Le baiser du passé – Avis +

Présentation de l’éditeur

– Acceptes-tu de veiller sur Julia ? Je souhaite l’épouser à mon retour et, avec cet espion français qui cherche à se venger de moi, je partirais l’esprit plus tranquille. La requête de Russel Althorne met Lord Heath Bostacastle dans le plus grand embarras.

Leur amitié lui interdit de refuser mais, ce que Russel ignore, c’est qu’avant leur départ pour la guerre, Heath est tombé follement amoureux de cette femme superbe, semblable à nulle autre, qu’il n’a jamais pu oublier. Maintenant, il doit la protéger d’Auclair, ce pervers qui a pris plaisir à torturer Heath en captivité et dont personne ne connaît le vrai visage. Comment garder la tête froide quand le seul souvenir des baisers de Julia suffit à l’embraser ?

Avis de Marnie

Si le deuxième tome (La vengeance d’un lord) était plutôt déconcertant, Jillian Hunter retrouve ici le ton de marivaudage et de légèreté qui avait fait le succès de sa première histoire, L’héritier libertin, racontant les péripéties sentimentales de l’aîné des Boscastle, mais ce présent récit est nettement plus profond.

Une bonne raison à cela : les deux héros ont tous les deux vécu des épreuves difficiles et leur façon d’appréhender les évènements, est bien plus mature, presque désenchantée. Comme dans le premier tome, l’auteur part d’une intrigue toute simple à la base pour se lancer en fait sur une étude de deux caractères, avec comme thèmes dominants : le manque total de communication et le sens de l’honneur.

– Heath Boscastle est le frère le plus secret de la fraterie, celui qui ne provoque jamais de scandale et qui tout en étant un séducteur patenté, a suffisamment de retenue pour ne jamais faire parler de lui. En fait, agent de renseignement, capturé et torturé pendant les guerres napoléoniennes, il cache des angoisses et des traumatismes derrière une façade imperturbable et un sens de l’honneur qu’il brandit comme un étendard.

– Julia est une femme qui comme elle le dit elle-même, ne cherche pas le scandale, il la trouve ! Tombée amoureuse de Heath, six ans plus tôt, elle n’a pas compris les sentiments éprouvés par le jeune homme qui partait à la guerre, ni ce qu’elle-même ressentait, elle a préféré fuir en épousant le premier venu qui l’emmenait hors d’Angleterre. D’un caractère fort et volontaire, l’obligation de vivre isolée en Inde lui a ouvert l’esprit, l’a obligée à analyser ses propres erreurs, et la maturité venant, Julia ayant perdu toutes ses illusions s’est résignée à épouser un homme qu’elle pense honorable même si elle ne l’aime pas.

Ce sont donc deux êtres qui se sont connus et ont été attirés l’un par l’autre en partageant quelques moments de passion seulement pendant deux jours, lorsqu’ils étaient jeunes, insouciants, pleins d’illusions. Ils n’ont pas cru que ce qu’ils éprouvaient était d’une réelle intensité, s’apparentant à l’amour, et se retrouvent soudain six ans plus tard, par obligation. Si Heath est plus que réticent à l’idée de protéger la fiancée de son meilleur ami, puisqu’il sait qu’il ressent depuis des années des sentiments mal définis pour elle, la jeune femme n’est pas en reste, se souvenant avec amertume qu’elle s’est offerte à un séducteur qui a du la prendre pour une femme légère de plus qui traversait sa vie.

Le fait que Julia soit fiancée est une barrière morale et sociale qui semble indestructible tant le sens de l’honneur pour cette classe aux carcans rigides, est un sentiment qui prédomine dans cette période de fin de guerre, où les trahisons et les désillusions de toutes sortes ont jalonné la route non seulement des deux héros, mais aussi de divers personnages, ces dernières années. Ainsi, le mari de Julia qui préférait privilégier sa carrière, le meilleur ami de Heath qui rappelle à tous moments qu’il lui a sauvé la vie mais qui cache une vérité beaucoup plus sombre, ou encore les soldats qui reviennent de guerre et qui n’ont aucune aide à espérer du gouvernement qui les a abandonné. Si dans ce cas précis, l’émeute est vite réprimée par une société qui souhaite effacer ce qui la gêne, les deux héros sauvent la face et montrent un visage souriant et imperturbable au monde dont ils veulent absolument faire partie et dans lequel ils souhaitent se perdre pour mieux cacher leurs blessures.

Il n’y a que dans leurs échanges pleins d’humour, ce qui ressemble tout d’abord à un léger marivaudage, qu’ils trouvent en fait un moyen de communiquer. A mesure que le récit avance, les dialogues deviennent plus graves et profonds. Du fait de leur intimité forcée, les deux héros sont obligés enfin de se parler et leur sincérité ressort peu à peu derrière une fausse superficialité qui se craquelle. C’est en communiquant l’un avec l’autre, qu’ils analysent leurs propres actes, leurs propos, leurs pensées, leurs réactions, qu’ils se comprennent enfin eux-mêmes. Et lorsque la relation commence nettement à se reconstruire, comme toujours, les Boscastle arrivent en force pour donner encore plus d’épaisseur, de chaleur et de richesse au récit. (On regrettera tout de même l’absence de Chloé, l’héroïne du deuxième tome… mais il est vrai que sa propre histoire a une tonalité si différente que l’auteur a dû penser qu’elle ne cadrait plus tellement dans ce nouveau récit). Si les héros ont perdu beaucoup de leur confiance envers les autres, ils peuvent se fier inconditionnellement à la fraterie Boscastle !

Si l’on ajoute à tout cela, des personnages secondaires aux dialogues savoureux (humour souvent involontaire de la tante, de son soupirant, ou encore du majordome), un style malicieux qui met en relief toutes les petites péripéties de l’intrigue, des rebondissements un peu attendus mais agréables, nous obtenons une très bonne histoire pleine d’allant, avec des moments touchants mais qui très vite sont suivis par des scènes de pure malice (l’élaboration puis les pérégrinations du dessin), comme si l’auteur avait souhaité à tout prix ne pas tomber dans une certaine noirceur. Pour ma part, je ne peux qu’approuver ce choix de légèreté forcée, le danger de tomber dans un mélodrame ici malvenu, étant alors définitivement écarté.

A quand les aventures de Drake, quatrième tome des aventures des Boscastle, sorti dans les pays anglo-saxons ?

Fiche Technique

Format : poche
Pages : 315
Editeur : J’ai Lu
Sortie : 5 décembre 2006
Prix : 6,40 €
Genre : régence