Les reflets de la conscience – Avis +

Présentation de l’éditeur

Quel est le rôle de l’âme ? S’opposer aux désirs interdits ? Favoriser l’aboutissement des bons sentiments, des idées nobles ? Est-elle capable de comploter à notre endroit, de contrecarrer nos plans, de nous acculer dans nos derniers retranchements ? Est-elle le reflet de nos actes ou est-ce au contraire nos agissements qui traduisent sa noirceur ?

Imaginez que vos fantasmes les plus secrets soient percés à jour ; que les fondations de votre vie se désagrègent ; que votre espace se réduise et vous piège ; que des objets apparaissent et s’évanouissent autour de vous; que vous arriviez trop tard à chaque événement de votre vie. Que feriez-vous pour empêcher l’inéluctable ?

Lorsque le rêve et la réalité se confondent, lorsque des brèches zèbrent le mur de la cohérence, lorsque le banal dérape pas à pas, lorsque les repères et les références s’effilochent, il ne reste plus qu’un ultime garde-fou pour nous protéger de la chute finale : notre conscience.

Après  » Altérations « , prix Robert Duterme 2004 et  » Les maléfices du temps « , prix Graham Masterton 2007, celui que certains appellent  » le bruxellois successeur de Jean Ray  » et que d’autres qualifient de  » un des sept piliers du fantastique européen  » nous livre ici 7 nouvelles étranges, dans la plus pure lignée des grands conteurs de l’imaginaire.

Les nouvelles

Tout n’est qu’illusion

Manager financier adjoint depuis de nombreuses années, Stanislas Granville débute une semaine importante pour sa carrière. Un poste de directeur c’est récemment ouvert. Et c’est aujourd’hui même que se réunit un conseil d’administration qui déterminera qui, parmi les trois candidats en lice, sera promu.

Mais la journée commence au plus mal, sa voiture ne s’ouvre pas, il doit prendre un taxi pour arriver au bureau. Là-bas, il semble que personne ne le connaisse…

Dès cet instant, c’est la dégringolade. Le monde qu’il connait, ne le connait pas.

Cette première nouvelle du recueil est la plus longue et probablement une de mes préférées. Si la chute reste classique, la narration de la disparition progressive du héros tient en haleine le lecteur jusqu’au bout.

Indécences

Jérôme Duchamps travaille à la bibliothèque de la Courneuve. Il déteste son job, il déteste ces collègues, il déteste sa vie.

Des années de moqueries sur son physique difficile ont fait de lui un homme frustré qui n’a plus qu’un seul plaisir : reluquer les lycéennes du Blanc-Mesnil qui montent dans le bus a 18h et projeter leurs images dans ses fantasmes libidineux.

Aujourd’hui deux jeunettes montent, l’une tellement repoussante que même lui se demande qui en voudrait, la deuxième est aussi belle que son amie est laide. En un clignement d’oeil, tout le bus c’est soudainement vidé, il se retrouve seul. Il semble même être seul dans le quartier.

Cette nouvelle n’est pas ma préférée. La description de l’anti-héros, personnage antipathique, un frustré terrifié par les femmes, est néanmoins intéressante.

Alessandra

Le protagoniste principal de cette nouvelle (narrée à la première personne) est une homme stressé qui vient trouver le repos à Venise pendant ses congés. S’il a voyagé dans tous les coins du monde, connu le luxe des grands hôtels dans de nombreux décors exotiques, il continue de revenir régulièrement à Venise qui occupe une place particulière dans son coeur.

En cette soirée estivale, il fait très chaud. Il a décidé de vagabonder aux hasards des rues, sans destination particulière, en espérant s’émerveiller devant un coin de rue inconnu. En empruntant une ruelle, il s’arrête devant un magasin de masques de carnaval, fermé pour l’été.

Son attention est attirée par un mouvement dans la vitrine. En l’examinant de plus prêt, il découvre un masque d’une grande beauté. La finesse des traits et le réalisme de cette oeuvre le fascine. Mais… ne vient-il pas de bouger ?!? Et n’est-ce pas une voix de femme qui semble lui demander de l’aide ? Poussé par son sens de l’honneur puis sa peur et enfin par son désir, le héros se trouve entrainé dans une succession d’évènements qui le conduiront jusqu’à la folie.

Qui s’est un jour promené au hasard des rues de Venise rentrera vite dans l’ambiance de cette nouvelle. On se prend d’affection pour ce héros victime d’une femme envoûtante et manipulatrice.

Bourg paisible

En février 1988, le village de V. a été le cadre de mystérieuses disparitions, diminuant de manière inexpliquée près de la moitié de la population locale. Depuis lors la gare a fermé. Novembre 1997, un train y rentre pourtant. Une seule forme humaine en descend.

