DVD : Seraphine – Avis +

Présentation de l’éditeur

En 1912, le collectionneur allemand Wilhelm Uhde, premier acheteur de Picasso et découvreur du douanier Rousseau, loue un appartement à Senlis pour écrire et se reposer de sa vie parisienne. Il prend à son service une femme de ménage, Séraphine, 48 ans. Quelque temps plus tard, il remarque chez des notables locaux une petite toile peinte sur bois. Sa stupéfaction est grande d’apprendre que l’auteur n’est autre que Séraphine. S’instaure alors une relation poignante et inattendue entre le marchand d’art d’avant-garde et la femme de ménage visionnaire.

Avis de Eric

« La fureur de peindre »

Ce film est l’histoire de la vie de Séraphine, peintre naïf de la première moitié du XXe siècle. Séraphine est une fille de la campagne entre deux âges qui vit comme femme de ménage et bonne à tout faire chez plusieurs employeurs. Elle n’a pas reçu d’instruction artistique. Elle est possédée par la fureur de peindre et le cinéaste le fait comprendre par une musique poignante, un choix de nuances de vert pour les mises en scène de Séraphine dans la nature audacieux qui contraste avec la richesse des couleurs des tableaux de celle-ci. Séraphine dit que c’est son ange qui lui a ordonné de peindre. Et on la croit !

C’est aussi l’histoire de la rencontre de celle-ci avec Wilhelm Uhde, critique d’art et collectionneur allemand qui est comme elle un personnage en marge. Allemand en France à la veille de la première guerre mondiale, découvreur de talents visionnaire et isolé, retiré à Senlis, homosexuel, il est malheureux sans doute plus que Séraphine. Très pauvre, Séraphine anime les gestes les plus simples de sa vie par des chants d’Eglise en latin, quand lui reconnaît croire en l’âme et pas en Dieu. C’est en un mot la rencontre de la fureur de peindre avec un homme qui ne collectionne pas pour vendre, mais qui vend pour collectionner.

Ce film collectionne, lui aussi, les scènes pénétrantes au détour de circonstances triviales. Ainsi la recherche, le choix et la fabrication des couleurs par Séraphine se présentent sous la forme d’une chasse aux trésors bucolique et parfaitement incongrue. Apprécieront cette chasse aux trésors, tous ceux qui se souviennent de leur enfance.

De même, ce film rappelle que si Séraphine passait de longs moments perchée dans les arbres, c’est peut-être que comme aux enfants, c’était pour elle le moyen le plus accessible et efficace d’évasion de son imagination. A cet égard, ces scène s’accompagnent toujours du seul bruit du vent dans le feuillage. Cette simplicité du personnage est également suggérée par de nombreux autres bruits de la campagne, toujours exposés isolément.

C’est cette même simplicité qui fait répondre Séraphine par l’énoncé de sa fonction à la question de Uhde qui lui demande qui elle est lors de leur première rencontre.

Et c’est sur cet arrière plan de simplicité et de dénuement que se nouent des relations et des découvertes réciproques d’une densité morale inouïe. En faisant le lit de Uhde, Séraphine tombe en arrêt en découvrant un croquis de Picasso, esquisse pour ‘L’étreinte’. A son tour, quelque temps plus tard au cours d’un dîner ennuyeux et prétentieux, Wilhelm Uhde tombe lui aussi en arrêt devant une petite toile de Séraphine représentant des pommes, qu’il achètera aussitôt à la patronne de Séraphine, avant de descendre fébrilement l’escalier, la toile dans ses mains. Des années plus tard, se rendant pour la première fois au domicile de Séraphine qu’il avait perdue de vue à cause de la guerre, il montera l’escalier à pas comptés avec le même trouble qu’un premier communiant s’approchant du prêtre.

Ces deux personnages ont également des gestes d’attention gratuite l’un pour l’autre que leurs statuts et leurs conditions de l’époque auraient dû leur rendre strictement impossibles. Ainsi déchausse-t-elle Uhde qui de retour tard d’un déplacement à Paris s’est effondré de fatigue sur son lit tout habillé. Lui de son côté levé tôt un matin se prépare un petit-déjeuner sans laisser Séraphine l’en décharger quand elle y entre pour commencer sa journée.

Chacun, de ce film, privilégiera tel ou tel enseignement ou émotion ou sensation ou impression (impression ? tiens donc !) et c’est bien ainsi, car le sujet est inépuisable.

Je voudrais vous livrer encore un regard croisé de ces personnages sur leur raison de vivre commune.

Wilhelm Uhde : « Naïfs ? Ils n’y connaissent rien. Je préfère parler de ‘ primitifs modernes’ ».

Et Séraphine : « Quand on peint, Mademoiselle, on aime autrement. »
(Ceci n’est pas sans rappeler l’enseignement du film Le festin de Babette, dans lequel une cuisinière française prépare un dîner somptueux pour des habitants d’un village de pêcheurs danois reculé en remerciement d’une hospitalité de plusieurs années.).

Les acteurs, Yolande Moreau et l’Allemand Ulrich Tukur, ont manifestement ressenti autant de passion à interpréter ces rôles que Séraphine n’en avait à peindre. Grâce en soit rendu au cinéaste, Martin Provost.

C’est un film que vous regarderez de façon renouvelée de nombreuses fois et pour de nombreuses années encore.

Fiche Technique

Sortie du DVD : 02 avril 2009

Sortie en salles : 01 octobre 2008

Avec Yolande Moreau, Ulrich Tukur, Anne Bennent, etc.

Genre : drame

Durée : 125 minutes

Bonus : Making of, et entretiens autour des œuvres de Séraphine exposées au Musée Maillol