L’inconnue de Birobidjan – Avis +

Editeur : Robert Laffont

roman de Marek Halter

– Où est ce Birobidjan, Miss Gousseïev ? Personne ici n’en a jamais entendu parler. Ni que les communistes aient créés un État juif. Cohn arborait son sourire de gigolo. Elle lui opposa un regard de glace.

– C’est que vous n’êtes pas un si bon Juif que ça, monsieur le procureur. À New-York ou à Los Angeles, quantité de Juifs connaissent l’existence du Birobidjan. Et depuis longtemps.

Juin 1950 : Allen G. Koenigsman ne comprend pas ce qu’il fait là. Journaliste libéral il a été invité à assister à une audience de la Commission des activités antiaméricaines. Agissant pour la sauvegarde des USA contre les menées subversives de l’Union soviétique le sénateur McCarthy a déclenché une chasse aux sorcières. Comme il est évident que les secrets de l’arme nucléaire américaine étant menacés par la présence d’agents communistes au sein d’Hollywood et du théâtre c’est dans ces milieux que se déroule leur traque.

Leur dernière prise affirme se nommer Maria Apron. En réalité les membres de la commission dont un dénommé Richard Nixon sont ravis de révéler qu’elle se nomme en réalité Marina Andreïeva Gousseîev ! Qui plus est, Marina Gousseîev affirme venir de la république autonome juive de Birobidjan.

C’est alors que Koenigsman comprend ce qu’il vient faire ici. En tant que journaliste de confession juive il sert d’alibi aux menées antisémites de la commission. De nombreux communistes étant juifs, tout Juif est suspect de communisme et donc d’activités antiaméricaines. La commission compte d’ailleurs parmi ses membres le zélé procureur Roy Cohn, très actif dans la chasse aux membres de sa propre communauté.

Répondant aux interrogations et accusations de la commission, Maria Apron relate son existence. Celle d’une jeune actrice du théâtre ayant attiré l’attention de Joseph Staline, d’une jeune femme creusant les défenses antichars sous les bombardements allemands, celle d’une exilée volontaire en Sibérie et celle d’une Russe devenant juive par amour. Bien entendu il est évident pour les membres de la commission que Marina est un agent de l’Union soviétique et qu’elle mérite donc la chaise électrique.

Alors que la parodie de justice se dirige vers une mise à mort, Koenigsman décide de s’y opposer. Mais pour cela, il doit affronter le F.B.I. de J. Edgar Hoover, la Commission des activités antiaméricaines et également l’opinion publique gagnée par le maccarthysme. La guerre froide permet d’établir quelques similitudes entre l’Est et l’Ouest, entre le NKVD et le F.B.I. entre le goulag et les prisons américaines.

C’est ainsi qu’est mis en évidence le paradoxe cruel né de la politique et de la paranoïa. Un État totalitaire a permis la création d’une république juive tandis que les Etats-Unis, pays de la liberté et qui furent alliés de l’URSS contre les Nazis, persécutent de nombreuses personnes dont des Juifs. Le talent littéraire de Marek Halter nous transporte dans une histoire mêlant théâtre et espionnage, à une une époque où la C.I.A se nomme encore OSS et où le KGB porte le nom de NKVD.

Peu à peu l’époque du récit rejoint l’année 1950 où l’héroïne, rescapée de la Seconde guerrre mondiale et d’un État policier, est alors menacée par le pouvoir politique d’une démocratie paranoïaque. La narration évolue également. Alors qu’elle repose sur le regard de Koenigsman, celui-ci passe de témoin à acteur, devenant même le narrateur puisque à l’issue de cette aventure, il décide d’écrire un livre dont le titre sera : L’inconnue de Birobidjan.

La fonction de narrateur, de personnage et d’auteur se mêle harmonieusement.


Fiche Technique

Format : broché
Pages : 435
Editeur : Robert Laffont
Collection : Roman
Sortie : 26 janvier 2012
Prix : 21,80 €