Le serment des limbes – Avis – et +

Résumé de l’éditeur

Quand Mathieu Durey, flic à la brigade criminelle de Paris apprend que Luc, son meilleur ami, flic lui aussi, a tenté de se suicider, il n’a de cesse de comprendre ce geste. Il découvre que Luc travaillait en secret sur une série de meurtres aux quatre coins de l’Europe dont les auteurs orchestrent la décomposition des corps des victimes et s’appuient sur la symbolique satanique.

Les meurtriers ont un point en commun : ils ont tous, des années plus tôt, frôlé la mort et vécu une « Near Death Experience ». Peu à peu, une vérité stupéfiante se révèle : ces tueurs sont des « miraculés du Diable » et agissent pour lui. Mathieu saura-t-il préserver sa vie, ses choix, dans cette enquête qui le confronte à la réalité du Diable ?

Avis de Nicolas

Jean-Christophe Grangé fait des best-sellers qu’il décline en films. C’est son métier.

J’avais apprécié Le Concile de Pierre et Les Rivières Pourpres, parfois les adaptations cinématographiques (parfois non). Mais ce sixième roman, qualifié de «polar religieux» est une déception. Comme le veut le genre, c’est un ouvrage long (650 pages), avec de nombreux rebondissements, avec trop de rebondissements finalement…

Luc et Mathieu sont des copains de classe, ils se sont rencontrés adolescents, quand se construisait leur foi de chrétiens. Après différents parcours (Tchéchénie d’un côté et Rwanda de l’autre), ils se sont retrouvés dans la police, décidés à combattre le mal dans ses manifestations quotidiennes, dans la rue. N’allez pas imaginer deux bénis oui-oui gnan-gnans prompts à tendre l’autre joue. Ce sont des cogneurs, n’hésitant pas à utiliser les méthodes les plus violentes – parfois à la limite de la morale – pour arriver à leurs fins.

Alors quand Mathieu apprend la tentative de suicide de son ami, il n’y croit pas. Luc est trop chrétien pour pouvoir en arriver à une telle extrémité. Il commence ainsi son enquête qui va l’amener des Pyrénées à Rome/Vatican, à Lourdes, en Sicile en passant par la communauté africaine parisienne.

Erudit, cartésien, il sera confronté au phénomène des expériences de mort imminentes puis il découvrira le monde des « sans-lumières », ceux revenus d’une « NDE négative » (rien de moins que se concluant par la rencontre du diable en personne). Sa foi ainsi que sa santé mentale seront soumises à toutes les épreuves, mais il ira jusqu’au bout pour comprendre le geste de son ami.

Bon, ça à l’air plutôt sympa non ?

On pouvait penser qu’en mettant de côté ces histoires de NDE négatives, et en étant prêt à se laisser surprendre par les habituels rebondissements du genre, on passerait un bon moment pendant ces 650 pages. Malheureusement, trop c’est trop.

Le narrateur est continuellement à côté de la plaque tout au long de son enquête, et à chaque fois qu’il rencontre une nouvelle source d’information, cette personne le prend toujours de haut. C’est étonnant les premières fois, puis à la longue, cela use la crédibilité du personnage. On a l’impression que l’auteur nous fait des copier/coller de schémas de discussions.

Page après page, le personnage principal amasse quantité d’informations relatives à son enquête. Mais à chaque nouvel interlocuteur rencontré, on lui déballe quasiment toutes les infos découverte précédemment. On en vient à regretter au bout de 200 pages qu’il n’ai pas rencontré le médecin de Lourdes plus tôt, cela lui aurait permis d’éviter des moments pénibles. Alors que ce qui semblait être le gros secret-de-la-mort quelques pages plus tôt, le nouvel informateur prouve qu’il connaissait déjà tout… Ce type de conversations se reproduira jusqu’à la fin, pendant la rencontre du super-méchant qui se chargera de faire un résumé de tout le livre.

Les différents voyages de notre héros, les rencontres dans des lieux atypiques (la haute administration cléricale du Vatican, les montagnes pyrénéennes, Catagne devant un Etna en éruption, la communauté africaine parisienne…) donne un bon rythme au récit et on n’a pas le temps de s’ennuyer. Mais c’est vraiment tiré par les cheveux, et le cheveu étant une denrée de plus en plus rare chez moi, je ne me laisse pas séduire… En refermant le livre, mon premier commentaire fût : « ouaih, c’est vraiment n’importe quoi !« .

Bien sûr, ce livre est actuellement en cours d’adaptation pour le cinéma. Le film sera réalisé par Frédéric Schoendoerff.

