Planter des clous – Avis +

Présentation de l’éditeur

Le chantier naval ferme, Marco est devenu père, sa mère apprend à vivre seule, un homme meurt dans la campagne, un journaliste craque. A partir de petites choses, de moments rares, de tristesses banales, Manu Larcenet continue de dresser le portrait d’un homme ordinaire, imparfait en lequel chacun d’entre nous reconnaît l’un des siens. Planter des clous, dernier tome du Combat Ordinaire, clos, magnifiquement l’une des plus belles réussites de la bande dessinée contemporaine.

Avis d’Enora

Planter des clous quatrième opus du Combat ordinaire clôt cette chronique douce-amère. On avait quitté Emilie, le visage songeur à l’annonce de la positivité de son test de grossesse, on retrouve Marco à la fois émerveillé et agacé par sa fille de trois ans. Les pages qui relatent sa tendresse, ses interrogations et sa responsabilité de père sont bouleversantes : « Elle et moi avons eu plus ou moins deux ans de tendre méfiance mutuelle, jusqu’à ce qu’elle commence à parler, brusquement… forte de sa minuscule vie, elle m’éduque… je lui voue un authentique respect, bien distinct de l’affection instinctive qu’elle m’inspire »

Ses angoisses paternelles tout comme sa tristesse à la fermeture du chantier naval dans lequel a travaillé son père, le renvoient à la notion de racines, de transmissions entre les générations. Mais comme lui dira sa mère, les racines c’est à double tranchant, elles peuvent aussi tendre à glorifier la tradition imbécile « ça nous colle au sol… nous empêche d’avancer… les racines c’est bon pour les ficus ! ».

Dans ce monde en mouvement où l’idéologie veut faire croire qu’il existe une vérité, on en oublie tout simplement l’humain. Le sujet que vous m’apportez n’est pas prioritaire dira le rédacteur en chef à la lecture de l’article de Marco sur le désespoir des travailleurs du chantier naval. Larcenet décrit le système économique sans le juger, il constate la mondialisation, l’impuissance, l’incompréhension et la souffrance que cela génère chez les hommes. Il ne se pose aucunement en moralisateur, il analyse juste les changements à hauteur d’âme humaine… Il en profite quand même pour fustiger l’engagement politique actuel.

La qualité du dessin met en exergue les sentiments, accentués par la colorisation de son frère, les trais noirs, les visages sans regard comme tournés vers l’intérieur. Les personnages se répondent, s’interrogent comme dans une sorte de monologue. Comme toujours chez Larcenet il n’y a pas de réponses, seulement des questions, des pistes de réflexions.

Marco, cet homme ordinaire va doucement finir par trouver sa place en tant que père et dans la société des hommes ; car même si elle est minuscule à l’échelle du monde, trouver sa place c’est rester sujet de ce qui se vit, rester acteur et témoin, dans une transmission trans-générationnelle en parfait respect des autres, de soi et de la nature. Larcenet finit sa chronique, sur un sans faute et une note optimiste. Laissé seul pour continuer son combat ordinaire, le lecteur en fermant l’album sait déjà que Marco, ce frère d’arme, va lui manquer…

Fiche technique

Format : album
Editeur : Dargaud
Sortie : 7 mars 2008
Collection : Combat Ordinaire
Prix : 13 €