Le narrateur, orphelin depuis l’âge de 6 ans et élevé par son oncle, voit des évènements de plus en plus étranges se produire autour de lui. Jusqu’à ce que les premières disparitions recommencent.

Probablement la nouvelle la plus angoissante du livre, une des meilleures.

La proximité des extrêmes

Théo Romelar est un jeune commercial ambitieux et arrogant qui termine une semaine de vacances dans un hôtel cinq étoiles à Rome.

Ce dernier soir, il veut le mettre à profit pour finir le séjour en beauté. Cette jeune française travaillant à la réception ne semble pas insensible à son charme. Malheureusement, elle ne prend son service ce soir qu’à minuit.

Afin de tuer le temps, il part manger dans un restaurant et heurte accidentellement une vieille clocharde. Théo se surprend lui-même à l’agresser verbalement, mais cette dernière lui répond calmement, dans un français parfait, qu’il se pourrait bien qu’il se retrouve comme elle dans le dénuement le plus total un jour.

A partir de ce moment, les problèmes commencent. D’abord à l’hôtel puis avec la police italienne, après au bureau. La descente aux enfers comme l’avait prédit la vagabonde.

Mais qui est derrière l’organisation de cette déchéance ?

Jusqu’au bout des rêves

Maryse Boujard sort de bonne heure de chez elle et part à pied chercher son véhicule. Cette psychologue de la petite enfance laisse vagabonder ses idées pendant qu’elle marche. En ce moment, ce qui la préoccupe, c’est une vieille envie d’apprendre le piano.

Toute à ses pensées, elle arrive enfin devant sa vieille Golf et constate avec surprise que la portière conducteur est grande ouverte.

Après avoir fait le tour, elle décide de s’installer quand même au volant…

Vraiment une très bonne chute pour cette courte nouvelle.

Chinoiserie

Trois amis, Janice, Jean-Christophe et Judith sont à la recherche d’un endroit pour le déjeuner. Dans la vitrine d’un restaurant asiatique, Janice aperçoit un homme de petite taille qui la regarde fixement et semble lui faire signe de venir. Intriguée, elle répond à cette invitation et rentre dans le restaurant qu’elle trouve complètement vide.

Interloquée mais affamée, elle décide de rester manger.

C’est dernière nouvelle ponctue en beauté ce recueil. Ce scénario mène le lecteur par le bout du nez et le twist final est très réussi.

Avis de Nicolas

« Les reflets de la conscience » est le troisième recueil d’histoires fantastiques de Michel Rozenberg. Dès les premières lignes de chaque nouvelle, on se retrouve projeté dans la banalité de la vie des protagonistes. Ils vivent des existences normales, puis à un moment, c’est le dérapage, la perte de contrôle. Le lecteur suit alors l’inexorable glissement des héros dans le fantastique et leurs tentatives désespérées de se raccrocher à ce qu’ils maîtrisent. On se demande nécessairement comment l’on réagirait dans pareille situation.

Le fantastique de M. Rozenberg est très contemporain. Très franco-belge. Son style dépouillé de fioriture sert agréablement cette description du banal. Ici, pas de portraits d’une lointaine société américaine ou nippone, nous sommes dans notre élément. La chute, le petit « twist » final d’une nouvelle fantastique est l’élément déterminant de son succès. C’est elle qui laissera le lecteur pensif en tournant la dernière page et qui lui reviendra à l’esprit sans crier gare les jours suivants. Et l’auteur sait amener ces chutes.

J’ai particulièrement apprécié la description du monde contemporain et en particulier professionnel. Consultant en techniques commerciales, l’auteur confesse avoir travaillé lui-même « pendant vingt ans pour des sociétés américaines où il n’était qu’un numéro ». La peinture de cet univers est précise et souvent acerbe.

Tous les protagonistes masculins ont un rapport au sexe opposé pour le moins « compliqué ». Simple timidité chez Jean-Christophe, Stanislas est marié à une grosse femme castratrice, Théo est un macho persuadé que sa mêre est responsable du divorce de ses parents et Jérôme est carrément un pervers. L’auteur est beaucoup plus tendre avec ses personnages féminins.

Gamin, j’ai été sensibilisé au fantastique par les courts épisodes de la Quatrième Dimension, cette série présentée et souvent écrite par Rod Serling (The twilight zone). Les reflets de la conscience m’a replongé avec grand plaisir dans ce monde du fantastique et des images en noir et blanc me sont souvent revenues en mémoire. Ces nouvelles feraient d’excellents scénarii de courts-métrages.

Un livre qui donnera envie au lecteur qui ne l’a pas encore fait (hmmm, moi…) de se plonger dans les deux précédents ouvrages de Michel Rozenberg.

Michel… A quand un format d’histoire plus long ?

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 224
Editeur : Euryale
Sortie : 30 novembre 2007
Prix : 19,50 €