Une femme sous emprise – Avis +

Résumé de l’éditeur

«  Je me mis à comprendre – pour la première fois de ma vie – ce que je voulais réellement : déployer mes ailes, voler… Mais ce n’était pas ces choses-là qu’on m’avait appris à désirer, et elles me semblaient terriblement dangereuses.  »

À la fin du XIXe siècle à New York, Lucy est mariée depuis sept ans. Issue de la haute société, jeune et belle, elle vit pourtant un véritable enfer : elle est sujette à des crises terribles et elle ne peut offrir à son mari la descendance qu’il souhaite. Aucun des médecins qu’ils ont consultés ne parvient à la guérir, jusqu’à sa rencontre avec Vidor Seth, un brillant neurologue aux méthodes révolutionnaires. Adepte de la toute nouvelle méthode de l’hypnose, il va réveiller chez Lucy des choses insoupçonnables.

Un splendide roman psychologique au cœur de l’intimité d’une femme.

Avis de Marnie

Passionnante histoire que cette femme sous emprise… sous emprise de quoi ou de qui ? Justement, c’est ce que nous découvrons peu à peu. Derrière d’apparentes crises d’angoisse, hurlements, prises médicamenteuses de plus en plus fréquentes, se dévoile une femme perdue, qui ne se maîtrise plus. Mais nous sommes en 1884, à l’aube des découvertes fondamentales sur la psychanalyse.

Au lieu de chapitres chronologiques reprenant l’évolution des crises de Lucy, l’héroïne, dès les premiers mots le diagnostic pessimiste tombe. En quelques lignes d’introduction, Megan Chance nous décrit avec brio la haute société new-yorkaise de cette fin du 19e siècle qui copie toutes les règles extrêmement cloisonnées de l’Angleterre victorienne. Les grandes vagues de l’émigration européenne culminent et les héritiers milliardaires hollandais s’accrochent à leurs privilèges. Ils méprisent Irlandais, Juifs et même les bourgeois parvenus qui ne seront jamais de leur monde. Ils ont en fait transposé à New York ce que la plupart de leurs ancêtres avaient fui au cours des siècles précédents. Hommes et femmes de la haute société obéissent à des règles strictes, des dictats auxquels ils ne doivent jamais déroger sous peine de disgrâce.

C’est dans ce contexte que grandit dans la douleur la plus profonde, Lucy. Héritière d’une de ces grandes familles, elle est éduquée depuis l’enfance pour devenir un des fleurons de la haute société new-yorkaise. Mariée par amour avec un petit bourgeois depuis six ans, cette union a été tolérée du fait que cet agent de change a fait gagner énormément d’argent à cette caste. Ardent défenseur de ces conventions, William Carelton est un mari parfait. Souhaitant par-dessus tout se couler dans le moule de ces grandes familles, ce mari patient mais conventionnel cherche depuis des années à guérir son épouse. Perturbés de ne pas réussir à avoir d’enfants, ils consultent médecin après médecin, ouverts à tout ce qui pourrait les aider.

C’est ainsi que Victor Seth fait son apparition. L’étude du cerveau en est à son balbutiement. Personne ne semble avoir entendu parler de Freud, mais grâce aux écoles européennes de Leipzig ou encore Charcot en France, la neurologie est née. Passionné par cette science, Victor Seth va jouer à l’apprenti sorcier. A sa grande surprise, en l’espace de deux conversations, il va s’apercevoir que Lucy est un sujet idéal pour mener ses recherches. Au lieu d’une aristocrate qui s’ennuie, il a devant lui une femme avec des traumatismes, frustrations, que l’on a muselé de force, pour rentrer dans le moule des conventions. Fasciné par le conscient et l’inconscient, utilisant l’hypnose comme une potion magique, Victor Seth va tomber dans les dérives aujourd’hui totalement interdites mais qui en fait n’étaient alors même pas perçues. Toute l’étude psychanalytique est décrite ici comme une découverte fondamentale dans les méandres de la réflexion, des souvenirs, de l’éducation et des besoins et envies réprimés…

Cependant, l’aspect le plus bouleversant, est l’évolution de cette femme de trente ans, dont le caractère façonné de force et totalement étouffé par un bâillon de soumission et d’usages stricts par son père, devenue une icône idéalisée par son mari, qui finalement se transforme en marionnette influencée cette fois-ci par un thérapeute dépassé par son pouvoir, oubliant qu’elle est un être humain avant tout. Pour échapper à sa prison intérieure et extérieure, et surtout pour devenir l’être qu’elle commence peu à peu à percevoir, la fragile Lucy devra s’affranchir de ceux qui de protecteurs sont devenus ses bourreaux. Megan Chance réussit le tour de force à nous émouvoir sur le destin d’une femme qui a le monde à ses pieds et qui pourtant est tombée dans un gouffre sans fond. Jeune, belle, riche, mariée par amour, et vivant dans un monde de privilèges, les affres de l’angoisse vécues par Lucy pourraient nous irriter, mais le talent de l’auteur, c’est de nous y plonger avec elle. La nouvelle maison que son mari lui fait construire va devenir le symbole de son emprisonnement. On suit avec une inquiétude grandissante cette montée de la tension, et les tentatives pathétiques de Lucy pour trouver une issue de plus en plus incertaine.

C’est donc une histoire touchante qui nous est contée ici, à l’opposé des romances victoriennes, où l’amour est considéré comme le but à atteindre. Ici, c’est la recherche de la connaissance de soi-même qui est privilégiée, nous entraînant dans un récit poignant, où un papillon sortira de sa chrysalide malheureusement dans la douleur !

Fiche Technique

Format : poche
Pages : 507
Editeur : J’ai Lu
Collection : Grands Romans
Sortie : 8 mars 2007
Prix : 7,60 €