Pilote de guerre – Avis +

Nous sommes fin mai, en pleine retraite, en plein désastre. On sacrifie les équipages comme on jetterait des verres d’eau dans un incendie de forêt.

Fin mai 1940 un avion de reconnaissance Bloch 174 décolle vers Arras. Le groupe 2/33 a déjà vu tomber 17 équipages sur 23. L’état-major se manifeste régulièrement pour demander des missions de reconnaissance. Qu’importe que l’avion revienne, il est impossible d’exploiter les renseignements obtenus.

On suggère parfois de voler à 10 mètres du sol. Le pilote proteste alors ! A dix mètres, il est impossible de distinguer les lignes ennemies. La réponse est significative de la compétence de la hiérarchie : « Mais voyons lorsqu’on vous tirera dessus, c’est que ce seront des ennemis« . Erreur : toutes les troupes au sol (quelle que soit leur nationalité) tirent sur un l’avion français.

À 750 mètres, la visibilité est parfaite, pour le pilote de l’avion, mais aussi pour la DCA française et la FLAK allemande. Tous les calibres peuvent tirer.

À 10 000 mètres d’altitude, les commandes gèlent de même que les mitrailleuses. On pourrait dire au moins qu’à cette hauteur on est en sécurité. Oui mais voilà, à cette altitude les mitrailleuses et les commandes des Messerschmitt 109 ne gèlent pas elles.

Saint-Exupéry évoque alors la persistance de l’administration française qui par son inertie engendre des échecs. Cette même administration décidant la réquisition du bétail pour nourrir les troupes a ordonné l’abattage des génisses pleines. Et l’administration se manifeste partout où elle le peut pour œuvrer contre la victoire.

Mais celle-ci était-elle possible, lorsqu’une nation de 40 millions d’agriculteurs affronte un peuple de 80 millions d’ouvriers ? Pour l’instant, la population française est sur les routes. C’est l’exode décidé non pas par le gouvernement, mais par des autorités locales. Le maire, l’adjoint au maire ou l’instituteur décide tout à coup d’évacuer, et tout le village suit.

Une mère de famille demande à un capitaine d’aviation de lui sortir la voiture du garage. Le capitaine s’exécute… mais pourquoi ? Mais parce que la dame ne sait pas conduire bien entendu. Ah et… sur la route cela devrait aller… ah bon. Quelques kilomètres plus loin, la voiture immobile encombrera les routes boîte de vitesses cassée ou réservoir d’essence vide.

Et dans le ciel, des équipages continuent à voler comme le capitaine de Saint-Exupéry et d’autres comme Jean Israël : « on lui avait tant parlé de la prudence juive, que son courage, il devait le prendre pour de la prudence« .

La France se bat pour la démocratie, même si la plus grande des démocraties ne participe pas au combat. La France s’est proposé à l’écrasement, au sacrifice. Les pilotes ont accepté la mort.

Écrit aux États-Unis sous le titre de « Flight to Arras » ce texte à la fois roman et récit de guerre parut également en France occupée. Curieusement accepté par la censure allemande, il fut par la suite interdit suite à l’intervention de l’extrême droite française en raison de la dénonciation subtile de l’anti-sémitisme.

Instructif sur le plan historique il propose des explications à la défaite et défend l’idée d’engager le combat, même si l’on sait que la victoire est impossible « Je suis d’une civilisation qui a choisi l’Homme pour clef de voûte ». Lorsque cent mineurs risquent leur vie pour sauver celle de leur camarade enseveli, c’est l’Homme qu’ils sauvent.

Fiche Technique

Format : poche
Pages : 250
Edition : Folio
Sortie : avril 1972
Prix : 5,95 €