
Lieu : Paris/Avignon
texte et mise en scène de Céline Devalan
Présentation officielle
Le tableau le plus célèbre d’Angleterre, mais à quel prix ?
Londres, 1850. Lizzie Siddal, jeune modiste, devient la muse d’un petit groupe d’artistes peintres, rebelles et romantiques, dit les Préraphaélites, dont Rossetti et Millais sont les chefs de file. Rossetti, amoureux de Lizzie, est obsédé par sa beauté et la représente en Béatrice, figure emblématique de l’amour courtois. Millais, quant à lui, désire qu’elle pose pour son futur tableau, Ophelia. Exaltée à l’idée d’incarner ce personnage, Lizzie se lance dans l’aventure malgré les objections et craintes de Rossetti. Quel mystère se cache derrière cette destinée si semblable à celle de l’héroïne pour laquelle elle posa ? Ce tableau était-il un funeste présage ?
Avis de Claire
C’est l’histoire d’une passion, plus qu’un coup de foudre, un coup au cœur. Entre Lizzie Siddal et Céline Devalan, la rencontre était inévitable. Alors que la pièce n’a pas encore commencé, la voix de la comédienne, telle une petite musique, nous fait entrer dans le secret de la création par la magie de la poésie. Seule en scène, Céline lit. Puis des images projetées sur écran nous racontent, comme dans une mise en abîme, la naissance de ce spectacle. L’émotion est palpable. Dès les premières secondes, on sait que ce qui va suivre n’aura rien d’ordinaire. Bien au contraire. Celle qui a déjà prêté ses traits à des héroïnes de Shakespeare, Maupassant, Tchekhov ou encore à Jane Austen elle-même dans sa pièce à succès Les Trois Vies de Jane Austen (2012), partage avec le célèbre modèle préraphaélite beauté éthérée, présence gracile et force tranquille.
Mais la destinée de Lizzie Siddal, c’est avant tout l’histoire d’un amour. Fulgurant. Désespéré. Destructeur. Dans l’Angleterre victorienne, entre la jeune femme, couturière de formation et d’origine modeste, et le peintre de bonne famille aussi rebelle que romanesque, Dante Gabriel Rossetti (Romain Arnaud-Kneisky, incandescent), c’est une évidence. Complémentaires, fiers et profondément épris l’un de l’autre, ils n’auront de cesse de se brûler mutuellement les ailes. L’art de la peinture brille d’un trop grand éclat pour eux deux. Lorsque Lizzie accepte de poser en tant que l’Ophelia de Hamlet pour l’autre étoile montante du mouvement préraphaélite, John Everett Millais, la jalousie s’installe, insidieuse, vicieuse et surtout terriblement injuste pour la jeune femme qui ne cherche que la reconnaissance de son talent, comme modèle, mais surtout comme artiste. Et si Lizzie était plus douée que Dante ? En posant pour un rival en peinture, l’affront semble à Rossetti encore plus offensant qu’une tromperie amoureuse.
Dans une mise en scène tourbillonnante et cinématographique, les vies de Lizzie et d’Ophelia s’entremêlent jusqu’à se répondre et se confondre. Des scènes filmées en noir et blanc nous révèlent en pointillé la tragédie qui touche les personnages shakespeariens d’Ophelia et Hamlet, interprétés également par Céline et Romain. Ce jeu de miroir souligne d’autant plus le thème du dédoublement, plébiscité par Rossetti. Il aimait se présenter comme Dante à la recherche de sa Béatrice, l’héroïne du poème Vita Nuova de Dante Alighieri, poète italien du XIIIe siècle. Entre Dante et Béatrice, il n’est question que d’amour en fuite, impossible et inassouvi. Est-ce pour cela que le peintre refusera toujours farouchement d’épouser sa muse ? Quoiqu’il en soit, quand il y consent enfin, il sonne le glas de la santé de la fragile jeune femme. Entre laudanum et dépression, Lizzie se fane alors qu’elle vient juste d’être reconnue pour ses talents d’artiste. Soudain, la pièce bascule dans une ambiance feutrée qui fleurte avec le gothique, symbolisé par cette œuvre commune ultime, le fameux Beata Beatrix, dont il se dit que c’est le visage apaisée d’une Lizzie morte qui servit de modèle.
La destinée de Lizzie Siddal est aussi belle que dramatique, captivante que troublante. Romain Arnaud-Kneisky et Céline Devalan incarnent à corps et à coeur ces deux héros au comble du romantisme, dans une scénographie attentive au moindre détail. Du son à la lumière, de l’utilisation de l’espace aux séquences filmées (remarquable travail du vidéaste Antoine Le Gallo), ainsi que la qualité des costumes qui donnent au spectacle un authentique « cachet » préraphaélite, chaque élément fait de cette pièce un véritable tableau, à la fois dans le sens pictural et théâtral. Pensé, écrit et mis en scène par Céline Devalan, Le Mystère Ophelia s’impose comme une œuvre forte, doublée d’une puissante réflexion sur la création féminine, dont cette pièce elle-même en est une brillante démonstration. La pièce était de passage au théâtre Lucernaire à Paris, le 7 avril 2025 et sera présentée au Festival Off d’Avignon, du 5 au 26 juillet. Ne la manquez sous aucun prétexte, si vous êtes dans le coin. On espère la retrouver très vite à Paris et en tournée dans toute la France.
Fiche technique
Adresse : Théâtre des Corps saints, 76 place des Corps saints, 84000 Avignon
Dates et horaires : tous les jours à 10H, du 5 au 26 juillet 2025 (relâche le mardi)
Tarif : de 14 à 20 €
Texte et mise en scène : Céline Devalan, avec la collaboration artistique de Caroline Darnay
Avec Céline Devalan et Romain Arnaud-Kneisky
Durée : 75 minutes
Photos : Céline Sereyn


