Le sang de l’immortalité et Voyage avec les morts – Avis +

Avis d’Enora

Those Who Hunt the Night est une série de deux romans comprenant Immortal Blood (Le sang de l’immortalité) et Travelling with the Dead (Voyage avec les morts)

Paru en 1988, Le sang de l’immortalité est un excellent roman tant par son écriture, son originalité, que par son intrigue scientifico-policière.

Nous sommes à Londres à la fin du XIXe siècle. La communauté des vampires est en émoi, quelqu’un s’attaque aux leurs en fracassant les cercueils pour que la lumière les réduise en cendres. Ne pouvant traquer le meurtrier en plein jour, ceux-ci n’ont d’autre choix que de demander l’aide d’un mortel. C’est ainsi que James Asher, professeur à Oxford et ancien agent secret, se voit soumis à un odieux chantage sur la vie de sa jeune épouse, Lydia, chercheuse en médecine et contraint de rechercher le tueur de vampires. Mais, même s’il le trouve, que se passera-t-il ensuite ? Quel sera le sort de quelqu’un qui connaît les identités et cachettes des morts vivants ? Rentrer dans les secrets de ces créatures de la nuit, n’est-ce pas se condamner ?

Avec beaucoup de réalisme, Barbara Hambly nous entraîne de Londres à Paris dans les pas de son détective amateur. Je dirais même avec beaucoup de crédibilité, tant la relation entre Asher et son « employeur », Ysidro, noble et érudit castillan, devenu vampire en l’an de grâce 1558, tient la route. Ysidro est le type de vampire que j’adore, avec cet humour, cette classe, cette érudition, cette nonchalance et ce cynisme que seule peut donner l’immortalité : « Et n’allez pas prétendre que vous ignoriez que vous étiez engagé pour tuer par d’autres tueurs, au temps où vous travailliez pour la reine. Où réside la différence entre l’Empire, qui détient son immortalité dans la conscience de beaucoup d’hommes et le vampire qui la détient dans celle d’un seul ? »

Au fur et à mesure de son enquête, Asher va rencontrer un certain nombre de ces créatures hémophages : celles qui se sentent victimes et que leur conscience fait souffrir, celles qui se délectent de leur condition, celles qui demeurent solitaires et celles qui sont liées par une extase mutuelle dans le crime. Car pour ces êtres qui sont autant psychiques que physiques, ce n’est pas tant du sang des hommes qu’ils se nourrissent que de leur force mentale qui s’échappe au moment de la mort. Asher, en approfondissant ses connaissances sur ce monde de la nuit prend conscience du besoin quasi-fanatique des vampires de régir leur environnement. Tandis qu’il s’oriente de plus en plus vers une guerre entre vampires, Lydia, médecin pragmatique, cherche à connaitre les causes de cette transformation. Virus ? Mutation cellulaire ? Son enquête parallèle la conduit vers l’impensable.

Le second volume, Voyage avec les morts, nous entraîne dans une Europe où couve la Première Guerre mondiale. Les services secrets hongrois sont, semble-t-il, en train de recruter… des vampires. James Asher, terrifié par les conséquences potentielles de cette alliance contre nature et déterminé à y mettre un terme, se lance sur une piste semée de cadavres. Suivant les conspirateurs de Paris à Vienne et jusqu’à Constantinople, il va bientôt comprendre qu’il n’est qu’un pion dans un jeu complexe, auquel il n’a que peu de chances de survivre. Mais c’est sans compter sur sa jeune épouse Lydia. Avec l’aide de Don Simon Christian Morado de la Cadena-Ysidro, vampire depuis 1558, elle va déjouer les plans du plus improbable ennemi.

Dans ce second tome beaucoup plus romantique, la jeune femme devient un personnage central. Nous apprenons à connaître ce petit bout de femme qui s’est rebellé contre l’autorité paternelle pour pouvoir suivre des études de médecine et se marier avec un homme qu’elle a choisi. Parce qu’elle est différente des autres femmes de son époque, parce que cette différence l’a faite souffrir et connaitre la solitude, Lydia comprend Ysidro et l’amène à se dévoiler peu à peu. Sensible au caractère et au charme de la jeune femme, il ira même jusqu’à lui faire la promesse de ne pas tuer d’humains pendant le voyage, mettant ainsi en péril son immortalité. Une sorte de partie de bras de fer s’engage entre eux. Qui va gagner ? Car si Lydia est têtue et téméraire, Ysidro, lui, est dangereux ; non seulement il peut lire les rêves des vivants mais il peut aussi les faire naitre. Mais Lydia possède une arme dont elle n’a pas conscience et contre laquelle Ysidro va devoir se battre, car les vampires capables d’aimer, font rarement des vampires heureux « Il n’est pas facile de me contempler dans le miroir de votre honneur. Aussi je proposerai que nous le voilions d’un châle, comme je l’ai fait des miroirs de ma maison et que nous nous en tenions à des banalités »

Barbara Hambly a réussit l’exploit de rendre ses vampires touchants sans les affadir et en leur gardant leur caractère dangereux. Elle reprend les thèmes connus avec une approche très personnelle :

– Ils tuent car c’est la mort qui nourrit leur pouvoir de l’esprit et leur permet de maintenir le talent d’agir sur l’esprit des vivants.

– Ils ne se regardent pas dans un miroir car la concentration d’argent de leur tain, provoque des démangeaisons même à distance et surtout les miroir les montrent tels qu’ils sont réellement, dépouillés de l’illusion qu’ils mettent dans les yeux des vivants.

– Ils ne se transforment pas en chauve-souris pour une impossibilité au niveau des lois physiques.

– Ils peuvent pénétrer dans les églises mais s’ils évitent les lieux sacrés c’est parce qu’ils épongent tous les rêves les plus secrets que les humains abandonnent en ces lieux : « Les rêves pèsent lourds ici, ils imprègnent ce lieu comme la fumée de l’encens et l’odeur de sang qu’on y a versé, continue à sourdre des pierres »

Étonnamment pour un livre de ce genre, Barbara Hambly soigne le contexte avec des détails historiques. Vienne et Constantinople en début de ce siècle sont particulièrement bien décrites avec une recherche poussée : « Ici à Vienne, outre une centaine d’échelons différents de noblesse et de bureaucratie, des titres, des ordres, des règles et de l’ordonnance, nous avons les Serbes, Slovènes, Tchèques, Moldaviens, musulmans, qui tous réclament à grands cris leur nation, leurs écoles, leurs langues, leur couronne. Ils posent des bombes, ils tirent et fomentent des émeutes et ils complotent avec les risses et les anglais et n’importe qui d’autre dont ils pensent qu’il les aidera à se libérer »

L’auteur arrive donc à faire une excellente série (trop brève, hélas !) en mélangeant intrigue policière et surnaturel, le tout sur un fond historique fouillé. Bien écrit avec des idées originales et une fin… qui m’a vraiment émue ! Bref un vrai plaisir que la lecture de ces deux livres !

Fiche technique

Le sang de l’immortalité
Format : poche
Pages: 317
Editeur : Pocket
Collection : Terreur
Sortie : 5 janvier 2008
Prix : 6,70 €

Voyage avec les morts
Format : poche
Pages : 410
Editeur : Pocket
Collection : Terreur
Sortie : 6 novembre 1998
Prix : 6,70 €