Le café Julien – Avis +

Présentation de l’éditeur

Dans le New York des années 1940, le charme désuet du Café Julien attire les âmes vagabondes en quête de luxe ou d’inspiration. Écrivains ratés, étudiants bohèmes, mondains en goguette, tous se retrouvent autour d’un Pernod pour disserter sur le monde. Certains possèdent un attachement tout particulier au lieu, comme Rick et Ellenora, un couple qui se cherche autant qu’il se fuie ou encore Elsie Hookley, une aristocrate excentrique qui prend un malin plaisir à s’immiscer dans la vie des autres.

Avis d’Enora

Dawn Powell (1896-1965) n’a jamais de son vivant trouvé de reconnaissance auprès du public ; peut-être parce que sa plume acérée brocardait cette classe moyenne dont il faisait partie et qu’en ce début du XXe siècle, il n’était pas de très bon ton pour une femme, de donner dans la littérature réaliste. Café Julien – The wicked pavilion – est l’un de ses derniers romans et peut-être un des plus aboutis. L’histoire se déroule à New York dans les années 1948, le café Julien, brasserie à la française, est un lieu incontournable où certains se retrouvent inlassablement pour parler de leurs rêves de gloire. Quand le café disparaît, ceux qui avaient été liés par le Julien se disperseront « comme des brins de paille lorsque la corde qui retient la botte est coupée ».

Dawn Powell décrit avec acuité cette Amérique d’après-guerre dans laquelle les vieilles dames meurent de faim, des citoyens harcelés par le fisc se jettent par la fenêtre pour des dettes de quarante dollars tandis que des familles au chômage s’offrent de plus gros postes de télévision pour aller avec leurs meubles achetés à tempérament. On y sent son pacifisme et sa révolte face à une société qui prend les jeunes en otages pour en faire de futurs soldats : « Des parents pouvaient, en investissant par patriotisme dans la plus grosse usine de munitions du monde, envoyer leurs fils à l’université, alors qu’ils se seraient épargnés beaucoup de temps et d’efforts en les expédiant directement à l’usine se faire sauter la cervelle ». Dans ce café Julien, microcosme reflétant la foire aux vanités qui sévit à New York, on trouve aussi bien un couple d’amoureux, qu’une propriétaire de galerie ou… un peintre mort ! Mais chez Dawn même les histoires d’amour ne sont pas des contes de fées, Rick jouit de la maltraitance qu’il impose à Ellenora en lui confessant tous ses faux pas, comme du sentiment de culpabilité et du pardon de sa compagne ; quant à elle, elle se résigne en se disant que le devoir d’une femme est de préserver l’amour à n’importe quel prix et de le tenir prêt pour le moment où l’homme en aurait besoin. L’auteur épingle aussi avec beaucoup d’ironie le mariage respectable avec le couple Warton/Nita, comme avec les réflexions de Jerry, jeune femme franche et naturelle qui voit pour elle cette option comme une défaite, une sorte d’extrême onction.

A coté de ces considérations douces-amères, il y a aussi beaucoup d’humour et particulièrement dans une des intrigues secondaires qui met en scène un peintre méconnu, qui se fait passer pour mort pour échapper à la justice et au fisc ; sa cote atteint alors de tels sommets qu’il est tenté de continuer à peindre après sa mort, « être mort m’a corrompu » dira-t-il.

Dawn Powell est un grand écrivain, de sa plume acerbe, elle analyse ses contemporains dans un réalisme sans fard et sans romantisme, mais son œuvre est aussi un témoignage d’une époque passée mais non sans similitudes avec celle que nous vivons. La parution, en poche, d’un de ses meilleurs romans est l’occasion pour cet écrivain trop peu connu de rencontrer peut-être le public qu’elle mérite. A noter la parution aux éditions Quai Voltaire, le 17 avril, d’une oeuvre inédite, Une époque exquise – A time to be born.

Fiche technique

Format : poche
Pages : 400
Editeur : 10/18
Collection : Domaine étranger
Sortie : 16 avril 2009
Prix : 8,60 €