Trahisons – Avis +

Présentation de l’éditeur

Un crime commis sous leur toit va précipiter les membres de cette famille parisienne discrète, déjà éprouvée par le décès prématuré et tragique d’une enfant, à nouveau dans le drame.

Un secret bien protégé est-il responsable de l’atmosphère étrange dans laquelle se déroule une enquête criminelle aux multiples rebondissements ? À 35 ans, Laurence Delfosse, abandonnant sa carrière d’agent immobilier, se lance avec bonheur dans l’écriture de polars.

Avis de Marnie

Tout est une affaire de goût… C’est ce qu’il faut se dire en découvrant ce roman dit policier d’un auteur inconnu français. La quatrième de couverture ne ment pas, seulement elle ne tient absolument pas compte de l’atmosphère de ce polar, qui ne mérite d’ailleurs pas du tout d’être catalogué ainsi. Est-ce que Le mystère de la chambre jaune de Gaston Leroux est un polar ? Arsène Lupin de Maurice Leblanc est-il un polar ? Non, ce sont des oeuvres populaires, un roman – feuilleton d’un supplément de journal pour le premier et un recueil de nouvelles pour le second (étrangement, ils sont parus la même année en 1907)… Et bien Trahisons est totalement construit, écrit et imaginé comme un pastiche d’un genre qui n’existe plus dans notre littérature.

Voici une famille de bourgeois, les De La Balière, avec Georges, le père, qui travaille au ministère des affaires étrangères, sa chère épouse Béatrice, qui tient leur hôtel particulier ainsi que la domesticité avec le sens du devoir qui la caractérise, leurs habitudes et manières étant calquées sur les bourgeois des pièces de Feydeau. Catherine, photographe animalière, leur plus jeune fille, est “gentille”, traumatisée par la fin tragique de son ainée, Maud, aux mauvaises fréquentations, décédée dix ans auparavant. Il existe bien évidemment un majordome, une gouvernante, une bonne… un meilleur ami, un oncle perturbateur et inquiétant et une tante soumise à son mari, le meilleur ami de Maud, en fait, des personnages qui ont tous quelque chose à cacher ce qui entraîne le lecteur dans une situation explosive qui débouchera sur un meurtre, une nuit, dans la maison.

Le titre est fort bien trouvé : chaque personnage trahit l’autre tout en affirmant haut et fort qu’il l’aime, pourtant. La suspicion, la lâcheté, les connivences, tout se mêle, se complique pour trouver une porte de sortie au fur et à mesure que les meurtres ou agressions se succèdent sur un rythme plus que soutenu, alors que les arrestations répétitives se déroulent dans une ambiance plus hystérique qu’électrique ! Bien évidemment, nous comprenons qui est l’assassin au bout du deuxième chapitre, mais cela n’a aucune importance, car seule la forme nous passionne ici.

En effet, parlons de l’écriture, un langage obsolète, bourgeois, grandiloquent. On s’attend à des «Ciel, mon mari !», alors que nous sommes en 2008. Le tutoiement est la seule concession au modernisme, avec une évocation à un moment d’un portable (qui ne sera même pas en état de marche mais dont le terme paraît franchement incongru). L’utilisation étonnante de la conjugaison qui passe à contre-temps du passé au présent et vice-versa contribue à figer l’action dans un temps indéterminé. La construction feuilletonesque est soulignée à la fin de chaque petit chapitre par deux ou trois questions telles : «A moins que l’une des deux ait peur que l’on découvre quelque chose de néfaste sur son passé ? Où serait-ce les deux ?»

Le second degré, la dérision, la critique sociale et l’hommage à un certain style de littérature s’entremêlent grâce à une écriture très maîtrisée par un auteur qui ose aller jusqu’au bout du ridicule, assumant complètement, avec verve et un enthousiasme quelque peu délirant une histoire qui ne tient pas une minute debout… une enquête qui n’a rien de scientifique (et n’est même pas légale par bien des aspects) de l’impossible et improbable déroulement judiciaire jusqu’aux vérifications d’indices qu’un enfant de dix ans qui regarde les séries américaines pourrait démonter en deux temps trois mouvements. Mais qu’importe ! Seule l’ambiance mélodramatique années 20 prédomine… les hurlements, les portes qui claquent, les ruptures, les réconciliations mais surtout les trahisons !

Au final, le concept est simple… on déteste ou on apprécie ce genre de roman jubilatoire qui s’amuse avec les codes d’un genre. Si vous avez trouvé que 8 femmes de François Ozon est une réussite, vous adorerez ce roman qui nous offre une histoire sur le même ton. Si vous détestez l’outrance du film, passez votre chemin ! Honnêtement, pour ma part, je me suis laissée séduire…

Fiche Technique

Format : broché
Editeur : Amalthee
Sortie : 18 janvier 2007
Prix : 18,50 €