Un Salon sous haute tension

L’Organisation panislamique des sciences et de la culture (ISESCO), relayée par l’Union des écrivains palestiniens a lancé un appel au boycott du 28e salon du Livre. Cette annonce a suscité de nombreuses et diverses réactions :

La ministre française de la Culture, Christine Albanel, réaffirme une politique d’accueil de toutes les littératures et regrette la décision des pays arabes : « Ce Salon aurait pu être une belle occasion pour les auteurs arabes et israéliens de débattre et d’échanger sur les questions d’actualités et proche-orientales »

Serge Eyrolles, président du Syndicat national de l’édition et organisateur du Salon, se dit «profondément déçu par cette politisation à outrance de la manifestation. Je le dis et je le répète : depuis quinze ans, le Salon du livre n’invite pas les pays ! Il invite la littérature. Nous n’invitons pas Israël mais la littérature israélienne, qui est une littérature dynamique, d’une immense richesse».

L’auteur de L’Immeuble Yacoubian, Alaa El Aswany, a décidé d’assister au Salon pour présenter son deuxième roman, Chicago, mais y distribuera « des photos d’enfants libanais et palestiniens victimes de l’armée israélienne. »

L’écrivain marocain Tahar ben Jelloun a fait entendre une voix discordante: «Si je comprends bien la logique de ceux qui lancent une campagne de boycott […], il faudra que je jette ces deux livres [israéliens que je lis] et peut-être même les brûler. Pourquoi ? Parce qu’ils sont écrits par des Israéliens. Du même coup, le public israélien devrait lui aussi jeter mes livres traduits en hébreu et les condamner à l’exil. On pourrait continuer ce petit jeu et empêcher par exemple que les poèmes du Palestinien Mahmoud Darwish ne rentrent pas dans les librairies et maisons israéliennes. Ce serait une guerre contre la culture d’où qu’elle vienne».

Amos Oz, connu pour son militantisme en faveur de la paix, n’en dénonce pas moins le boycott. « Ceux qui appellent au boycottage ne s’opposent pas à la politique d’Israël mais en fait à son existence. S’ils disent qu’Israël ne doit pas être au Salon du livre, c’est parce qu’ils pensent tout simplement qu’il ne doit pas être »

L’écrivain Meïr Shalev déclare : « Je suis moi-même très opposé à la politique d’Israël envers les Palestiniens et ne mâche pas mes critiques. Mais je les réserve à des articles dans la presse… La littérature israélienne raconte ce qu’est Israël et ce qu’a été le sionisme. Ce n’est pas une machine de propagande »

Le poète Aaron Shabbtaï, quant à lui, s’est prononcé pour le boycottage du salon en dénonciation de la poursuite de l’occupation et de la colonisation.

Cette polémique tend à faire oublier que cet évènement est culturel et non politique, que c’est la littérature israélienne qui est invitée, que le critère de sélection des écrivains a été leur langue de travail, à savoir l’hébreu moderne et que s’y trouvent aussi des auteurs arabes israéliens hébraïques, comme Sayed Kashua.

Le sentiment qui prédomine à la veille de l’ouverture de ce Salon est une immense tristesse.

Parce que le salon du livre est une occasion de rencontre entre les auteurs et leurs lecteurs et parce que rien ne remplace l’échange et la communication, il est important d’y aller.