Voilà trois ans que Celeste Wood attend que justice soit rendue suite à l’assassinat de son mari par un tueur fou. Pour elle, le seul vrai coupable est la société Vicksburg, le fabricant de l’arme ayant servi à tuer son mari. Son avocat, Wendall Rohr, un homme généreux et pétri de principes, se trouve confronté à Rankin Fitch.
Manipulateur et fin stratège, Fitch s’est déjà assuré la victoire en prenant le contrôle du jury. Un seul juré a échappé à ses investigations, Nick Easter. Alors que Fitch s’interroge sur l’identité réelle de Nick, une femme mystérieuse offre de lui « livrer » le jury pour 10 millions de dollars…
Avis de Marnie
Voici un film sorti confidentiellement que ce soit dans les salles en début d’année 2004 ou en dvd, sans que l’on ne puisse en comprendre la raison. En effet, il est excellent, d’où mon incrédulité.
Tiré d’une nouvelle de John Grisham, spécialiste du thriller juridique, le scénario très solide, mais non d’une originalité particulière, a été modifié au vu de l’évolution de l’actualité judiciaire. La réalisation est très efficace, Gary Fleder, auteur du moyen Pas un mot n’a pas été aussi convainquant depuis longtemps. Notons l’introduction du film, qui fait preuve d’une éblouissante démonstration coup de poing des consultations profilers en matière de choix d’un jury.
J’ai pu lire avec une certaine perplexité certains commentaires qui dénoncent le fait que le débat sur les armes à feu, thème central du procès, passe totalement à la trappe. Or, pour ma part, je pense que ce n’est absolument pas le sujet de ce thriller psychologique. J’ai surtout été passionnée en découvrant ce qui se cache derrière la grosse machinerie judiciaire d’un procès médiatisé. La manipulation est le point central du scénario, que ce soit des jurés, mais aussi des avocats, le tribunal se transformant alors en scène de théâtre, où chaque acteur peut être l’artisan de la victoire d’un des deux camps. Ici, pas de témoin de dernière minute, pas de classiques joutes oratoires à la Perry Mason, pas de retournements dus à des erreurs de procédure. Non, juste une plongée cynique dans l’univers des rouages d’un procès où chacun peut user plus ou moins ouvertement de son influence sur l’autre, les enjeux financiers en cause étant tellement élevés qu’aucune impartialité ni sérénité n’est possible.
Le clou du film, sa distribution :
– Le roi de la manipulation, le consultant du clan des armes est joué de façon jubilatoire par un Gene Hackman toujours aussi charismatique, alors que le procureur partagé entre ses principes moraux et la possibilité d’influencer le cours du procès, est incarné par le génial Dustin Hoffmann, deux monstres sacrés qui n’avaient jamais joué jusqu’ici ensemble (alors qu’ils sont des amis très proches depuis leurs classes théâtrales). Une seule scène va les opposer, mais c’est alors évidemment un fabuleux moment de tension et de violence rentrée.
– Les deux trublions qui vont faire ripper cette confrontation tout de même attendue, sont John Cusack et Rachel Weisz. Le premier à qui l’on reproche quelque fois un visage un peu trop inexpressif est ici parfaitement employé, juré aux agissements et aux desseins mystérieux mais déterminé et très intelligent. Quant à la jeune actrice pleine d’aplomb, elle tire honnêtement son épingle de ce jeu de dupes, montrant une détermination sans faille malgré une fragilité apparente, et un charme certain sous une physionomie faussement
Dernier point positif du film : son tournage à la Nouvelle-Orléans, et surtout les nombreux plans vivants et nerveux du quartier français. C’est rare de voir l’omniprésence de scènes d’extérieures aussi bien mises en valeur (dans d’autres villes que New-York ou San Francisco). Cela donne une petite touche Amérique profonde très bien venue dans ce thriller qui se veut une dénonciation des failles du système judiciaire américain, un aspect “c’est arrivé près de chez vous”, certainement voulu pour faire opposition aux nombreuses séries qui flirtent sur le même thème, mais en décrivant des barreaux spécialisés et prestigieux tels que Boston ou Los Angeles…
En fait, Le maître du jeu n’est pas une œuvre remarquable, mais pas non plus un produit de série B, ou un énième dérivé de Douze hommes en colère. J’ai vraiment apprécié ce très bon film de genre. La meilleure des surprises pour moi étant la manipulation décrite comme un art. J’ai été fascinée par l’attraction perverse qu’il s’en est dégagé. Certes, si je veux vraiment être impartiale, je qualifierai le film de trop classique avec une fin un tout petit peu conventionnelle ce qui enlève de la force à la dénonciation, mais j’ai passé un très bon moment, l’intrigue et la tension m’ayant tenue en haleine de bout en bout. Si vous aimez les parties d’échecs…
Fiche Technique
Date de sortie : 17 mars 2004
Avec Gene Hackman, Dustin Hoffman, John Cusack, Rachel Weisz, etc.
Genre : thriller
Durée : 127 minutes
Année de production : 2003
Titre original : Runaway jury