Rencontre avec Clémentine Célarié

Le Théâtre Rive Gauche et Steve Suissa ont eu à cœur de présenter l’oeuvre de l’Autrichien Stefan Zweig au public parisien, d’une manière originale puisque ce sont des romans qui ne sont pas destinés au départ à la scène.

Comme pour Le joueur d’Echecs, on se devait tout d’abord d’adapter le texte pour le théâtre, ce qu’a fait merveilleusement bien le romancier Eric-Emmanuel Schmitt.

Pour Vingt-quatre heures de la vie d’une femme, il fallait aussi trouver une actrice qui maîtrise ses émotions, qui nous donne l’impression d’être dans une sorte de carcan… celui de la bonne société de l’époque. Et c’est vrai que la pétulance et la vitalité de Clémentine Célarié ne nous fait pas immédiatement penser à cette femme dont parle Zweig. Et c’est là où toute l’importance de la rencontre entre la magnifique Clémentine Célarié et le réalisateur Steve Suissa intervient.

Morceaux choisis

Lorsqu’on a demandé à Steve Suissa pourquoi il avait pensé à Clémentine Célarié pour ce rôle, ils ont précisé tous les deux qu’il se connaissaient depuis quelques années et cherchaient le projet qui les rapprocherait. Plusieurs tentatives se sont soldées par des échecs, mais étonnement c’est pour cette pièce que le ‘destin’ est entré en jeu !

Avant qu’on lui propose le rôle, Clémentine qui a rencontré un pianiste non-voyant lors d’un tournage a accepté de l’accompagner à une performance dans le noir où lui joue et elle lit un texte. Ce texte qu’elle ne connaît pas est Vingt-quatre heures de la vie d’une femme. Il la touche énormément. Rentrée sur Paris son agent (le même que Steve Suissa) lui propose le rôle. Coup de tonnerre, elle fonce pour rencontrer Steve afin de décrocher la partie. Elle nous le dit, c’était viscéral, un coup de foudre, il le lui fallait ! Difficulté supplémentaire, elle tourne actuellement une série télé pour France 2, mais elle n’en a que faire et entreprend donc en parallèle les répétitions pour la pièce.

La première impression que l’on a devant Clémentine Célarié c’est que c’est une magnifique femme, une classe folle, un maintien incroyable et une vie qui déborde par tous ses pores. Tout le travail de la mise en scène a été de garder cet aspect mais maintenu sous la surface. Elle même est issue d’une vieille famille bourgeoise mais a toujours envoyé valser les convenances, ne s’attachant qu’à l’essence des gens qu’elle rencontre et non pas leur ‘pedigree‘.

Pour rentrer dans le rôle, elle a pu s’inspirer des membres de sa famille justement. Elle a ralenti sa manière de se mouvoir, de parler tout en insistant sur sa féminité. Elle s’est inspirée de la Callas qui incarne si parfaitement la digne souffrance. Elle a également pensé à l’actrice anglaise Emma Thompson. Tout cet aspect a bien sûr dû être particulièrement travaillé car tellement à l’opposé de ce qu’elle est !

Le personnage est une veuve errante, qui ne sait plus où aller, n’a plus de but et elle tombe amoureuse d’un homme qui est son contraire (dans la pièce, l’acteur Loris Freeman, ne parle jamais). L’homme plus jeune dont elle s’éprend a une présence organique, ce qui l’aide beaucoup.

On lui a demandé impudemment qu’elle était son secret pour avoir perdu du poids tout en étant toujours aussi pétulante. Elle répond que c’est seulement en jouant au théâtre. Elle a joué Madame Sans-Gène en perdant 500 grammes par représentation ! Mais elle précise aussi en s’esclaffant que en vieillissant, elle a moins faim. Elle fait plus attention à ce qu’elle mange et ce qu’elle a dans l’assiette.

Steve Suissa renchérit en insistant sur la performance que tout acteur doit faire sur une scène de théâtre. On n’est pas au cinéma où l’attente est longue, pour jouer 5 minutes puis de nouveau attendre. L’actrice a mis un mois pour apprendre tout son texte (alors qu’elle était en tournage). Elle a dû également travailler son maintien, ses mains. Son corps est alors un instrument très important avec lequel jouer. C’est une forme de marathon où chaque seconde a de la valeur et ne peut être échangée avec une autre.

Travailler avec Clémentine a été un vrai bonheur de par sa nature mais aussi sa volonté de donner le maximum pour faire de cette pièce un succès. Et même si on ne sait jamais ce qui peut donner envie aux spectateurs de se déplacer, une actrice si charismatique, proche de son public, simple et belle peut transcender le talent des écrivains (Zweig et Schmitt), comme celui du metteur en scène, costumier, décorateur, etc. Cela peut capter également un tout nouveau public, peu habitué aux plaisirs du théâtre.

Tous les corps de métiers se sont attablés pour travailler à ce que la poésie de cette pièce ne soit pas écrasée par le matériel, tout en arrivant à s’en décoller pour que l’époque choisie (les années 60) soit rendue tangible.

Clémentine est convaincue que ce rôle lui a beaucoup apporté. C’est une personne très travailleuse, mais elle a appris d’une manière différente. Elle ne sera jamais plus la même. Si on s’inquiète de l’âge des actrices pouvant leur fermer des portes, elle rayonne en contrant que l’âge est l’ami de l’acteur. Toutes ces émotions qu’on apprend lorsqu’on est jeune à mimer, les ans permettent de non plus les imiter mais de les incarner. Il ne faut pas fabriquer, il faut être.

Au contraire du roman, la pièce se termine sur un espoir, et il ne pouvait en être autrement avec une si magnifique personne qu’est Clémentine Célarié.

A découvrir au Théâtre Rive Gauche à Paris !

à l’occasion de l’adaptation du roman de Stefan Zweig, 24H dans la vie d’une femme au théâtre.Crédit photo VR pour Onirik.net

Posted by Onirik on vendredi 17 avril 2015

Crédit phot : VR pour Onirik.net