Rencontre avec Justine Triet

Par une belle journée d’été (tellement rare cette année, que ça valait la peine de l’indiquer !), nous avons été invités par le distributeur de son dernier film, Anatomie d’une chute, à rencontrer la réalisatrice Justine Triet, ainsi que le jeune comédien Milo Machado Graner.

Plutôt qu’un classique question-réponse, nous avons bavardé avec la jeune femme, principalement sur son film tant il est impressionnant de maîtrise. Anatomie d’une chute a remporté la Palme d’or à Cannes et si le sujet semble classique, la finesse de l’analyse et l’incroyable interprétation de l’actrice allemande Sandra Hüller en font un joyau ! (voir notre article)

Voici le détail de nos discussions. Milo est arrivé avant la réalisatrice, et nous avons pu avoir avec lui son retour sur ce grand film. Il nous a impressionnés par sa maturité. Bien qu’il n’ait pas beaucoup d’expérience, il a su apprécier le talent face à lui, même si lui ne comprenait pas vraiment ce qu’il tournait. Il était coaché, avait des tuteurs et était très encadré. Par la suite, Justine Triet a confié à quel point ils avaient eu de la chance de trouver l’adolescent. Au début, le casting cherchait un enfant malvoyant, mais ceux qu’ils arrivaient à dénicher dans des centres spécialisés n’étaient pas suffisamment bons acteurs. En changeant leur fusil d’épaule, ils ont élargi leur recherche à de jeunes acteurs.

À l’origine, l’idée de Justine Triet était de tourner une fiction sur un procès, mais elle n’arrivait pas à trouver l’angle, le point de départ. Elle s’est rendu compte que c’était finalement un prétexte pour raconter l’histoire d’un couple. Pour finir, l’enfant devait être central, même si ce n’était pas par ses yeux qu’on allait voir les événements. Ensuite, elle a souhaité renouveler le passage oblité de la découverte du corps en guidant le chien (merveilleux acteur !) vers le père avant que l’enfant et l’adulte, puis les gendarmes s’y rejoignent.

Beaucoup parmi nous ont souligné la présence du chien qui interpelle et ajoute à l’intérêt du film. Il a reçu la Palm dog à Cannes, et d’ailleurs la réalisatrice lance un appel, il a été égaré ou volé. Si une bonne âme sait où il se trouve, contactez Laura Martin, sa maîtresse et dresseuse !

L’une des particularités du film est de se perdre dans les mots, puisque l’héroïne, Sandra, est Allemande et communique avec son époux Samuel en anglais. Si elle parle français, son niveau n’est pas suffisant pour le tribunal où on le lui impose malgré tout.

L’intérêt du film, outre la fiction interprétée et réalisée avec talent, c’est le jugement moral que l’on porte tous. Sandra est charismatique, mais pas sympathique. On est loin du manichéisme à l’américaine, ni même de la morale à la française.

Justine Triet nous confie que l’actrice, Sandra Hüller, lui a demandé si elle allait enfin lui révéler si son personnage était coupable ou non. La seule réponse a été : « joue là comme si elle était innocente » ! L’Allemande fascine la Française. Sandra Hüller est également une comédienne de théâtre qui joue Hamlet tous les soirs durant 3 heures. Elle maîtrise son corps, ses émotions et qui arrive à se mettre dans un état ou un autre en 2 secondes. Avec elle, souvent une prise suffit.

Parmi ses influences, elle cite Richard Fleisher, Cassavettes, Preminger ou Clozot. Elle dit s’être inspirée du fait divers Amanda Knox, une jeune américaine accusée du meurtre de sa colocataire en Italie. La beauté et la liberté de la jeune femme a fait basculé le verdict plusieurs fois face aux preuves… Beau parrallèle !