Une vie pleine – Avis +

Présentation de l’éditeur

Deux rencontres ont changé le cours de l’existence de Kristin Kimball, journaliste new-yorkaise trentenaire : l’une avec Mark, jeune fermier bio compliqué, exaspérant mais ô combien séduisant ; l’autre avec le travail de la terre dont elle a fait, contre toute attente, son métier. Ce livre est le récit de ces deux histoires d’amour…

«La terre prend racine en vous ; à côté, tout le reste paraît dérisoire. Vos champs deviennent un univers à part entière. Et vous vous rendez compte que c’est au royaume des magnétoscopes numériques, des tours de bureaux, des fast-foods, du chauffage central et de l’air conditionné, dans ce pays où presque tout le monde vit aujourd’hui dans le confort, que vous étiez privé de quelque chose : du plaisir du désir, de l’effort et de la difficulté, du sens de l’accomplissement.»

Avis de Marnie

Une année… une année de l’existence de Kristin Kimball, journaliste et pure citadine, qui sur un coup de tête, un coup de coeur, est tombée amoureuse indissociablement de la terre et d’un homme ! C’est cette première année de fiançailles, d’acclimatation et de dur labeur qu’elle va nous raconter, avec six années de recul, ce qui apporte une certaine sérénité au propos.

L’excellente réussite du sujet est son aspect réaliste fondamental. Il n’y a rien de romantique dans la description de la mise en place de cette ferme croulante que personne n’aura le temps de retaper durant l’année, (même de remplacer un carreau cassé). Tout doit être pris à la base, des premiers travaux de la terre, jusqu’aux âpres discussions entre les deux tourtereaux pour toutes les décisions à prendre pour faire tourner cette AMAP, soit cette ferme biologique qui fonctionne directement sur l’engagement des consommateurs à acheter les produits.

Dirty life, que pour ma part j’aurai traduit par « une vie à la dure », est le récit non pas d’une expérience, mais l’histoire d’un changement d’existence, mais aussi de la profonde transformation d’une femme, physique, mentale, morale, métaphysique, sentimentale et affective. Kristin Kimball menait une vie faite de coups de coeur sans lendemain, insatisfaite, partant aux quatre coins du monde pour écrire des guides de voyages et qui rêvait vaguement de maison de banlieue avec jardin, enfants et chiens en prime, sans se donner les moyens d’obtenir ce souhait.

Elle débarque en Pennsylvanie, en territoire amish, et tombe littéralement dans les bras d’un superbe, sain, gentil fermier (qui vit dans une caravane) dont la philosophie ne tient qu’en un mot : bio ! Nous sommes déroutés en lisant les premières pages où notre héroïne nous décrit cet homme d’une seule manière : en train de cuisiner.

Et oui, si l’on dit qu’une femme attrape un mari grâce à son estomac, l’inverse peut être vrai. Kristin Kimball semble être tombée amoureuse d’abord de la cuisine de Mark. Plus le récit avance, plus la nourriture aura de l’importance, c’est la base de l’existence de cette ferme située dans le Connecticut (où ils vivent après la Pennsylvanie), au nord est des Etats-Unis. Et c’est aussi ce qui va faire subsister ce couple qui a mis tout ce qu’il possédait dans ce pari un peu fou, un moyen aussi d’échanges et de partages traditionnels, mais aussi une nouvelle manière de réinventer la vie.

Ne croyez surtout pas que nous plongeons en plein récit baba-cool, avec mantras et plats végétariens. La viande a autant d’importance ici que les cinq tonnes de pommes de terres qu’ils vont faire sortir de la terre. Sans aucun état d’âme – qui ici serait de toute façon malvenu – Kristin Kimball tue poulets, cochons ou veaux à tour de bras. Parallèlement, les naissances sont racontées avec le ressenti imprégné de réalisme qui font l’intérêt de l’ouvrage.

Même si le ton est très mesuré, le style plus descriptif que jouant sur l’émotion, le récit vibre d’enthousiasme, surtout quand le découragement est proche. Rien n’est facile, rien ne tombe dans leurs bras sans être semé.

Pourtant, le travail est si harassant que sans entraide, ils auraient échoué. Sans le soutien des voisins, des amis et des deux familles respectives, Kristin et Mark n’auraient pas survécu à la première année.

Avec franchise, la jeune femme raconte les tensions nées de ce manque de sécurité, mais aussi les petits plaisirs de ce choix difficile, dans un harmonieux mélange fait de hauts et de bas, comme la vie. Nous passons d’anecdotes humoristiques aux incidents tragicomiques, agrémentés de détails alléchants, répugnants, tristes ou enjoués.

Un récit sincère qui ne nous entraîne pas dans les faux-semblants du genre « faites pareil que moi » mais plutôt, une grande bouffée d’air frais où certaines valeurs reprennent leur place, dans un rythme que la nature s’est réapproprié. Oui, passionnément sincère !

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 272
Editeur : Fleuve Noir
Sortie : 14 avril 2011
Prix : 17 €