Les yeux de l’innocence – Avis +

Présentation de l’éditeur

Un drame a séparé Van et Cassie. Un viol dont le fruit porte un prénom pourtant plein d’amour : Hope –  » Espérance « . Pour élever Hope, sa petite fille, l’entourer de tendresse en dépit de tout, et la protéger de la pitié comme de la honte, Cassie a choisi de tout quitter – sa ville natale, sa famille, et surtout Van, son mari, son seul amour, dont elle n’a pas voulu supporter le regard sur elle et sur son enfant.

Déchirée, elle a même demandé le divorce et cessé de donner signe de vie. Mais cinq ans après le drame, alors que le destin de tous semble définitivement scellé, le téléphone sonne chez Cassie : C’est Van… Le père de Cassie est mourant… Elle ne peut pas ne pas rentrer. Bouleversée, rattrapée par son passé, Cassie prend la route pour aller dire adieu à son père, sans avoir d’autre choix que d’emmener avec elle sa petite Hope. Elle va devoir affronter Van. Van qui, pour la première fois, va rencontrer Hope aux grands yeux innocents…

Avis de Marnie

Ne craignez pas de lire un drame dégoulinant de pathos ! Rien de cela au fil des pages… l’auteur s’est en fait attachée à raconter ce que l’on évite souvent d’évoquer dans la romance : les conséquences d’un traumatisme. La scène du viol ne sera même jamais décrite, tout juste évoquée pour nous expliquer ce que chacun se reproche. En fait, le talent particulier de Anna Adams est de nous placer, nous, lecteurs, devant un fait accompli : c’est arrivé, oui et alors ?

Alors, Van n’a pas supporté la souffrance vécue par son épouse. Cassie, elle n’a pas pu prendre en charge la souffrance de son père et celle de Van… C’était trop pour elle, la jeune femme a préféré échapper à la sollicitude presque morbide de toute la ville… pour élever au loin l’enfant née de cette violence subie. Son retour est raconté et décrit de façon clinique par l’auteur qui s’attache à nous montrer ses difficultés pour surmonter tous les obstacles qui ne peuvent que surgir devant elle. L’aspect le plus intéressant est certainement la façon qu’Anna Adams a d’analyser son héroïne qui donne l’impression que cet évènement qui l’a transformée inexorablement est loin derrière elle. Cependant, un incident, une phrase, un détail font alors remonter le traumatisme à la surface. Il lui faut apprendre à vivre avec…

Van est également un personnages des plus intéressants. Son impuissance à empêcher le drame qui a bouleversé la vie de son épouse, l’a rendu vulnérable. Il a failli et ne se l’est jamais pardonné, même si c’est un sentiment absurde. Nous sommes très loin du moderne tycoon qui domine la romance actuelle… C’est un homme de la middle class, qui a des problèmes de boulot et même d’argent… en fait il ressemble à Monsieur tout le monde. Trop heureux d’avoir l’opportunité soudain d’avoir une seconde chance avec la seule femme de sa vie, il va soudain se heurter à la conséquence du drame qui a détruit son couple, en chair et en os, en la personne de Hope, une petite fille de quatre ans.

Les personnages secondaires enrichissent considérablement le récit qui se veut dépassionné, ainsi Léo, le père de Cassie en vieil homme qui perd la tête se montre touchant, coléreux, malheureux et vulnérable. Mais nous sommes surtout attendris par la petite Hope, celle par qui le scandale arrive, dotée d’un naturel confondant, maligne, mutine et très amusante dont la personnalité innocente et pleine de fraîcheur insuffle au roman la légèreté nécessaire pour dédramatiser un contexte qui aurait pu devenir tragique. Le mélo n’est pas seulement évité, il ne sera même jamais effleuré.

Si ce sujet a quelques fois été évoqué dans les romances, il est pourtant ici traité de façon atypique. En fait, c’est le talent de Anna Adams qui fait la différence. Un auteur vraiment intéressant à suivre !

Avis de Valérie

Depuis quelques mois, nous sentons que Harlequin s’est mis bien plus à l’écoute de son lectorat et a modifié de nombreuses choses dont nous avons déjà parlées. La finalité de ces nouvelles collections au récit plus long n’est plus l’amour, mais la découverte de soi. Lorsque l’on s’aime, on peut enfin aimer les autres.

Que dire de ce roman si ce n’est qu’il est au coeur de cette problématique et est également la démonstration des nouvelles orientations de l’éditeur. Cassie a non seulement été victime d’un viol, mais s’est vu mise au ban du petit village d’Honesty, mais également par son père et son mari, chacun pour des raisons différentes, toutes aussi valables humainement. Van s’en voulant de ne pas avoir pu protéger sa femme, de ne plus pouvoir la toucher sans penser à ce que l’autre lui a fait tandis que le père de la jeune femme, malgré son amour pour elle, a honte de ce qui lui est arrivé, il n’arrive pas à faire face.

Lorsqu’elle apprend qu’elle est enceinte, elle décide de fuir. Elle ne veut pas que cet enfant innocent subisse le poids du traumatisme et sait qu’en restant à Honesty, la petite Hope sera en butte aux rumeurs, moqueries, méchancetés. Comment dire à une gamine de 4 ans, jolie comme un coeur, intelligente et aimante que son papa a violé sa maman et qu’il est en prison.

Tout est là. L’auteur n’acceptera aucune trahison de son propos en fuyant par des raccourcis ou bien des coups de baguette magique pour transformer la conclusion. Obligée de retourner pour un temps indéterminé auprès de son père, très malade, elle amène Hope en espérant que sa présence pourra ne pas être expliquée. C’est impossible, bien sûr. Car si la petite ressemble à sa mère, sa date de naissance coïncide avec une conception faîte durant l’agression. Si certains imaginent que le père est l’ex-mari de Cassie, d’autres, plus malveillants, ne voient que le pire de l’acte. Mais personne ne peut faire semblant, ni ne pas y penser.

Cette inextricable intrigue nous porte à nous attacher à ces personnages imparfaits. Chacun aillant commis des erreurs, chacun cherchant un moyen de se racheter, mais aucun ne pouvant effacer le passé d’un claquement de doigts. Nous sommes poussés en permanence à nous poser nous aussi les mêmes questions, sans trouver de réponses satisfaisantes.

Émouvant mais jamais émotionnel, ce roman est particulièrement bien écrit et construit et se clôture comme dans « la vraie vie ». Seul bémol, la petite Hope s’exprime trop bien pour une enfant de 4 ans et cela peut nous égarer quelques fois. Mais dans l’ensemble, c’est une réussite de haut niveau, pas seulement car la trame est parfaitement bien menée, mais également car l’intégrité de Anna Adams permet à ce sujet tabou d’être discuté et réfléchi.

Bravo.

Fiche Technique

Format : poche
Pages : 343 pages
Editeur : Harlequin
Collection : Prélud’
Sortier : 1er juin 2008
Prix : 4,95