Si près du bonheur – Avis +

Présentation de l’éditeur

Laurel donnerait tout au monde pour avoir un bébé, mais, victime d’une agression sexuelle dans sa jeunesse, elle veut l’avoir « toute seule » et l’élever seule aussi. Quand elle confie ce projet à Caleb, son plus proche et plus tendre ami, celui-ci refuse qu’elle se tourne vers un autre homme que lui et lui propose aussitôt de l’aider à faire cet enfant, puis de l’accueillir chez lui pendant la grossesse.

Bouleversée par la générosité de Caleb, Laurel s’efforce de se montrer franche et l’avertit : parce qu’elle ne peut se résoudre à s’engager avec un homme, Caleb devra renoncer à ses prérogatives paternelles dès la naissance de l’enfant et rendre à Laurel sa liberté…

Avis de Marnie

La romance est en pleine évolution… il n’y a qu’à s’attarder un peu sur cette histoire pour le constater. Pourtant, nous avons lu de multiples intrigues basées sur le même thème, soit comment se reconstruire après un viol, pour croire que tout avait été déjà écrit, mais non, Janice Kay Johnson trouve le moyen de nous étonner. Décidément, cet auteur se distingue notamment par la qualité de l’introspection analysée par ses personnages.

En fait, la plupart des héroïnes ayant subi un tel traumatisme sont représentées comme des femmes à l’apparence fragile, mais qui luttent avec un courage inouï pour reprendre le cours de leur vie, ou au pire qui surmontent l’horreur grâce à la sollicitude du héros. Quoiqu’il en soit, elle portent la chanson I will survive, tatouée sur leur front ! Cependant, ici, ce n’est absolument pas le cas. Comme l’a si bien écrit Valérie, Laurel n’est pas “aimable”. En fait, notre héroïne s’est repliée sur elle-même. Si elle a été violée, Laurel a été battue et a failli mourir de ses blessures. Elle porte des stigmates de ce drame sur son visage et se remémore ces moments horribles à chaque fois qu’elle se regarde dans le miroir.

Depuis des années, Caleb s’accroche comme un forcené pour faire encore partie de sa vie. Egoïste, et pourquoi ne le serait-elle pas ? La vie lui a pris une part d’elle-même qui ne reviendra plus. Si un de ses proches s’oppose à sa volonté, Laurel lui fait soudain alors comprendre d’une phrase qu’il ne peut justement en aucun cas comprendre ! La jeune femme a décidé d’organiser son existence autour de ses besoins profonds qu’elle seule peut satisfaire.

C’est ainsi qu’elle décide de faire un enfant… tout cela est fort bien décrit dans le premier chapitre où Laurel ne porte qu’une attention presque distraite sur les sentiments qu’éprouvent les autres. La très bonne idée du roman, c’est de ne pas faire du héros, le libérateur. Caleb suit de façon presque désespérée le mouvement s’adaptant en tant que de besoin à l’entêtement forcené de Laurel. S’il gagne quelques batailles, ce n’est pas lui qui remportera la victoire finale. La présence d’un enfant, soit une responsabilité fondamentale dans son existence va soudain amener notre héroïne à réfléchir sur elle-même, ses besoins et ceux des autres. L’évolution est assez finement rendue, Laurel se transformant peu à peu pour devenir celle qu’elle voulait être…

Janice Kay Jonhson a l’intelligence d’éviter la complaisance et les détails sordides pour montrer une héroïne avec force et faiblesse, pleine de révolte contre l’inexplicable, dont la réflexion évolue pour aboutir à l’ouverture sur les autres, ce qui lui permet enfin d’avancer. Comme nous l’avons déjà constaté chez cet auteur, elle possède le talent de faire ressortir par petits détails de la vie courante, une vraie sensibilité et beaucoup d’émotions, sachant ici peu à peu, rendre attachante une jeune femme qui pourtant, au départ, ne provoquait aucune empathie de la part du lecteur, ce qui est rare pourtant de la part des victimes dans les romances. La démarche reste suffisamment originale pour que l’on s’y attarde. Une franche réussite !

Avis de Valérie

Etre victime d’un viol si brutal que le coupable ai laissé sa proie pour morte, détruit pour longtemps l’existence d’une femme. Mais comme pour chaque expérience, il faut un temps pour tout et lorsque le deuil est fait, il faut recommencer à vivre. Comme le dit l’héroïne de ce roman : « personne ne peut imaginer ce que j’ai vécu ». Si persuadée que son affirmation est vraie, excepté à la police, elle n’a jamais parlé de son agression, même à son groupe de soutien où elle retrouve d’autres femmes ayant vécues les mêmes épreuves. Si elle accepte que sa vie soit détruite, elle refuse de ne jamais devenir mère. Puisqu’il est impossible pour elle d’avoir des relations intimes, elle souhaite un donneur qu’elle connaît afin de doter son bébé de deux parents identifiés. Comme le miracle de la conception, cet enfant qui va grandir en elle, va déclencher un autre miracle : celui de la reconstruction de soi. Plus tard, Laurel saisira également qu’une victime le reste si elle le désire. Si son souhait est très égoïste, le résultat, un beau bébé, va reprendre la vie de Laurel en main.

Janice Kay Johnson a particulièrement bien compris le processus de guérison des victimes de viols et chaque étape est en adéquation avec la réalité. Elle ne cherche même pas à nous rendre son personnage principal sympathique, non, elle le montre tel qu’il est : une personne tournée égocentriquement vers sa souffrance et ayant rejeté toute affection de la part de ses proches.

Selon votre sensibilité, vous trouverez Laurel irritante ou vous ferez corps avec elle. Le principal est que l’auteur arrive avec justesse et talent à amener son personnage à se remettre en question et à mûrir. Le géniteur, Caleb est plus que méritant, puisqu’il patientera le temps qu’il faudra, à la fois car il n’a pas d’autres solutions mais aussi car il aime profondément la jeune femme.

Ce roman est peut-être un peu en dessous du précédent édité dans la collection Prelud’, car Laurel n’est pas une héroïne aimable dans le sens littéral du terme, mais il est sûrement la preuve du grand talent de JK Johnson, qui utilise des ressorts dramatiques sans voyeurisme et sans pathos, tout en dotant son récit d’une psychologie fine et pourtant simple.

Une belle réussite.

Fiche Technique

Format : poche
Pages : 352
Editeur : Harlequin
Collection : Prélud’
Sortie : 1 septembre 2008
Prix : 4,95 €