Le sceau du secret – Avis +

Résumé

3 couples d’amis allemands et leurs enfants passent depuis toujours leurs vacances ensemble dans une propriété de Stanbury dans la campagne anglaise. Ils donnent l’image de familles épanouies et d’amis soudés mais tout cela n’est qu’illusion. A l’intérieur de ce groupe se dissimulent des secrets, des mensonges et de la tension. Ce malaise croît jusqu’au drame épouvantable découvert par Jessica, la deuxième femme d’Alexander et la nouvelle venue dans ce groupe d’apparence banale.

Avis de Marnie

Charlotte Link est présentée comme la nouvelle dame du crime (mais allemande et non britannique…). A la lecture de ce roman, cette étiquette parait bien réductrice. En effet, si la partie thriller est assez bien menée, en fait, elle n’a pas grande importance, mais l’évolution psychologique de tous les personnages constitue le plus grand attrait de ce roman et surtout l’aspec qui retient notre attention de bout en bout.

Le prologue annonce à l’héroïne et au lecteur, bien évidemment, un drame… Puis, commence le flash-back classique pour comprendre le déroulement des faits. Nous faisons connaissance de ces allemands, trois couples et leurs enfants, qui passent leurs vacances dans cette maison de campagne isolée du Yorkshire, et ce depuis de nombreuses années. Mais cette fois ci, il y a un regard neuf, Jessica, la nouvelle épouse d’un des hommes, Alexander. Va-t-elle être juste un observateur, un témoin actif, ou l’artisan de la catastrophe qui s’annonce ?

En fait, si la tension qui monte entre tous les personnages, les non-dits, les secrets, les antagonismes, les rapports de force, forment une toile d’araignée des plus complexe et passionnante, l’intrigue met surtout en valeur les relations humaines, la difficulté d’évoluer, de s’intégrer, de prendre parti, et d’agir dans un groupe, ou encore de s’exclure, tout en gardant sa propre indépendance d’esprit. Est-on plus courageux seul qu’accompagné ? Ferme-t-on les yeux pour éviter de menacer un fragile équilibre où tous seraient alors vulnérables ? C’est cette alchimie mystérieuse que Charlotte Link met en scène avec une vraie connaissance de la nature humaine, en réécrivant que l’enfer, c’est les autres…

C’est très justement que l’on comprend qui sera celui ou celle qui basculera de l’autre côté du miroir… Mais, cela n’a aucune importance, puisque notre attention est totalement à l’écoute du moment et surtout de tous les détails et nuances qui feront perdre pied à l’assassin. Qui est le faible ? Celui qui ne veut pas voir ? Celui qui tue ? Celui qui est tué ? Personne n’est ni tout bon, ni tout mauvais… ni vraiment neutre !

Si l’intrigue n’a rien d’originale, et que le shéma du récit reste très classique, sans beaucoup de surprise, le grand talent de cet auteur est de nous plonger dans cette tragédie, dominée par la psychologie très poussée de tous les personnages, et qui se terminera à la page des faits divers des journaux. Mais aussi, nous avons ici un beau portrait de femme forte, nuancée, qui ouvre les yeux sur certaines réalités, tout en s’aveuglant sur d’autres… comme tout un chacun, comme le lecteur qui s’identifiera à cette héroïne touchante, digne, compatissante, et révoltée ! Un suspense psychologique comme on les aime !

Avis de Francesca

Charlotte Link est un auteur allemand très populaire dans son pays et qui commence à se construire une bonne réputation en France avec ses romans psychologiques à suspense. J’ai découvert ce nouvel auteur qui n’est pas anglo-saxon et qui maîtrise parfaitement son sujet. Le roman est d’une longueur et d’une densité remarquables qui permet à Charlotte Link de développer en profondeur son histoire et ses personnages et de mettre en place une ambiance tendue qui devient peu à peu insoutenable avant la délivrance par un massacre aussi épouvantable qu’inattendu.

Jessica a épousé Alexander il y a à peu près un an et est enceinte de lui. Elle est très amoureuse et accepte de faire des concessions pour intégrer le groupe d’amis d’Alexander. Cependant, elle cerne rapidement les caractères des personnages. Alexander se révèle être un homme faible, prêt à tout pour se fondre dans la masse et être accepté par ses amis. Il a une fille de son premier mariage, Ricarda, qui ne supporte pas l’ambiance factice de la maisonnée et qui déteste cordialement Jessica. Patricia, la propriétaire de la demeure de Stanbury et amie du couple, est une femme insupportable qui veut tout régenter et donner une image parfaite de sa personne et de sa famille. Elle est mariée à Léon, un avocat prospère avec qui elle a deux filles. Ils mènent une existence aisée et semblent former une famille heureuse. Mais les apparences sont trompeuses. Le deuxième couple est composé de Tim qui est un psychothérapeute renommé, et d’Evelyn, une femme dépressive à la suite d’une fausse couche et qui trouve du réconfort avec la nourriture. Si l’équilibre de ce couple paraît de prime abord déséquilibré, la réalité est encore plus terrible.

La construction du récit est remarquable. Tout commence par une charmante équipée en vacances dans une province paisible d’Angleterre entre des amis qui se connaissent et qui s’apprécient. Mais cela ressemble rapidement à un huis-clos étouffant où chacun est sur ses gardes mais maintient avec les autres l’apparence d’une communauté chaleureuse. A travers le regard de Jessica, on comprend les certitudes qui vacillent, puis les hésitations et les doutes qui affleurent dans la conscience de Jessica vis-à-vis des amis de son mari et de son couple. Le besoin de s’éloigner de cette ambiance malsaine et tendue la pousse à faire de longues promenades en solitaire, l’isolant un peu plus du groupe si attaché à leurs habitudes. Elle ne fait pas partie des leurs et sera marginalisée.

Les masques tombent petit à petit et la véritable nature des personnages se révèle au grand jour. Les sensibilités s’exacerbent et les tensions s’accumulent et pèsent sur l’ambiance en un crescendo troublant et néanmoins perceptible par le lecteur qui se sent de plus en plus enfermé dans cette maison. La délivrance est presque un soulagement pour tous malgré l’horreur de la situation. La suite du récit ne faiblit pas, bien au contraire. Les révélations s’enchaînent sans faiblir, dévoilant des pans de la réalité qui augmentent en intensité et en noirceur. Le lecteur comprend le mal-être qui régnait sur cette amitié particulière basée sur un secret pesant énormément sur les 3 amis et qui ont préfiguré le reste de leurs relations.

Charlotte Link a réussi ce roman avec brio en mêlant une intrigue purement policière avec une construction psychologique remarquable qui envoûte le lecteur dès les premières pages et qui le surprend en permanence avec les rebondissements permanents qu’elle dissémine dans le récit. Malgré les quelques interrogations qu’il reste sur des points de détail et sur le devenir des personnages, c’est un auteur très prometteur à suivre tout particulièrement.

Fiche technique

Format : poche
Pages : 606
Editeur : J’ai Lu
Sortie : 17 août 2007
Prix : 8,40€