adulation du Führer, comment admettre que son père est un criminel nazi ? Et que peuvent espérer deux jeunes juifs dont les parents ont été assassinés par les SS ? Si Félix lutte pour récupérer la maison Lindner, le grand magasin berlinois aryanisé par les nazis, sa sœur rebelle ne songe qu’à la vengeance. Quant à Natacha, la fille de l’énigmatique Xénia Ossoline, elle découvre que sa mère lui ment depuis toujours.

Liés par le destin enchevêtré de leurs familles, ces adolescents partent en quête de la vérité, au cœur des traîtrises et des égarements de leurs aînés. En cette époque troublée, le bonheur est un défi à relever pour les uns et les autres. C’est pourtant du chaos que viendra la renaissance, et du désordre que naîtra l’espoir.

Avis d’Enora

Ce roman, qui peut tout à fait se lire de façon indépendante, nous permet de retrouver Max et Xénia, les deux personnages charismatiques de La louve blanche. Leur passion au cœur des violences de l’histoire nous avait emmenés de la révolution russe, à la guerre d’Espagne, en passant par la naissance du nazisme en Allemagne.

L’histoire débute ici en octobre 1944, Paris vient d’être libérée mais la guerre est loin d’être finie. Les règlements de compte commencent, les délations changent simplement de destinataires. Berlin dévastée est livrée aux armées victorieuses. Les camps de concentrations libérés, resservent très vite de lieux d’internement pour les russes blancs que les alliés ont reconduits sans états d’âmes à Staline. Toute une génération qui a perdu les illusions de la jeunesse, doit trouver les moyens de se construire sur les ruines matérielles et idéalistes.

Cette résilience passe avant tout par la recherche et la confrontation avec la vérité, qu’on soit enfant de criminels nazis, de parents juifs exterminés dans un camp ou fille d’une mère qui vous a menti pendant des années sur vos origines. Entre culpabilité et honte, colère et ressentiment, abattement et désillusion, vengeance et haine, tous ces adolescents finiront par trouver la rédemption dans la souffrance mais aussi dans l’amour sous toutes ses conjugaisons.

Comme à son habitude, Theresa Révay s’appuie sur une solide documentation historique, qui a demandé plusieurs années de recherches, pour planter le décor dans lequel évoluent ses personnages au fort caractère. D’octobre 1944 à janvier 1955, nous découvrons Paris, Berlin, New York au cœur de ces années difficiles, hantées par les millions de morts et de disparus.

On y retrouve avec un véritable plaisir Xénia, cette comtesse russe née en 1902 à Petrograd et précipitée depuis ses quinze ans dans les violences de l’Histoire. L’auteur a réussit un merveilleux portrait de femme courageuse, droite, devenue un peu cassante, sauvage et impérieuse par les épreuves mais habitée de fêlures, d’émotion et de passion intenses qu’elle refoule. En contrepoint, Natacha, sa fille, avec le même orgueil et la même intransigeance, est une jeune fille profondément émouvante dans sa quête de liberté et de vérité. C’est la rencontre avec son père qui l’aidera à comprendre sa mère et à se rapprocher d’elle dans un rapport de femme à femme, d’adulte à adulte.

Theresa Révay s’intéresse beaucoup à l’histoire du XXe siècle, et plus particulièrement à tout ce qui touche l’Europe centrale. Peut-être parce que son père était d’origine hongroise, elle explore avec sensibilité le tempérament slave de nombreux de ses personnages, ces impulsions du cœur au-delà de la raison, cette intensité des émotions aussi bien dans l’amour que dans la générosité ou la cruauté. L’amour est toujours présent dans ses romans, amour filial, fraternel ou passionnel. Ces amours qui peuvent être semblables à des blessures, des déchirures, qui peuvent infligés les souffrances les plus acérées mais aussi les bonheurs les plus intenses et qui restent le moteur le plus puissant de l’humanité.

Tous les rêves du monde est un réel plaisir de lecture : un roman joliment bien écrit, qui repose sur une documentation solide, met en scène des personnages bien trempés dont les destins tourmentés nous happent dès les premières pages, dans ce partage d’émotions merveilleusement réussi par l’auteur.

Fiche technique

Format : broché
Pages : 446
Editeur : Belfond
Sortie : 7 mai 2009
Prix : 21 €