Présentation de l’éditeur
Quand il était petit, le jeune Shalom croyait aveuglément la parole des adultes : s’il allumait la télé pendant Shabbat, Dieu ferait perdre les Rangers, et tous ceux qui mangeaient du porc périraient dans d’atroces souffrances. Et puis, Shalom a commencé à douter. De son père qui se saoule au vin casher et fait du Shabbat un véritable enfer. De sa mère qui le force à porter une kippa à la piscine. Et de Dieu Lui-même qui, télé ou pas, s’obstine à faire perdre les Rangers.
Alors Shalom s’est rebellé. Il a mangé des hot-dogs, lu en cachette les magazines cochons de son père, convoité de plantureuses shiksées blondes, et attendu, tremblant, l’inéluctable châtiment divin…
Avis d’Enora
La citation en exergue donne tout de suite le ton du livre! Les mémoires de Shalom, jeune juif du New Jersey, élevé dans la plus stricte tradition orthodoxe sont à la fois émouvantes, drôles et iconoclastes. Elles débutent lorsque Shalom et sa femme Orli attendent leur premier enfant. Depuis son enfance, le jeune homme entretient avec Dieu des rapports tellement personnels et conflictuels, qu’il est sûr que ce bonheur n’annonce que les prémices d’un grand malheur : soit sa femme va mourir en couches, soit son enfant va naître handicapé…
Par expérience il sait que Dieu a un sens de l’humour très particulier et que chaque bonne nouvelle n’est qu’une feinte, un traquenard de la part de Celui qui est toujours furieux, toujours assoiffé de vengeance et possède une facilité déconcertante à perdre les pédales éternelles sous le moindre prétexte. Les rabbins le lui ont enseigné, ses parents aussi, son père en particulier, qui lui aussi était toujours furieux et qui faisait du Shabbat, un véritable enfer en se saoulant avec le vin casher.
Un espoir d’améliorer les choses lui vint un jour, en entendant le rabbin rappeler que les Sages disent que la Torah dit que jusqu’à ses treize ans, tous les péchés d’un fils retombaient sur la tête de son père. Il espère alors que s’il pèche suffisamment, avec un peu de chance, Ha-Chem tuera son père : en cachette, il se met à dévorer des hot-dogs, à boire du lait après avoir mangé de la viande sans attendre les six heures nécessaires, à lire les magazines porno paternels, à se masturber avec application. Hélas, non seulement son père reste vivant mais en plus, lui se met à culpabiliser, affligé de ce qu’il appelle une sorte de syndrome de Stockholm métaphysique.
Même après avoir pris ses distances vis-à-vis de sa famille et sa communauté, avoir épousé Orli et renoncer au Shabbat, il reste fatalement, incurablement, pathétiquement religieux et toujours persuadé que si les Rangers perdent c’est parce que Dieu a un compte à régler avec lui.
Sa propension à croire que Dieu use de stratagèmes de complexité sidérante pour le mettre à l’épreuve va alimenter sa névrose de futur père, donnant ainsi naissance à des scènes aussi émouvantes qu’hilarantes : il est persuadé que son gamin sera handicapé puisqu’il a gaspillé ses spermatozoïdes valides lors de pratiques masturbatoires à l’adolescence «A peu près neuf Holocaustes à chaque branlette», puis il envoie un mail à Dieu via VirtualJerusalem.com ,«Cher Dieu, ne tue pas mon fils pendant l’accouchement. Et ne tue pas ma femme pendant l’accouchement non plus. Et ne le tue pas après la naissance. Et, je T’en prie, donne-lui une bonne santé et ne joue pas à des conneries comme de lui donner l’air malade rien que pour m’effrayer. Je sais que je Te fais chier mais Toi aussi, Tu me fais chier, alors gardons ça entre nous deux, d’accord ?».
Car pour couronner le tout, c’est un fils ! D’où l’agonisante question, quel sort va-t-il réserver au prépuce de son enfant ? D’un coté c’est une mutilation, mais si il ne le circoncis pas, Dieu serait bien capable de le tuer ! Il oscille entre son besoin de racines et son désir d’émancipation, entre le fait que la tradition n’est peut-être qu’une inertie intellectuelle qui peut aboutir à l’aveuglement et l’hommage aux juifs qui sont morts pour avoir suivis cette tradition. C’est sa paranoïa qui lui fera trouver la solution et son amour pour cet enfant qui lui permettra de prendre définitivement ses distances avec une famille destructrice pour s’engager vers l’avenir.
L’humour est l’arme qu’utilise Shalom Auslander pour régler ses comptes avec son éducation juive orthodoxe. Il décrit avec ironie ce dont il a été victime sous le nom de maltraitance théologique, attouchements spirituels déplacés et de harcèlement religieux. Mais sous couvert de cette ironie, il exprime avec subtilité, un questionnement existentiel extrêmement poignant et profond à la façon d’un Woody Allen ou d’un Philippe Roth. Ce premier roman signe sans contexte la naissance d’un grand écrivain.
L’auteur
Shalom Auslander est né à Monsey, Etat de New York, dans une famille juive orthodoxe. Nominé pour le prix Koret, il a publié des articles dans Esquire et The New Yorker. La lamentation du prépuce est son premier ouvrage traduit en français. Il est également l’auteur d’un recueil de nouvelles qui paraîtra prochainement chez Belfond.
Shalom Auslander vit à New York avec son épouse, Orli, et leur fils, Pax.
Fiche technique
Format : broché
Pages : 305
Editeur : Belfond
Sortie : 20 février 2008
Prix : 19 €