Vingt-quatre heures de la vie d’une femme – Avis + et +/-

Présentation officielle

Une femme rangée traîne son ennui dans les casinos. A Monaco, elle rencontre un jeune homme qu’elle décide de sauver du jeu. Du moins le croit-elle… Vertige et confusion des sentiments… Jusqu’où la passion nous conduit-elle ? Chacun se reconnaîtra dans ce chef-d’œuvre.

Jamais Zweig n’a montré, avec autant d’intensité, la personne inconnue qui se tapit au fond de nous, et qui attend son heure… Un voyage fascinant dans la complexité humaine.

Avis de Valérie

Vingt-quatre heures de la vie d’une femme, c’est une journée où tout peu basculer. Après avoir eu une vie remplie et sûrement accomplie, un an après le décès de son époux, une bourgeoise en villégiature à Monaco qui n’a plus de buts tombe amoureuse malgré elle d’un jeune homme possédé par le démon du jeu.

Ce roman, peut-être le plus connu de Stefan Zweig, est adapté pour le théâtre offrant à Clémentine Célarié un magnifique rôle de femme comme on en trouve peu.

Le spectateur ne peut qu’être ému aux larmes devant les pensées de cette personnalité fragile qui voit son équilibre émotionnel menacé, petit à petit jusqu’à l’effondrement menant au bonheur ultime… ou à la chute fatale.

Alors que nous nous souvenons d’une Clémentine vibrante, riche et solaire, nous la trouvons sur la retenue, les mains serrées, cherchant en permanence à réguler ses respirations. Elle réussit à faire passer chaque inflexion et hypnotise le public qui ne peut la quitter des yeux de peur de manquer le moindre frémissement.

Face à elle, Loris Freeman, un bel homme qui ne lui donne pas la réplique puisque c’est l’héroïne qui raconte et qui donc parle à sa place. Il possède une vraie présence charnelle et est très prometteur, même si il nous est difficile de juger plus loin.

Notre seule remarque est que la pièce ainsi adaptée peut drainer un plus large public moins habitué aux classiques ou au théâtre en général. Par choix, l’histoire est située dans les années 60 au lieu du début du XXe siècle. Cela brouille peu-être le danger de l’ostracisation sociale et morale que peut subir toute personne bien née se laissant portée par ses désirs.

Cela n’en demeure pas moins un magnifique moment de théâtre, accessible à tout public, à ne pas rater.

Avis d’Artémis

Le Théâtre Rive Gauche poursuit son cycle Stefan Zweig, débuté avec Le Joueur d’échecs interprété par Francis Huster (voir l’avis d’Onirik). La même équipe constituée d’Eric-Emmanuel Schmitt à la traduction/adaptation et de Steve Suissa à la mise en scène propose cette fois aux spectateurs le récit d’un magnifique personnage féminin fort avec Vingt-quatre heures de la vie d’une femme.

Le choix d’une comédienne telle que Clémentine Célarié pour un tel rôle semble audacieux, car à première vue on imagine plutôt sage cette veuve de la bonne société. Au contraire, l’actrice est connue pour sa fougue, son côté passionné. Mais le choix s’avère tout à fait pertinant ! Car c’est un véritable parti-pris et le gros point fort de cette pièce. Grâce à cette production, on découvre une nouvelle vision de l’œuvre, centrée sur cette femme avec ses faiblesses, ses fêlures, son humanité et son besoin d’être emportée, dépassée par quelque chose qui lui fasse échapper de son quotidien terne.

Clémentine Célarié porte seule la pièce et à fleur de peau, se donne complètement à ce personnage, qui en l’espace d’une journée, passe par toutes les émotions. Elle incarne cette femme qui, fascinée par un jeune homme qui joue au casino, se retrouve à se livrer corps et âme pour le sauver de cette passion du jeu qui le met en danger, et lui sauver ainsi la vie.

Malheureusement, le traitement trop littéral et les images un peu stéréotypées (musique, projections) alourdissent l’ensemble. Ainsi, au lieu de se laisser emporter par le tourbillon de cette journée et par un flot d’émotions exacerbées et mouvantes, on peut régulièrement décrocher en voyant trop clairement les différents procédés théâtraux.

Prenons pour exemple la première rencontre de l’héroïne avec le jeune homme au casino, instant d’une véritable fascination de cette femme pour les mains du joueur, singulièrement expressives, nerveuses et passionnées. Seul le texte (ou la voix) peut rendre compte de cet aspect véritablement extraordinaire, laissant le reste à l’imagination et aux sensations découlant de ces mots. Or, en décidant de jouer cette scène de jeu en ombres chinoises, on est rattrapé par l’anecdotique. On a la sensation que le comédien « joue » les mains agitées, plus qu’il ne vit cette passion du jeu qui dévore littéralement le personnage de l’intérieur.

Par ailleurs, le metteur en scène a choisi de rendre concret le jeune homme, par la présence d’un comédien (mais il ne s’exprime pas – ou presque). Si cette idée est originale et intéressante, elle ne semble pas complètement aboutie (nous avons vu la pièce peu après la première, peut-être tout n’était-il pas rôdé à 100 %), on voyait encore trop le comédien jouer et non le personnage évoluer, avec des jeux de regard et des mains tendues manquant de subtilité. De même, on a pu noter un décalage quand Clémentine Célarié se retrouve à prendre une voix grave pour narrer son dialogue avec le jeune homme qui est juste à côté d’elle, jouant, lui, la scène sans les mots.

Malgré ces quelques réserves, il faut saluer l’engagement de l’équipe artistique qui propose au public de découvrir sur scène ces magnifiques nouvelles de Zweig, en les offrant à des comédiens talentueux et impliqués tels que Francis Huster pour Le Joueur d’échecs et Clémentine Célarié pour Vingt-quatre heures de la vie d’une femme. C’est également une occasion à ne pas manquer pour lire ou relire cet auteur remarquable qui a marqué la première moitié du XXe siècle.

Fiche technique

Théâtre Rive Gauche, 6 rue de la Gaîté, 75014 Paris
Réservations : 01 43 35 32 31
Prix : de 12 à 40 €

En alternance, du mardi au vendredi à 21h, le samedi à 19h ou 21h
Matinée le samedi à 17h
Pour en savoir plus (calendrier détaillé, photos, etc.) : le site du théâtre

Photos : © Fabienne Rappeneau

La bande-annonce du spectacle :