Présentation de l’éditeur
Suite aux mesures drastiques prises durant les siècles précédents, l’Europe devenue Newland vit désormais en paix et en harmonie. Chaque citoyen se voit orienté à quatorze ans vers la filière qui correspond le mieux à ses inclinations. Depuis l’enfance, au vu de ses performances, Marian est assurée d’être dirigée vers un domaine intellectuel. Aussi éprouve-t-elle un véritable choc à ne pas y être admise et un sentiment d’injustice qui va la conduire à transgresser les lois de Newland et en découvrir le fonctionnement, au risque de s’y briser.
Roman d’anticipation autant que roman d’apprentissage, Newland nous plonge au cœur des questionnements les plus brûlants qu’Aldous Huxley, avec Le Meilleur des mondes, avait posés en son temps sur notre devenir et sur les dérives qui aliènent, au nom du bonheur et de l’égalité, la notion même de liberté.
Avis de Tan
Le monde dépeint pas Stéphanie Janicot est construit avec une logique certaine, car ce qui a mené à son modèle de civilisation post-transitionnisme n’est autre que la résolution point par point de nos problèmes actuels – ou en passe de le devenir : société à deux vitesses, surpopulation et gestion des ressources, crises énergétique, écologique et politique, montée des extrémismes religieux de tout poil, guerres et insécurité galopante. Au 23e siècle et après deux siècles à rationaliser et à réajuster, voici Newland, la nouvelle Europe.
Ainsi, pour lutter contre les égalités et permettre aux Européens de vivre en harmonie et en paix, il fut décidé de les séparer en trois grandes castes dont chacune aurait une couleur et un rôle précis dans la société, d’instaurer un contrôle drastique de la population, de découper le continent en un nombre défini de cellules contenant un nombre défini d’habitants, de fermer hermétiquement les frontières avec le reste du Monde et de faire chapeauter le tout par une personne invisible de caste et de sexe inconnus qui ne serait pas élue démocratiquement, mais choisie par son prédécesseur.
Ce récit s’inscrit définitivement dans le genre dystopique, ce qui veut bien sûr dire que tout n’est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. C’est en suivant la jeune Marian que le lecteur va pouvoir se faire son avis sur le fonctionnement de cette société, sur ses points négatifs et ses points positifs (car il y en a).
Marian, jeune fille de 14 ans au début du roman, est particulière à bien des égards, en commençant par son prénom, aussi rare qu’asexué. Particulière aussi car elle est affectée à une famille qui a déjà un enfant du même âge qu’elle ; ce qui n’est normalement pas admis. C’est cette unicité qui sera cultivée et portera l’histoire.
Reprenant donc un des schémas classiques de l’électron libre si cher au genre, le poids du changement repose sur ses épaules, mais ici, il n’y aura pas de révolution pour renverser le système à la manière des romans Young Adult qui cartonnent à l’heure actuelle, il s’agit avant tout d’un récit initiatique, une façon d’appuyer sur l’idée que ce n’est pas ce qui semble nous prédestiner à une place dans la société qui doit nous empêcher d’être libre de faire autre chose, même quand cette liberté semble bien réduite, de dire aussi que ce sont les obstacles et les contrariétés de la vie qui nous façonnent. Rien de plus, rien de moins.
Il est utile de prendre un peu de recul à la fin pour comprendre que l’auteur n’a pas juste mené son héroïne au but de sa quête initiale, celle qui la motive depuis son enfance, elle en a profité pour la construire très intelligemment, y compris dans sa fibre la plus féministe, lui faire vivre des moments forts qui font que son avenir ne pourra pas être prédit avec certitude par le lecteur après le point final.
Une fin qui est d’ailleurs délibérément ouverte, et ce qui pourrait paraître un peu vain, ou appelant une suite, devrait surtout forcer le lecteur à se demander où l’auteur voulait en venir avec le personnage de Marian.
L’intrigue en elle-même reste cependant trop prévisible, la faute sans doute à des pièces de puzzle dispersées de manière beaucoup trop évidente. Une grande partie des révélations à venir sont reconstituables avant la moitié du livre. Ce qui sauve heureusement Newland, c’est une écriture très efficace, prenante, et une belle sensibilité aussi qui est parfaitement véhiculée par les mots, entre désir de liberté, goût amer de l’injustice et amour débordant.
Newland est un livre qui ne révolutionne pas le genre, mais qui reste plaisant à lire et, surtout, dépeint et construit une très belle héroïne.
Fiche technique
Format : broché
Pages : 297
Éditeur : Albin Michel
Sortie : 2 mars 2016
Prix : 19,90 €