Présentation de l’éditeur
On connaît la boutade de Raoul Walsh à propos des trois éléments essentiels du cinéma : » Action, action, and… action « . Dans les années 1980, Hollywood produit quantité de films dans lesquels l’action devient le principal moteur narratif. Ces divertissements qui mettent en scène, sur fond d’esthétique publicitaire, des thèmes comme la revanche sur la guerre du Vietnam (Rambo, Missing in action, Delta Force...), la condamnation des déviances de la société américaine (Cobra, Robocop, Death Wish, Dirty Harry…), ou la figuration manichéenne de héros victorieux (Rocky, Die Hard, Conan the Barbarian…), sont très vite considérés comme les » porte-avions » de la propagande reaganienne.
Au croisement des études américaines, des études cinématographiques, de la sociologie et de l’histoire, une nouvelle génération de chercheurs dresse le bilan de cette production en s’attachant notamment aux phénomènes de réception populaire. Cet ouvrage analyse les rouages du système de production des films à grand spectacle et observe à travers eux l’édification d’une mythologie hollywoodienne de la société américaine des années 1980. L’engouement du public – mais aussi l’étonnante longévité commerciale de ces films – pose la question des différences culturelles et des modes de pensée mis en œuvre pour comprendre la réception du film de genre de part et d’autre de l’Atlantique.
Avis de Marnie
Parlons tout de suite de ce qui agace… le style ! Entre l’utilisation des mots savants inusités façon Roland Barthes (avec immédiatement explication d’une phrase compréhensible) et une longue préface suivi d’un long avant-propos, ou tout le monde s’excuse d’avoir écrit de telle façon et pourquoi pas d’une autre, nous prenons notre mal en patience de ce ton de prof qui se veut sérieux. N’oublions pas que nous parlons du cinéma et qu’un peu de passion plutôt que rationaliser tous ses propos aurait été bienvenue.
Hormis cette digression, cet ouvrage est en fait une comparaison entre évènements politiques, économiques, sociologiques, technologiques et démographiques (toujours l’immigration…) et l’influence qu’ils ont eu ou non dans le « nouveau » cinéma des années 80… Si cela vous paraît quelque peu rébarbatif, les auteurs ont pris soin de truffer d’exemples, soit la plupart des blockbusters de cette époque pour nous démontrer leurs réflexions et passent de thèses, antithèses en synthèses. L’étude est poussée et les résultats peuvent paraître surprenants. On me pardonnera, je l’espère, de vulgariser les propos en résumant d’une phrase : que les grosses ficelles que nous Français avons jugé d’extrême-droite avec vision simplifiée et manichéenne se révèlent nettement plus complexes avec du recul, et que les grands films humanistes libertaires, gauchistes, ne sont pas si altruistes que cela.
De plus, ce qui m’a personnellement très intéressé, c’est la transformation du héros pur et dur des années 50 à la John Wayne qui devient en 1980, Rambo, Rocky, Terminator, personnages qui n’arrivent plus à s’insérer dans la société (ce sont des vagabonds qui ont perdu leurs repères), qui cherchent leur place par rapport aux femmes, à qui il manque la transmission familiale (problème du père et de la perte des enfants comme dans Piège de Cristal)… Cette fragilité et ce questionnement de la société américaine sur ses valeurs se situe sur fond de réhabilitation des guerres perdues, quête de victoires pour une Amérique ou la police est incapable ou incrédule, le gouvernement ne fait plus confiance, les méchants sont des ennemis de l’ombre ou bien qui se révèlent être nos proches ou encore des étrangers qui sont contre l’Amérique, les progrès troublants de l’informatique, etc… avec en prime une réflexion sur le bien, le mal, la religion que l’on recherche à l’intérieur ou à l’extérieur de nous ?
Nous pourrions continuer longtemps d’exemples en exemples… en fait, cette excellente analyse est totalement nécessaire pour nous empêcher de sauter aux conclusions faciles, aux lieux communs que nous véhiculons souvent sur l’Amérique et notamment sur l’ère Reagan. Lorsque nous nous gaussons sur le fait que certains scénarii sont écrits sur des boites d’allumettes, à grands renforts d’effets pyrotechniques tonitruants et de centaines de morts, nous oublions quelque peu qu’au lieu de chercher un second degré, il est surtout intéressant d’en découvrir un troisième ou un quatrième !
Au final, un livre pour cinéphiles mais surtout pour ceux que l’évolution des Etats-Unis après les années 70 intéressent, le cinéma n’étant surtout qu’un moyen pour mettre en exergue les contradictions d’un immense pays toujours à la recherche d’une certaine identité, et qui continue à évoluer et se transformer. Intelligent et pointu !
Biographie de l’auteur
Frédéric Gimello-Mesplomb est maître de conférences à l’Université de Metz et enseigne à Sciences Po Paris. Michel Cieutat est professeur à l’université de Strasbourg, coauteur avec Christian Viviani de Pacino-De Niro, regards croisés (Nouveau Monde éditions).
Fiche Technique
Format : broché
Pages : 366
Editeur : Nouveau Monde
Collection : HIS ET CINE
Sortie : 25 janvier 2007
Prix : 23 €