Le vampirisme et les vampires définis par…

Pour la rencontre littéraire Encre de sang 2, plusieurs auteurs contemporains dont une majorité de la maison Nuit d’avril, partenaire de l’évènement, se sont prêtés au jeu de définir le vampire et le vampirisme pour Onirik.

Selon Fabienne Leloup : « Le vampire? Un matérialiste … Cent pour cent ! Le vampirisme: un refus de cette maxime philosophique : ce qui est composé se décomposera… »

Les auteurs Nuit d’avril

Selon Arnaud Prieur, auteur des Songe-creux : « Pour moi, le vampire est un insomniaque qui se nourrit du sang des dormeurs. Il vole leur âme, leurs songes et tente d’y trouver son propre sommeil. Son propre repos. »

Pour Michel Rosenberg, auteur d’Altérations et Des maléfices du temps : « Le vampire est pour moi une entité (femme, homme, enfant, animal, végétal ou même objet) qui s’approprie une partie ou la totalité d’un élément essentiel au fonctionnement d’une autre entité, intentionnellement ou pas, dans le but de survivre, s’enrichir, se développer… »

Olivier Bidchiren : « Je ne parviens à trouver une définition pour le vampire, mais plutôt des définitions, celles au final que j’applique dans mes textes relatifs aux vampires. Il peut être le symbole de l’immortalité, de l’éternité, de la vie après la mort. Il incarne aussi le berceau de l’Humanité, tant par son côté obscur, terrible, que par cette fascination lumineuse qui a à nos yeux, en affectant nos sens. Il est également le réceptacle de nos tourments, de nos peurs et de nos angoisses, en les absorbant, en nous nettoyant ; de ce fait il est autant le sang qui coule dans nos veines, faiseur de vie, que l’âme profonde de la nuit des temps qui survit en chacun. Peut-être est-ce pour cette raison que nous le honnissons autant qu’il nous attire ? J’aime bien cet aspect complexe, cette part de nous-même, souvent obscure et secrète, que nous refusons d’assumer. Que ce soit dans les Méandres de la Folie ou Dans l’Antre des Esprits, mes vampires sont particuliers : en exemples, pour le nouvelle La première Tentation du Sang, un enfant devenu vampire est un démiurge, créateur donc d’une nouvelle humanité, d’une autre civilisation ; pour la nouvelle Le Train ne siffla qu’une fois, le vampire est une machine, un train, qui se nourrit de nos défauts et nous purifie en même temps (il s’agit donc d’un vampirisme psychique) ; pour la nouvelle Futur Arrêt sur Image, le vampire revenu de l’avenir est un Rédempteur : il rachète les fautes de ses congénères. »

Pour Estelle Valls de Gomis : « Le vampire, si je ne m’abuse, est une créature venue du fond des âges, dérivée de l’humain mais dépourvue, dans les meilleurs textes du moins, des tares qui nous affligent. Le vampire est censé être non-mort et se nourrir de sang, humain de préférence, et transformer à leur tour en vampires les personnes ayant été mordues. En réalité, on fantasme beaucoup plus sur le vampire que le vampire ne fantasme sur nous, et on le comprend. J’aurais du mal à en apporter une définition définitive (sans jeu de mots), mais pour moi, le vampire est cette créature littéraire, inspirée des peurs ancestrales de la mort et des tabous du sang et de la chair, dont l’âge d’or se situe entre la fin du 18ème et la fin du 19ème siècle. On peut trouver des histoires intéressantes ayant été basées sur lui ultérieurement, mais elles sont rares. La pauvre créature est devenue depuis une centaine d’années le réceptacle de beaucoup de délires vulgaires. J’en ferai donc la définition, forcément incomplète et provisoire au vu de son immortalité, d’un mythe qui a dégénéré en absorbant trop de la réalité… souhaitons qu’il la digère mal et s’en éloigne de nouveau pour recouvrer son inaccessible splendeur et son élégance. »

Pour David Gibert, auteur de L’ombre de l’âme, le vampire est « une âme romantique errant pour l’éternité, assoiffée d’amour, qui s’enivre du sang et de la chair des mortels pour retrouver la saveur de son humanité perdue. »

Pour Céline Guillaume, auteur du Serment de Cassandra, « l’image du vampire est particulièrement présente en Europe centrale et en Russie. Mort-vivant, revenants sur terre pour sucer le sang de ses victimes, le vampire personnifie l »appétit insatiable, le désir irrépressible, la soif qui n’est jamais tarie. Il ne sort que la nuit et contamine toute personne dont il a aspiré le précieux liquide vital. Loin de la tuer, il lui donne l’immortalité, mais elle devient à son tour vampire. Ce fonctionnement en boucle évoque, pour moi, la compulsion de répétition qui pousse le sujet à agir de la même façon, à reconduire ses erreurs et à tenter d’assouvir sans jamais y parvenir son désir. Si on se penche bien sur ce verbe « vampiriser » rend également bien l’idée de la possession de l’autre, de l’introjection, qui tend à faire entrer l’autre en soi, ou qui tend à faire de l’autre son image. Ce n’est alors plus le sang, substance symbolique de l’âme, qui est absorbé, mais l’énergie, les sentiments, le temps et la personnalité. Un autre mot dérivé de vampire, la « vamp », s’applique à la femme sensuelle et libidineuse, qui entretient un jeu de séduction permanent, montrant l’inassouvissement de ses pulsions. En ce qui me concerne, de tous ces éléments, on peut synthétiser le vampire comme l’expression du désir dévorant, de la volonté de rendre l’autre à son image ou de le posséder totalement, ou encore comme le modèle de l’aliénation à une situation. Le vampire symbolise les ténèbres opposées à la lumière. Il recoupe les significations attribuées aux démons, mauvais esprits, aux forces obscures. La nuit qui est son domaine, le cercueil dans lequel il dort, le noir dont il se vêt et le sang dont il se nourrit, sont autant de symboles de sa nature démoniaque. Selon les croyances, il n’est pourtant pas invulnérable. Il peut être détruit par la lumière du jour, l’ail ou encore le crucifix. Si le vampire persécute, il est lui-même persécuté et son existence n’est que tourment et affliction. »