Rencontre avec Marek Halter

Un jeudi matin pas comme les autres puisque Marek Halter nous invite à le rencontrer à la Grande mosquée de Paris, autour d’un sublime thé à la menthe et des pâtisseries orientales excellentes.

Il est question de son dernier livre, Khadija, la première femme du prophète Mahomet. C’est une personne emblématique de l’islam, mais nous le découvrons avec lui, il s’agit aussi d’une femme exemplaire, une figure féminine moderne qui peut être un exemple pour beaucoup. Et pourquoi pas, un exemple d’émancipation pour les jeunes filles des banlieues qui pourraient être prisonnières de carcans traditionnels.

Bien sûr, on peut se demander quel est l’accueil réservé par la <doc11323|right>communauté musulmane. Il n’est jamais simple de ‘s’attaquer’ à des symboles religieux. Le Recteur Boubaker, à qui Mr Halter a présenté son manuscrit, l’a trouvé passionnant, mais lui a demandé d’instiller plus de pudeur dans les scènes d’intimité entre le prophète et son épouse.

Celui qui se définit comme un fils d’Alexandre Dumas et de la Bible[[à 4 ans, à Varsovie, il s’est vu offrir deux livres qui ont modelé son imaginaire et son sens du sacré : la Bible et les Trois Mousquetaires. Il ne s’en est jamais vraiment ‘remis’ et ses propres œuvres sont l’exact compromis entre ces deux grands ouvrages]] a <img11319|left>accepté de modifier certains détails pour ne pas choquer mais a tenu à présenter Mahomet comme l’homme qu’il a dû être !

Pour l’écrivain, les religions n’apportent plus d’espoir. Nous sommes des bêtes angoissées et pour lutter nous lisons, allons au cinéma… et fréquentons des lieux de culte. Dans les textes anciens, il y avait de l’aventure, mais de nos jours, il n’y a plus de visions.

Dans les trois grandes religions monothéistes, les femmes sont laissées en marge de l’histoire et aujourd’hui elles continuent d’être oubliées. Il a semblé important à Marek Halter – après avoir traité la Bible pour les Juifs et les Chrétiens – de s’attaquer à l’Islam.

Il est un combattant, un militant perpétuel : le monde ne lui plaît pas tel qu’il est. Il se souvient que lors de ces lectures d’enfance de la Bible, les auteurs avaient toujours un message à faire passer. C’est ainsi qu’il voit l’écriture : divertissante et passionnante comme Alexandre Dumas mais avec la nécessité vitale de passer un message. Dans son cas, il s’agit de la valorisation d’un oeucuménisme ne lissant pas les opinions au plus petit dénominateur commun, mais dans le respect de chaque individualité.

Lui, le Juif ashkenaze victime du nazisme et ayant vécu une partie de son enfance en terre musulmane (Ouzbékistan), ne se permet pas de montrer à d’autres la Vérité. Mais il a à cœur de rappeler à chacun que dans sa propre culture des Hommes ou des Femmes ont déjà tiré la substantifique moelle dont tous pourraient s’inspirer.

A celui qui a donné voix aux femmes à de nombreuses reprises, lorsqu’on lui demande ce que sa femme a pu lui apporter… il y a un silence avant de lancer : « On se dispute souvent« . Devant notre étonnement, il rappelle à quel point l’indépendante Clara Halter est elle-même une artiste qui a choisi d’abandonner l’écriture pour laisser le champ libre à l’homme qui partage sa vie pour se consacrer à la sculpture, la calligraphie et à la Paix.

Cette femme extraordinaire ne laisse jamais ses opinions de côté et lorsqu’elle jette un œil au travail des son époux, elle l’annote – en rouge – de ses réflexions, ce qui peut entraîner de vives discussions. Il nous confie que les obstacles, il faut les trouver dans le cercle intime, cela permet de réfléchir et se remettre en question et de reconstruire à l’abri d’œils malveillants.

Lui qui est polyglotte, pourquoi écrit-il en français. Sa réponse est à l’aune de ses livre : passionnante et fait passer un beau message. Ses langues maternelles sont le yiddish et le polonais, puis le russe lorsque sa famille a émigré. Pour lui elles sont irrémédiablement liées aux systèmes totalitaires sous lesquels ils vivaient alors.

Arrivé à 14 ans en France, il a eu du mal à s’approprier le français car en même temps, il apprenait la liberté. Un concept terrifiant lorsqu’on vous apprend à obéir sans discuter et à craindre sans se rebeller. De ce fait, même s’il n’est peut-être pas aussi fluide dans la langue de Molière qu’il l’aimerait (ce dont on doute), c’est son choix d’écrire ses romans – ses messages – en français.

Pour finir, on lui a bien sûr demandé quel serait son prochain projet. Il pense à une autobiographie – que nous lecteurs on imagine en plusieurs volumes ! – mais ce n’est pas du tout le même exercice… Lui qui connaît tous les grands et les petits de ce monde et qui se définit souvent vis à vis d’eux, ainsi que par ses valeurs universelles de paix, qui est-il au fond ?

Que pourrait-il nous révéler sur lui, sur ce qui le motive depuis toujours, sa propension à étudier ‘son ennemi’ afin de surement de s’en protéger, mais aussi d’en faire un ami ? Y-a-t-il toujours en lui un petit garçon effrayé par la barbarie ? Bien sûr, nous sommes sûr qu’il nous surprendra quoi qu’il entreprenne, mais ne se révèle-t-il pas en profondeur dans tout ce qu’il a pu déjà faire ?

En tout cas, nous remercions vivement l’éditeur et Marek Halter pour cette parenthèse enchantée ainsi que les autres invitées qui par leurs questions et leur point de vue ont rendu ce rendez-vous encore plus passionnant qu’il pouvait l’être !