Présentation officielle
À l’occasion de la sortie du coffret DVD Le Laboratoire d’Eric Rohmer, un cinéaste à la Télévision scolaire, présentant un ensemble inédit de treize films pédagogiques, la Bpi s’associe au Centre national de documentation pédagogique (CNDP) pour vous faire découvrir en avant-première cette sélection exceptionnelle.
Projection d’extraits de films ponctuée d’interventions[[Vous pouvez retrouver le programme complet sur la page de l’événement sur le site de la Bpi]].
L’avis d’Artemis
En mot d’accueil, le directeur général de la Bpi, Patrick Bazin, a rappelé la légitimité de la présence de cette soirée au sein de la bibliothèque du Centre Pompidou, dont la mission est la transmission du savoir. Son intérêt pour le film documentaire est d’ailleurs au cœur de ses missions [[La Bpi Centre Pompidou organise d’ailleurs un festival international du film documentaire : « Cinéma du réel », qui se déroule en mars]]. C’est dans cette lignée que s’inscrit Rohmer et ses films pédagogiques : un documentaire, ce n’est pas simplement une réalité mise en lumière, mais avant tout un regard, un rapport particulier au réel, une singularité dans le travail de l’auteur, qui aboutit à la grâce.
Quant à Jean-Marc Merriaux, directeur général du CNDP, il a rappelé l’importance de l’image dans la pédagogie et la transmission des connaissances. Il était donc naturel que le CNDP consacre ce temps à Eric Rohmer dont le cinéma éducatif des années 1960 s’inscrit dans un processus créatif.
Arielle Dombasle et le « maître »
Naissance d’un projet
Il nous permet ainsi de découvrir des œuvres inédites ou très peu connues. Pendant ces quelques années où il s’est consacré notamment aux films pédagogiques, il s’est attelé à des sujets aussi variés que la littérature, l’architecture, le cinéma, etc. tout en choisissant un genre particulier et différent pour traiter chacun d’entre eux : balade dans la nature pour Hugo, dimension comique chez Poe, théâtre, etc.
Ce qui est extraordinaire dans ces œuvres, c’est qu’à chaque fois, Rohmer trouve la forme la plus pertinente pour exprimer l’œuvre choisie au mieux. Mais ces petits films sont aussi un creuset de l’œuvre à venir. Dans l’entretien qu’il a accordé à Hélène Waysbord le 1er avril 2009 et que l’on peut visionner dans le DVD, il revient sur chacun d’entre eux.
Comment j’ai convaincu Eric Rohmer
Avec malice, elle souligne qu’il était content d’avoir à faire à une ancienne prof de khâgne ! Lors de cet entretien, il évoque sa grand admiration pour Balzac. Mais pourquoi n’a-t-il pas fait de film sur Balzac, l’interroge-t-elle. Il y a tout dans Balzac, lui répond-il ! Il voue également une grande admiration à la comtesse de Ségur dont il loue l’art du dialogue. C’est notre Dostoïevski, dit-il à son sujet.
Mais d’emblée il refuse l’entretien filmé que lui propose Hélène Waysland, car il argue qu’il n’est jamais à l’image, et ne souhaite pas y être. Mais celle-ci ne se laisse pas décourager et lui pose un ultimatum : soit il accepte l’entretien filmé, car l’idée du projet est d’avoir le regard du cinéaste sur ses films pédagogiques, soit le projet de DVD sera abandonné. Il accepte.
Les méthodes improbables de Rohmer
Ces films sont des terrains d’expérimentations, faits avec les moyens du bord. Dans le cas du film sur les Contemplations de Hugo, Eric Rohmer confie dans l’entretien à Hélène Waysbord qu’il avait emprunté une caméra à un ami exilé de Cuba. Mais sa caméra était habituée à la chaleur. Au lieu de fonctionner les 15 secondes de prévues, dès 10 secondes, elle ralentissait ! Mais lorsqu’on visionne le film, on n’a pas l’impression que les plans sont si courts, constate le cinéaste.
Si Eric Rohmer avait une volonté de donner une culture cinématographique, comme on le voit dans le film sur les Histoires extraordinaires de Poe, on y trouve aussi un canular ! Et oui, regardez attentivement l’image ci-contre. Il s’agit bien d’Eric Rohmer ! Celui-ci avait un goût marqué pour le masque et les fausses pistes. A la caméra, on trouve Jacques Rivette.
« Des petits films qui valent ce que vaut le reste » (Rohmer)
Au contraire, il cherche le ton juste, comme cette sensation de nostalgie qui se dégage du film sur Hugo. Ce laboratoire est aussi un terrain d’expérimentation pour ses films futurs. Ainsi, entre 1963 et 1970, période où Rohmer a travaillé aux films pédagogiques, il réalise aussi ses contes moraux.
D’ailleurs, Rohmer le dit lui-même, ce sont des petits films, mais ils valent ce que vaut le reste, ce ne sont pas des œuvres mineures. Par l’intermédiaire de ce cinéma didactique, le réalisateur a la volonté de nous faire regarder ailleurs, de stimuler l’activité de l’esprit et le mettre en direct avec les choses.
Pour lui, nous arrivions à la fin de la culture occidentale des arts, et le cinéma était là pour les faire revivre. Ainsi, Rohmer était particulièrement intéressé par l’idée de consommation de l’art, et de la manière dont nous le consommons.
Et après ?
Là-bas, à l’IMEC, 150 cartons (soit environ l’équivalent en volume des archives de François Truffaut) commencent à être étudiées par Antoine de Baecque et Philippe Fauvel, qui espèrent en tirer une biographie.
Par ailleurs, si cette réédition est exceptionnelle, il faut remarquer qu’au total c’est 20 à 25 films pédagogiques que Rohmer a réalisés. Il en reste donc des inédits !
Cette soirée exceptionnelle a su non seulement intéresser son public sur le cas de ces fascinants petits films, mais aussi donner l’envie de plonger ou replonger dans l’œuvre d’un de nos grands cinéastes.