Le roman de Jeanne… à l’ombre de Zola – Avis +

Présentation de l’écrivain

Jeanne vit une enfance douloureuse en Bourgogne. Il y a d’abord le décès de sa mère, puis l’arrivée de Rosalie, la nouvelle épouse de son père, qui ne l’aime guère, le départ en pension de Cécile, sa grande sœur adorée, enfin le soulagement lorsque les deux fillettes s’installent chez leur tante maternelle, à Paris. Jeanne commence un apprentissage dans un atelier de couture. Mais vient la crise, les ateliers ferment, l’adolescente est licenciée. Elle est présentée à Alexandrine Zola, qui l’embauche comme lingère. L’avenir s’annonce doux et paisible.

L’été arrive, le couple Zola prend ses quartiers d’été à Médan et emmène Jeanne. Et c’est le coup de foudre entre l’adolescente et l’écrivain… Mais l’amour incroyable qui unit Jeanne et Zola, malgré leur différence d’âge, rend impossible toute vie commune à Médan. Émile achète un appartement à Paris où il installe sa protégée. D’excuses en prétextes, il parvient toujours à retrouver la jeune femme qui, enfin, donne à Émile ce dont il rêve depuis toujours mais qu’Alexandrine n’a pu lui offrir : deux enfants, Denise et Jacques.

Les absences de l’écrivain finissent par peser sur Jeanne, qui doit se résigner : Zola ne se séparera jamais de sa femme, ses enfants ne porteront pas son nom, et elle-même devra accepter son statut de femme cachée et entretenue. Seule la force de leur amour les aidera à supporter les contraintes de cette double vie, y compris la fureur d’Alexandrine, lorsqu’elle découvrira leur histoire.

Sa haine, ses menaces, ses injures et ses larmes seront pourtant mises de côté à la mort de Zola, en 1902, quatorze ans après le premier baiser de l’écrivain à la lingère. Les deux femmes feront la paix pour élever ensemble Denise et Jacques. Jeanne rejoindra celui qui a fait de sa vie un roman à 47 ans, emportée par la maladie. Alexandrine n’abandonnera jamais les enfants…

Avis d’Enora

Le roman de Jeanne… à l’ombre de Zola d’Isabelle Delamotte est un vrai bonheur de lecture ! L’auteur a conjugué un minutieux travail de recherche (pas loin d’une année de travail) avec une sensibilité et une empathie vis-à-vis de son personnage qui lui ont permis d’imaginer et de nous faire partager ses ressentis. Comblant les lacunes de sa vie par des personnages fictifs qui ne sont désignés que par leur prénom (ce qui nous permet ainsi facilement de faire la part entre la réalité et le roman), elle nous raconte à travers l’histoire de Jeanne, la vie des femmes du peuple. Car la personnalité de la jeune femme est indissociable de la société dont elle est issue : le monde paysan de Bourgogne d’abord et plus tard, les dures conditions de travail des ateliers de couture en cette fin du XIXe. La majorité des ouvrières de l’aiguille, même les plus expérimentées ne gagnaient pas assez pour vivre, ce qui les poussait parfois à la prostitution pour pouvoir nourrir leur famille ou même au suicide. Longue journées de labeur, salaires très bas, cette fin de siècle éclate en injustice économique et sociale.

La vie de Jeanne se transforme le jour où elle est embauchée comme lingère chez une riche bourgeoise du nom d’Alexandrine Zola. A un travail qui n’était plus aussi pénible, se joignait l’avantage de se sentir respectée, estimée, non seulement en tant qu’employée mais aussi en tant que personne. Elle devient même une sorte de dame de compagnie pour sa patronne qui l’apprécie énormément. Hélas les choses vont se compliquer lorsque Jeanne tombe amoureuse pour la première fois de sa vie, car celui qui va toucher son cœur n’est autre que l’homme marié pour qui elle travaille, de vingt-sept ans son ainé, l’écrivain Emile Zola.

Jeanne c’est la jeune fille pure, travailleuse, sensible et courageuse que l’on retrouve de façon récurrente dans les romans de Zola. Ce n’est certainement pas anodin et cela explique peut-être en partie l’amour de l’écrivain pour cette jeune femme, comme un rêve qui deviendrait réalité. « Vous êtes un Greuze », lui dira-t-il, devant sa grâce naïve et émouvante. Jeanne démissionne et se sacrifie pour celui qu’elle aime, en devenant la maitresse d’un homme qui, elle le comprendra très vite, ne divorcera jamais de celle qui fut la compagne et la complice de ses débuts difficiles. Elle le comblera en lui donnant les enfants qu’il avait toujours désirés, « mon ventre est plein de tes rêves » dira-t-elle pour lui annoncer sa première grossesse. Ces enfants déclarés « de père non dénommé », ne seront reconnus officiellement qu’après la mort de leur père et grâce aux démarches d’Alexandrine et, à partir de 1907, porteront accolés par un trait d’union le prénom et le nom de leur géniteur.

Jeanne apporta dans l’œuvre de l’écrivain une vision plus sereine et plus épanouie de la sexualité, dans Le docteur Pascal on retrouve de grands passages autobiographiques sur les sentiments qui les liaient l’un à l’autre, mais malgré tout son amour, elle n’a pas plus réussi qu’Alexandrine à soulager Zola de ses angoisses et de ses obsessions.

Dans son roman, Isabelle Delamotte auteur d’une thèse sur « La médecine, le malade et le médecin dans l’œuvre de Zola », nous permet à travers deux magnifiques portraits de femme, d’aller à la rencontre d’un Zola intime et émouvant. Mais c’est aussi la peinture d’une époque, d’une société et un bel hommage à cette femme intègre, qui a voué sa vie à l’homme qu’elle aimait. Il était temps de la sortir de l’ombre dans lesquelles les conventions de son temps, l’avaient maintenue ; merci à Isabelle Delamotte de l’avoir fait et d’une si émouvante façon.

Fiche technique

Format : broché
Pages : 345
Editeur : Belfond
Sortie : 19 février 2009
Prix : 19,50 €