Un hiver à Madrid – Avis +

Présentation de l’éditeur

1940
La guerre civile espagnole a pris fin. Madrid est en ruines, la population est affamée, et les Allemands poursuivent leur offensive à travers l’Europe. Au cœur de ce chaos, Harry Brett, vétéran de la bataille de Dunkerque et interprète à l’ambassade britannique, est chargé par les services secrets anglais d’espionner Sandy Forsythe, un ancien camarade d’école qui se livre à de louches transactions avec des membres de la Phalange, l’organisation nationaliste fascisante. Alors qu’il accepte à contrecœur ce jeu dangereux, Harry va se retrouver confronté aux fantômes de son passé, et surtout repartir sur les traces de Bernie, son meilleur ami, fervent communiste engagé dans les Brigades internationales et porté disparu lors de la bataille sanglante du Jarama.

Avec Barbara, une ancienne infirmière de la Croix-Rouge, qui était autrefois la maîtresse de Bernie, Harry va tenter de faire évader son ami du camp de détention secret du régime franquiste où il est prisonnier… Mais Harry et Barbara ignorent encore qu’ils ne sont que des pions manipulés par des politiciens sans scrupules, dans une partie d’échecs où tous les coups sont permis. Chacun d’entre eux y perdra quelque chose : ses illusions, ses certitudes, ses espoirs, voire la vie, tandis que l’Europe gronde du bruit de l’avancée nazie…

Avis d’Enora

C. J. Sansom est surtout connu pour ses romans policiers historiques avec les aventures de Matthew Shardlake, avocat à la cour d’Henri VIII, pour lesquels il fut finaliste du prix Ellis Peters. Un hiver à Madrid nous parachute dans une autre époque troublée, celle de l’Espagne en 1940.

« La guerre est finie » annonce Franco le 1er avril 1939, la Catalogne est conquise, Madrid est tombée. Le pays en sort meurtri, appauvri, exsangue, marqué par la violence et les exactions qui ont eu lieu dans les deux camps. Après avoir interdit à la France de livrer des armes aux républicains, l’Angleterre s’inquiète de l’alliance de Franco avec Hitler. Il faut absolument empêcher l’Espagne de rentrer en guerre au coté de l’Allemagne. Un jeu politique se met en place, tous les coups sont permis, les hommes ne sont plus que des pions prêts à être sacrifiés sans scrupules ; la vie humaine a perdu son prix depuis longtemps.

C’est dans ce contexte que le service de contre espionnage du Royaume-Uni recrute Harry Brett, jeune professeur de Cambridge, blessé à la bataille de Dunkerque, comme interprète à l’ambassade de Madrid. Il est chargé d’espionner un de ses anciens camarades d’études, Sandy Forsyth, homme d’affaires lié à la faction extrémiste des nationalistes espagnols.

En 1925, ils étaient trois amis à la public school de Rockwood : Harry un rien naïf, Sandy opportuniste, cynique et Bernie Pipper idéaliste qui s’est engagé dans les brigades internationales et a disparu à la bataille du Jarama. Quand Harry retrouve Sandy, il a la surprise de constater qu’il vit avec une infirmière anglaise de la Croix Rouge, Barbara, qui avait eu une relation amoureuse avec Bernie en 1937. Les relations complexes entre Harry, Sandy, Barbara et le disparu Bernie vont se superposer aux relations politiques retorses. Qui est sincère, qui manipule ?

C. J. Sansom nous livre un roman remarquable à tous les niveaux, tant sur le plan historique que sur le plan humain et romanesque. Il a su recréer l’atmosphère de Madrid en 1940 avec brio : la famine, la misère, la peur mais aussi la rancune sourde. Comme dans toute guerre civile chaque famille est touchée, déchirée ; les enfants, les faibles et les vieillards sont les premières victimes. Il a d’ailleurs dédicacé son livre à la mémoire des milliers d’enfants de familles républicaines qui disparurent dans les orphelinats de l’Espagne franquiste.

Il n’y a aucun manichéisme ni dans les situations ni dans les hommes ; l’auteur relate les horreurs exécutées par les uns comme par les autres – les massacres des membres du clergé par les républicains aussi bien que le rôle de l’église dans les purges franquistes par exemple – et nous montre les parties lumineuse et sombre de l’humanité tout en pointant bien que dans ces époques troublées ce sont les cyniques qui survivent. Son écriture est très travaillée, avec de nombreux retours dans le temps qui permettent d’affiner de plus en plus la psychologie de ses personnages, sans que cela soit pénible à la lecture.

La conclusion est superbe (ce n’est pas donné à tous les écrivains de réussir à terminer un roman) conforme à l’esprit du livre et à la psychologie des personnages. Nul doute qu’à la fin de la lecture vous aurez envie de vous replonger dans l’histoire espagnole et que vous serez poursuivis longtemps par l’histoire d’amour entre Barbara et Bernie !

Fiche technique

Format : poche
Prix : 344
Editeur : Pocket
Sortie : 21 octobre 2010
Prix : 8,10 €