Retour au pays bien-aimé – Avis +

Présentation de l’éditeur

Pour George, ce voyage en Afrique du Sud était la promesse d’un retour sur les terres de ses ancêtres afrikaners. Mais dans l’immensité du veld, ce ne sont pas seulement des souvenirs qui resurgissent. Entre la peur, le silence et la ruine du monde « d’avant », le retour du fils prodigue tourne très vite à l’étouffement. Pour ces familles de paysans délaissées par l’histoire, George représente tout à la fois. L’étranger et l’enfant du pays. Le passé et l’avenir. Un rôle qui va s’avérer bien vite trop lourd à porter.

Avis d’Enora

C’est en 1972, en pleine fureur ségrégationniste et en langue afrikaans que Karel Schoeman écrit Retour au pays bien-aimé. Ce titre fait écho au roman d’Alan Paton, Pleure ô pays bien-aimé paru en 1946, un des livres qui a fait connaitre les lois de l’apartheid.

Ici nous sommes à une époque indéterminée, l’auteur ne nous donne aucune indication de temps. George, un jeune homme élevé en Suisse, revient dans son pays d’origine après la mort de sa mère. Il désire découvrir la ferme de ses ancêtres et cette terre qu’il ne connait qu’à travers les évocations maternelles. De retour il n’y en aura point, pas plus que de pays bien-aimé et de la ferme, il ne reste que des murs en ruine, envahis par la végétation. Pour la famille de sa mère il n’est qu’un étranger, pire, une sorte de traitre, un de ceux qui ont quitté le navire et sont allés se mettre à l’abri quand le pays n’était plus qu’un énorme carnage. Il ne connait rien des exactions militaires, des pillages, des viols, des meurtres. « Les gens disparaissent, meurent et on n’en entend plus jamais parler. La vie humaine n’a plus aucune importance. On s’habitue, on apprend à ne plus poser de questions ». Il ne se reconnaitra pas dans ces gens qui à la fois vivent dans la nostalgie d’un passé révolu, habités par les fantômes et en même temps luttent contre le pouvoir établi.

Dans ce roman, Karen Schoeman joue sur le silence, l’incommunicabilité. Les êtres humains sont à l’image de cette terre dévastée par la violence, mutilés par leur souffrance et leur rage. L’écriture et les dialogues nous enferment dans une sorte d’huis-clos à l’atmosphère étouffante, reflétant l’immobilisme des gens et de la situation et certainement le pessimisme de l’auteur à l’époque de la rédaction.

Roman subtil, il y a fort à parier que Schoeman prête sa voix à ses différents personnages. Il est un peu Raubenheimer, l’instituteur qui écrit des poèmes comme une arme de combat pour provoquer les gens et les inciter à réagir, à se révolter ; George, quand celui-ci refuse le sacré du devoir envers ses ancêtres et déclare que l’obéissance n’est pas synonyme d’aveuglement mais que c’est un choix libre et réfléchi ; Clara, dans sa peur de perdre sa dignité humaine « quand on arrête de considérer quelqu’un comme un être humain, quand on ne le traite plus comme tel, il oublie peu à peu qu’il en est un. Il perd sa fierté, sa dignité ; alors la seule chose qui compte est de rester en vie, on rampe, on se tortille, on s’humilie sur commande… j’ai peur de cette déchéance ».

Retour au pays bien-aimé est une parabole sur l’apartheid, mais le talent de Karel Schoeman à disséquer les mécanismes de l’âme humaine, en fait un roman intemporel, universel, qui renvoie à tous les drames vécus par l’humanité.

Pour ceux qui voudraient continuer à découvrir cet auteur, je vous conseille vivement La saison des adieux , écrit en 1990 et sorti en avril 2008 en poche, chez le même éditeur.

Fiche technique

Format : poche
Pages : 250
Editieur : 10/18
Collection : Domaine étranger
Sortie : 22 janvier 2009
Prix : 7,90 €