Présentation de l’éditeur
Lui : Au début, c’était un jeu intime pour s’amuser à deux : tu m’écrivais des petits textes où tu parlais de moi à la troisième personne et je te répondais de la même manière. Nous étions les seuls à les lire mais ils creusaient entre nous un pli : celui d’une histoire à deux voix s’adressant à nous autant qu’à tous. Quinze ans plus tard, l’habitude est restée et nous ne savons toujours pas qui nous sommes réellement. Formons-nous, en fait, un couple d’inconnus, un couple célibataire ?
Elle : Oui, nous demeurons un mystère l’un pour l’autre. Aujourd’hui encore, je ne sais pas pourquoi tu as sans cesse voulu me quitter ? Pourquoi tu n’y es pas arrivé ? Pourquoi, chaque fois que je suis partie, je suis revenue ? Pourquoi tu as fondé une famille avec une autre femme ? Pourquoi tu t’es converti à l’Islam ? Pourquoi je ne t’ai pas tué, ou sorti de ma vie ? Et pourtant, dans cette longue aventure, d’autres que nous se reconnaîtront. Sans doute parce que nous sommes, en effet, un couple. Un couple célibataire certes, mais un couple tout de même, qui aura su – à sa façon – trouver le moyen d’être heureux.
Avis d’Enora
L’amour est enfant de bohème
Il n’a jamais, jamais connu de loi
Si tu ne m’aimes pas, je t’aime
Si je t’aime, prends garde à toi
Quoi de mieux que l’Habanera de Carmen pour introduire ce récit écrit à quatre mains par Catherine Laborde et Thomas Stern et symboliser à partir de ce mythe dans lequel Eros flirte avec Thanatos, l’amour ambigu, dévastateur, fait de transgression et de liberté qui les lie depuis quinze ans.
Cherchant à percer le mystère de leur passion – de déchirures en séparations et d’infidélités en retrouvailles – les deux amants prennent tour à tour la parole, se racontant dans une succession de monologues qui quelquefois se transforment en dialogues. Dialogue de sourd, même, par moment, quand par exemple il pense qu’elle est la femme de sa vie parce qu’elle a vu quelque chose de lui qu’il ne veut montrer à personne et qu’elle répond que l’amour l’a rendue aveugle et dépourvue de raison. Monologues qui révèlent un regard sans complaisance sur soi et sur l’autre, toujours avec une profonde émotion, souvent avec cynisme, parfois aussi avec un humour noir :
« Elle veut être enterrée… Moi je veux être incinéré et dispersé. Elle veut qu’on place mon urne dans son caveau. Je ne vois pas pourquoi je me donnerais le mal d’échapper à mes propres asticots, si c’est pour me retrouver en cendres coincé au milieu des siens »
Ils se dévoilent de façon crue, mais avec une certaine pudeur émotionnelle et abordent tous les aspects de la vie d’un couple : la rencontre, la passion, la lassitude, la trahison, les blessures, la famille et ses secrets, la vieillesse et la mort.
Leur relation amoureuse décrite avec sincérité ne donne jamais au lecteur l’impression d’être témoin ou voyeur. Ils se penchent sur leur histoire avec ce besoin de comprendre ce qui les a attirés l’un vers l’autre et qui fait qu’ils sont toujours ensemble. Leur histoire est unique mais le cheminement des réflexions fait écho à celui qui un jour a traversé le lecteur. D’où tirons-nous cette puissance élastique qui nous lie un jour à un être sans se rompre malgré le temps et les blessures que nous nous infligeons ?
En ce temps où chacun veut la satisfaction de ses désirs, tout de suite et maintenant, ce temps où si quelque chose est cassé, usé, on le jette pour trouver du neuf, ce temps où si le couple ne se révèle pas comme dans la vie rêvée, on tourne la page, sans remise en questions, cela fait un bien fou de lire comment un couple arrive à surmonter les épreuves du temps et de la vie.
« J’hésite à l’écrire, mais nous sommes sans doute un couple heureux… nous vivons un bonheur comme tous les bonheurs, nourri de rêves et de projets avortés qui semblent prouver que la réalité est insatisfaisante. Pas du tout. Les couples heureux ont des histoires, et nous ne sommes jamais à court d’invention »
Fiche technique
Format : broché
Pages : 350
Editeur : Flammarion
Sortie : 10 février 2010
Prix : 19 €