Tyler voit les poignets enflés de son frère, sa main amputée d’un doigt. Elle sent la douleur dans sa poitrine, là où on lui a cassé plusieurs côtes. Et la peur l’envahit. Une peur panique, incontrôlable…
Depuis son enfance, Tyler St Clair a toujours tenté d’ignorer son don de double vue, propre aux membres de sa famille. Mais lorsqu’elle apprend que son frère David a été kidnappé par de mystérieux inconnus, elle ne peut refouler les images terribles qui s’imposent à elle, lui donnant à voir les sévices atroces que les ravisseurs font subir à leur victime.
D’instinct, elle sent que c’est dans le passé de David qu’il lui faut chercher les raisons de cet enlèvement. Mais bien des secrets entourent la vie de son frère – en particulier son immense fortune, dont il n’a jamais révélé l’origine. Et tandis que les heures passent, lui faisant sentir de plus en plus cruellement le danger qu’il encourt, Tyler comprend que, cette fois, elle ne peut plus ignorer son don – ce don qui la terrifie, mais qui est sa seule chance de retrouver David avant qu’il ne soit trop tard…
Avis de Marnie
Gwen Hunter est un auteur tout à fait intéressant. J’avais notamment été passionnée par les quatre livres parus dans cette collection mettant en scène le docteur Rhea Lynch. Au vu des études médicales faites par cet écrivain, les termes employés donnaient une telle réalité à ses récits que j’ai été pour le moins déconcertée en lisant cette présente histoire qui flirte sans complexe avec l’univers de Stephen King.
Et bien tant mieux ! L’écriture très terre à terre de Gwen Hunter offre au lecteur un angle de vue qui contraste totalement avec ce qu’on lit habituellement : il s’agit ici d’une femme qui refuse depuis son adolescence ses dons de médium, obligée de faire face à ses propres frayeurs pour retrouver son frère kidnappé. En fait, le ton très concret est en totale contradiction avec le thème des sensations extra-sensorielles. Le lecteur est totalement séduit par ce procédé original.
Déjà, cette histoire est racontée à la première personne, ce procédé qui peut irriter trouve ici une étonnante crédibilité. L’héroïne ne fait qu’un mètre cinquante deux, mais c’est une boule d’énergie, dotée d’un caractère volcanique (dès les premières pages, on apprend qu’elle n’a pas hésité à se battre physiquement avec la maîtresse de celui qui est devenu son ex mari), adorant les vêtements luxueux et des choses futiles, tout en se passionnant pour la création de magnifiques bijoux. Ce qui est assez déconcertant, c’est que Tyler ne semble pas spécialement sympathique au premier abord. Provoquante, hargneuse, des nerfs d’acier, sa causticité est même gênante, mais plus on avance dans le récit, plus la jeune femme laisse entrevoir ses fêlures, sa fragilité et surtout sa terreur.
Ce qui permet à l’auteur de nous révéler toute la profondeur de son caractère, c’est notamment l’arrivée de sa nièce, adolescente, en qui elle se projette, Tyler devant la protéger de ceux qui ont kidnappé son père, mais aussi des mêmes démons intérieurs qui l’ont poursuivi et qu’elle n’a jamais réussi elle-même à dominer. Malgré la situation de crise, la jeune femme doit prendre le temps de faire sa propre analyse, sur son adolescence solitaire, sur ses rapports avec sa famille, ses amis, sur ce qu’elle a vécu comme la trahison des uns et sur l’aide qu’elle a du mal à accepter des autres, pour mieux appréhender son don qu’elle vivait jusqu’ici comme une malédiction. Son évolution est passionnante à lire, teintée d’angoisse et d’humour (notamment les jurons colorés et originaux, qu’elle dégote pour chaque situation !). Amusant également, le contraste entre les pensées qu’elle garde pour elle et donc pour le lecteur, en contradiction avec les réponses sages ou retenues que Tyler se force à lancer calmement.
Tous les personnages secondaires sont hauts en couleurs, avec de forts caractères bien trempés, aussi bien l’adolescente qui se construit dans la douleur mais aussi avec beaucoup d’humour, et qui réserve des surprises à son entourage, que la tante mystique allumée, mais encore le couple d’homosexuels, dont les deux personnalités différentes et complémentaires évoluent parallèlement, de plus plus approfondies dans l’intérêt du récit mais qui s’avèrent passionnantes à décrypter. Quant au héros, et bien, il faut se faire une raison, Gwen Hunter, comme à son habitude n’en fait qu’un personnage secondaire, tout en étant un homme séduisant, intéressant et assez charismatique. Si la tension sexuelle est nettement présente dans tout le livre, il n’y a qu’une seule scène plus tendre (un baiser) mais en fait, l’électricité crépite tellement entre eux, que ce seul et chaste petit moment de grâce et de répit, dans une atmosphère lourde, pleine de noirceur, illumine soudain avec bonheur le récit.
N’oublions pas le second degré souligné par l’auteur. Ainsi, l’héroïne qui ne maîtrise pas ses dons, se bourre de calmants (dont le nom est cité encore pour souligner l’aspect concret), elle prend le temps de se mettre une base protectrice pour ses ongles tout en se lamentant de n’avoir pas le temps de se les vernir et gémissant quelques fois qu’ils se cassent dans l’action. Tyler a faim, a soif, a froid, tombe dans les pommes plusieurs fois avant de se relever en titubant, chouchoutée par ses indéfectibles amis, et comme toute personne normale, pousse quelques crises de nerfs. Avant de placer un micro sur elle, la jeune femme prend le temps de faire un passage aux toilettes, on ne peut pas faire plus terre à terre ; sans omettre la dernière journée où elle se retrouve obligée de se changer plusieurs fois, baignant dans le sang des autres… et commençant à trouver cela tout de même un peu too much !
Oui, c’est vrai que cela vire un peu au grand guignol, mais le lecteur, entraîné dans ce récit qui s’achève dans une apothéose sanguignolante, ne peut que se laisser faire, avec enthousiasme. Moins puissante que Stephen King, Gwen Hunter est très forte pour créer des personnages chaleureux et une intrigue où le suspense monte peu à peu avant que l’action ne se précipite pour exploser de toutes parts. A mon avis, c’est son meilleur roman. Vivement le prochain !
Fiche Technique
Format : poche
Pages : 544
Editeur : Harlequin
Collection : Best-sellers
Sortie : 1 novembre 2006
Prix : 6,60 €