Avis de Callixta

On ne présente plus Jean Christophe Grangé qui signe régulièrement des thrillers noirs et hallucinés qui ont déjà inspiré avec plus ou moins de bonheur le cinéma. On retrouve tout à fait son style dans Le serment des Limbes. Ce titre mystérieux sera expliqué au cours du roman et je vous laisse découvrir ce que signifie cette expression.

Difficile de résumer l’intrigue complexe et haletante. Mathieu Durey est un flic solitaire, tourmenté avec un parcours atypique. Qui a déjà rencontré un flic de la crim’ qui a fait des études de théologie, intégré le séminaire de Rome et failli devenir prêtre avant de passer des années d’épouvante au Rwanda pour enfin finir au 36, Quai des Orfèvres ?

Mathieu est un flic à la Grangé. Totalement absorbé par son métier, habité par une très forte vie intérieure, complexe et tourmentée, diaboliquement doué pour son travail. C’est un personnage fascinant que l’on va voir progressivement changer au cours du roman, se laisser absorber, dévorer par son enquête et ses doutes personnels. En effet, son meilleur ami Luc Soubeyras a été retrouvé quasi-noyé dans sa propriété familiale. Tout semble indiquer une tentative de suicide. Impossible pour Luc qui est un catholique fervent voire fanatique. Mathieu, impuissant alors que son ami est dans le coma, décide de trouver ce qui a pu le pousser à un acte aussi désespéré et découvre qu’il enquêtait sur des faits étranges se déroulant dans le Jura et notamment le meurtre d’une femme retrouvée abominablement mutilée.

Le serment des Limbes est un gros roman qui se dévore comme un petit et qui présente plusieurs niveaux de lecture.

Il y a d’abord l’excellente enquête policière plus vraie que nature, avec des personnages qui sonnent juste : des flics ordinaires au boulot avec des affaires banales la plupart du temps. On a vraiment l’impression de découvrir les dessous du métier. Le roman est d’ailleurs très bien documenté. Partout où l’auteur vous emmène, il vous plonge dans un contexte géographique précis et donne des détails qui rendent le dépaysement total. Où que vous lisiez, vous êtes au siège de la police, en Sicile sous une éruption de l’Etna, dans le Jura…

Plus le roman avance, plus l’aspect enquête policière type s’efface devant la frénésie de vérité de Mathieu qui s’implique personnellement de plus en plus. On tombe alors dans une histoire qui reste en permanence entre l’ésotérisme et la rationalité. Mathieu et Luc représentent deux versants de l’affaire mais aussi de fervents catholiques. Mathieu demeure croyant mais conserve un regard cartésien sur tout chose et refuse ce qu’il considère comme des superstitions notamment la croyance en l’existence du diable. Luc a basculé dans… autre chose. Est-ce du fanatisme, de la folie, une clairvoyance qui lui permet de comprendre mieux que les autres ? Il faut lire le roman pour en avoir une idée !

Les interrogations de Mathieu sont passionnantes. Voilà un flic crédible dans sa différence, vivant une foi crédible et des doutes bien naturels qui perd peu à peu ses repères et son fragile équilibre. Son amitié avec Luc prend des aspects bien plus sombres et on peut s’interroger longtemps sur son rôle dans l’existence de Mathieu, lui qui provoque souvent les grands changements de sa vie. Cette relation trouble et complexe est très réussie.

L’intrigue est remarquablement menée sur un rythme haletant qui fait passer de la rigueur scientifique la plus extrême aux superstitions les plus malsaines. C’est une plongée hors du réel qui s’accentue peu à peu. Si les personnages principaux s’intéressent aux forces du mal souterraines, ils nous entraînent avec eux ! De ce point de vue, l’écriture et la structure du roman sont remarquables.

Le roman n’est pas vraiment ésotérique, il se rapproche de ces thèmes mais d’un point de vue rationnel. Il pose en effet le problème de l’existence du diable et soulève toutes les interrogations tabous que l’Eglise a à ce propos de ce sujet. Évidemment l’auteur tombe un peu dans le « complot du Vatican » dont les forces, la richesse et le pouvoir ne semblent pas connaître de limites. Mais il est impossible de parler du diable sans parler de ceux qui sont spécialisés ! De la même façon, le roman aborde le thème des meurtres en série mais de façon originale et différente.

Voilà donc un excellent thriller, noir, haletant, qui vous emmène avec lui dans une descente aux enfers au propre comme au figuré. Le prochain Grangé sort en septembre. D’ici là, pourquoi ne pas refroidir votre été avec ce roman inquiétant ?

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 652
Editeur : Albin Michel
Sortie : 1 mars 2007
Prix : 23,90€