Hemingway et la pluie des oiseaux morts – Avis +

Présentation de l’éditeur

A peine rentré d’une période de réserve dans l’armée, Tal Chani reçoit un appel de l’Agence juive qui l’invite à participer à un Festival de la culture israélienne. Il n’a qu’une envie, retourner à sa vie civile, à son travail dans la publicité, à son premier roman qui vient de paraître, mais il finit par se laisser convaincre. Après tout, la manifestation à laquelle il doit prendre part a lieu à Dniestrograd, sa ville natale. Car Tal Chani n’a pas toujours été israélien : avant le tourbillon de Tel-Aviv, il a connu les vexations et la misère des Juifs en Union soviétique, du temps où il s’appelait Anatoli Schneidermann. Tal sait que tout retour en arrière est impossible, mais il a néanmoins le sentiment de rentrer à la maison. Les souvenirs affluent avant même l’atterrissage en Ukraine… Boris Zaidman aborde bien entendu la question de l’immigration russe en Israël, mais son roman est aussi une évocation puissante de l’expérience de double identité que connaît tout être humain amené à changer radicalement de vie, de langue ou de pays. Porté d’un bout à l’autre par un sens du comique et du dérisoire hors du commun, il est une réussite incontestable.

Avis d’Enora

Ecrivain à Tel-Aviv, Tal, trente ans, reçoit un coup de fil de l’Agence juive qui l’invite à participer à un festival de la culture israélienne, pour parler de son livre, dans sa ville natale de Dniestrograd. C’est le choc. Son passé le submerge : Tal avait dix ans quand ses parents décidèrent de quitter l’Union Soviétique et d’immigrer en Israël. Il s’appelait alors Anatoli Yéfimovitch Schneidermann et sur son passeport, au cinquième alinéa, à la question Nazionalnost, un seul mot Yevreï, Juif : «Point-barre. Point à la ligne. Pas de recours».

Avant même l’atterrissage en Ukraine, ses souvenirs affluent ; les vexations, la peur mais aussi sa fascination d’enfant pour cette patrie natale qu’il a eu l’impression de trahir en émigrant. Il part alors à la recherche de cette part de lui-même qu’il a laissée, de cet enfant qu’il a quitté un jour sur le quai d’une gare.

A travers ce roman, sorte d’autofiction, Boris Zaidman aborde la question de l’immigration, de la double identité de tous ceux qui sont amenés à changer de vie, de pays et de régime. Il nous parle de cet amour/haine/nostalgie de son pays d’origine ; de la difficulté pour la génération post-Holocauste à trouver ses racines. Le passé est un puzzle qu’il doit reconstituer à travers les infimes confidences de sa mère et de sa « tante » ainsi que dans les silences rageurs de son père. A trente ans, il s’aperçoit avec stupeur qu’il ne connaît même pas le nom de jeune fille de sa grand-mère. Cette quête des racines se confond avec celle d’un grand-père disparu, grand-père réel, adopté ou fantasmé que l’enfant imaginera un temps, sous les traits d’Ernest Hemingway et qui l’amènera à l’identifier à un vieux Russe de Tel-Aviv.

Avec ce départ, rien ne sera plus jamais pareil, le regard que l’enfant posera désormais sur ses parents, sera celui d’une louve veillant sur deux nains terrifiés : «Des parents à la fois tout-puissants et émigrants – ça ne colle pas». En partant sa mère lui a révélé le traumatisme qu’elle vécue enfant dans les camps nazis «Une enfant que la guerre n’avait pas quittée, depuis lors, qui s’était nichée en elle, à bas bruit, et vivait sa propre vie comme une sangsue dans la fourrure d’un chien des rues»

Il se souvient qu’ils n’étaient que des indigènes pour les Russes méprisants et qu’à son tour c’est le terme qu’il emploie en tant que gradé de l’armée israélienne vis-à-vis des populations locales «Chacun a les indigènes qu’il veut, chaque Robinson a son Vendredi»

D’une écriture ironique, sensible et poétique, Boris Zaidman analyse les émotions et les sentiments de ses personnages : la fragilité de la mère, la défense schizoïde du fils, l’ironie protectrice du père «Le communisme déjà à l’horizon, camarades ! Dommage simplement qu’il obéisse aux lois de l’optique et que, plus nous nous en rapprochions, plus il s’éloigne !»

Dans une première version du roman, il y avait une partie sur la France, que l’auteur a enlevée et intégrée au roman qu’il est en train d’écrire. Sa femme est francophone, lui est très francophile. Il n’en reste qu’un passage sarcastique sur Charles De Gaulle.

Premier roman de Boris Zaidman, Hemingway et la pluie des oiseaux morts est un très, très beau roman, une sorte de conte poétique et philosophique avec une dimension intemporelle. Salué unanimement par la critique à sa sortie en 2006, Gallimard et le Salon du livre lui donnent l’occasion d’être découvert par le public français. Un grand coup de coeur que je vous invite à partager de toute urgence !

Fiche technique

Format : broché
Pages : 226
Editeur : Gallimard
Collection : Du monde entier
Sortie : 21 février 2008