Non, Magdi Allam, le célèbre journaliste italien d’origine égyptienne qui fait scandale, n’a pas trahi la cause arabe en défendant le droit d’Israël à exister. Pas plus qu’en décidant – fait sans précédent pour un musulman – de se convertir au catholicisme à l’âge de 55 ans, baptisé par Benoît XVI en personne en la basilique Saint-Pierre de Rome.
Est-ce l’oecuménisme dans lequel il évolue dès l’enfance, au Caire, en fréquentant des institutions catholiques italiennes ou en découvrant le judaïsme à la faveur d’un amour de jeunesse qui lui permettront de s’abstraire de la chape de plomb idéologique qui pèse sur le panarabisme initiée par Nasser ?
Si la fin des années 1970 le voit en défenseur acharné de la cause palestinienne, les manipulations auxquelles se livrent Arafat, le chef de l’OLP, alliées aux opérations sanglantes du terrorisme mondial qu’il commandite, lui font très vite prendre conscience de la faillite morale de ce combat. Question : peut-on exister en niant l’autre, en rejetant le Juif, le Chrétien, le prochain hors de l’humanité. Doit-on être absolument Arabe à ce prix ?
Avis de Valérie
Si on prenait le temps du recul, on pourrait constater que la terre d’Israël a un destin hors du commun. Hors du commun car le territoire a été donné par Dieu aux Juifs. Alors que l’Islam prône la conversion forcée avec une guerre de terrain, le Catholicisme, lui, veut une évangélisation passive et totalitaire du monde, forcée également, mais sans gain obligatoire d’espace (l’espace se convertissant en même temps que les habitants), Dieu a demandé aux Hébreux de prendre possession d’un tout petit bout de terrain en bord de mer et d’y rester.
De ce fait, les deux autres religions monothéistes se réclamant du même Dieu, ont eu besoin de sanctifier cette bande de terre, un peu comme pour valider leurs dogmes. On passera sur les aller-retours des croisades qui appuie ce point, ainsi que les diverses tentatives de colonisation. Il faut savoir que contrairement à ce que le public pense, il y a toujours eu des Juifs en Israël, et que le peuple palestinien a été une création récente. Cela n’est ni une excuse, ni une justification, mais pour autant, il est pratiquement impossible de parler de ces sujets sereinement. Il existe depuis la création de l’état d’Israël une sorte de brouillard épais qui empêche visiblement toute réflexion.
Magdi Allam décrit sa propre expérience en l’étayant de ses connaissances en tant qu’Egyptien, musulman, et aidé de sa capacité d’analyses liées à son métier de journaliste. Il explique l’ensemble de son processus de réflexion de l’intérieur. Le livre est d’une écriture agréable et Magdi Allam prend le temps de citer sourates ou discours en les situant dans le temps, laissant donc à chacun le soin de vérifier ses dires. Sa démonstration permet d’éventuellement rester sur son quant à soi, car le journaliste n’écrit pas un article, mais raconte sa vie. Cette particularité donne à son texte une humanité qui peut être faillible et donc offre un refuge au lecteur, mais aussi une force dans ses affirmations, il est le témoin privilégié des événements qu’il narre.
Au final, nous découvrons une thèse révolutionnaire qui fait son chemin en nous, mais aussi nous avons la possibilité de réfléchir calmement sur un conflit qui dure depuis plus de 50 ans. Magdi Allam n’a peut-être pas fait le meilleur choix en se convertissant au catholicisme puisque c’est tout de même une religion « relativement » antisémite, antisioniste, antihébraïque, mais cela s’ajoute à l’ensemble qui compose sa personnalité. Des contradictions, certes, mais des positions innovantes qui pourraient ouvrir une véritable discussion pour la paix.
A lire, non seulement pour lesdites positions, mais aussi pour un témoignage de l’intérieur de ce choc des titans qui définie le pays d’Israël.
Fiche Technique
Format : broché
Pages : 209
Editeur : Editions du Rocher
Sortie : 9 octobre 2008
Prix : 19 €
Biographie de l’auteur
Magdi Allam, grande figure du prestigieux quotidien italien Corriere della Sera, est un homme traqué par le Hamas, veillé nuit et jour par des gardes du corps éternellement sur le qui-vive. Il survit grâce à sa foi opiniâtre dans un vivre ensemble nécessaire et libérateur, qui triomphera un jour entre les frères ennemis. Autoportrait inédit d’une personnalité arabe hors du commun, au parcours exemplaire.