La peine du menuisier – Avis +

Présentation de l’éditeur

Son père est une ombre solitaire. Sa maison bruisse de silences et les murs de pierre suintent le mystère… La narratrice grandit dans une atmosphère lourde de non-dits. Pourquoi celui qu’elle appelle le Menuisier est-il si lointain ? Pourquoi sa famille semble-t-elle perpétuellement en deuil ? Elle aimerait poser des questions, mais on est taiseux dans le Finistère. Livrée à ses doutes et à ses intuitions, elle écoute les murmures, rassemble les bribes, tisse patiemment une histoire. Des années lui seront nécessaires pour percer le secret de son ascendance, mesurer l’invisible fardeau dont elle a hérité.

Avis d’Enora

L’histoire de Marie tourne autour des mots qui ne sont pas dits, qui cachent les faits, enfouissent les sentiments et de ceux qu’on ne nomme pas comme pour effacer leur existence, leurs fonctions.

C’est peut être parce qu’elle était une enfant non désirée, s’inscrivant dans la longue lignée de ceux qui ne sont pas nés, de ceux qui ne sont pas nommés ou auxquels on donne le prénom d’autres enfants décédés, que Marie se sent plus proche des morts que des vivants. Et pourtant elle est là, au milieu de sa grand mère, sa mère sourde, sa sœur folle, de dix huit ans son ainée et du menuisier, ce père qui ne lui parle ni ne la touche jamais. Car ici chacun vit dans sa boite, isolé du monde, isolé des autres. Seules les pierres parlent, les pierres gardiennes de mémoire dans la discrétion des cimetières.

On nait deux fois dit-elle, la première fois lors de l’accouchement de sa mère et la deuxième lors de son premier souvenir. Ce souvenir c’est l’enterrement d’un petit garçon ; elle avait quatre ans, il en avait deux et elle réalise que même tout petit, on pouvait mourir. La mort est omni présente et c’est au milieu des « encadrés », portraits de ceux qui ne sont plus, que Marie va grandir et se construire.

Dans cette famille où rien ne se dit, où tout se cache, où toute parole causerait une fissure fatale dans le mur de leur résignation, quelle blessure, quel fardeau, quel passé obsédant pèsent sur le menuisier ? Marie va remonter ce long fil invisible de sa filiation tissée dans le silence. Viendra la fuite, car faute de mots, faute d’aveux, rien ne peut être pardonné ; errance sur les pas de son père, sans jamais l’approcher, le toucher, lui parler.

C’était au Finistère sud, il y a quelques années, un temps où les maitres d’école punissaient les écoliers qui parlaient breton, un temps où les familles vivaient en autarcie, où l’on se mariait entre voisins, entre cousins, à la mode de Bretagne.

Marie Le Gall nous livre ici un premier roman remarquable, tout en pudeur et en sensibilité à fleur d’âme. Avec une belle écriture toute en retenue et en finesse, elle dévoile les secrets dont les réponses se perdent dans les brumes de sa Bretagne natale. Témoignage d’une époque, d’une région, histoire sur les secrets transgénérationnels et leur transformation en « impensé dévastateur »[[Anne Ancelin Schützenberger]], La peine du menuisier, est un roman bouleversant.

Fiche technique

Format : broché
Pages : 283
Editeur : Editions Phébus

Sortie : 20 mars 2009
Prix : 20€