Paroles de Amélie Nothomb sur son dernier roman

Onirik : Quelle est la genèse de votre roman Tuer le père ?

Amélie Nothomb : Cela fait dix ans que je fréquente des magiciens. J’avais envie d’écrire sur le monde des magiciens. Quel genre de relations ont-ils entre eux ? A priori ce sont des gens comme vous et moi qui doivent gagner leur vie. Il y a les honnêtes et il y a les malhonnêtes. Le trucage du spectacle est opposé à la triche pour arnaquer.

Il s’agit d’écrire un livre à partir d’un trucage. La supercherie peut marcher ici aussi.

Onirik : Quel effet l’expérience Burning Man a-t-elle eu sur vous ?

Amélie Nothomb : Je suis arrivée là-bas en plein désert et j’ai trouvé cela extraordinaire. Je m’attendais à trouver cela intéressant. Mais c’était bien plus que cela. On ne se sent plus sur la planète Terre. C’est un festival de musique et de pyrotechnie qui a lieu chaque année dans le désert du Nevada. C’est aussi une utopie.

L’idée est de créer une ville à partir du néant, une ville qui réunit plus de 50 000 personnes. Et après le festival qui dure une semaine on détruit la ville et il ne reste absolument plus rien. Chaque citoyen doit y être parfaitement indépendant. Il pourvoit à la totalité de sa boisson, de son alimentation et de son éventuel logement.

À charge pour lui quand il s’en va de ne pas laisser l’ombre d’un déchet. Une fois qu’on est à Burning Man l’argent n’existe pas et les rapports humains sont basés sur l’honnêteté et la bienveillance, et le plus surprenant c’est que ça fonctionne.

Tous les arts concernent le feu avec des cracheurs de feu, des jongleurs de feu. Parfois de très grands artistes comme des magiciens exercent leur art gratuitement. Viennent également des groupes de rock et toutes sortes de musique. C’est une espèce de Club Med hallucinogène des magiciens. Cette expérience située aux États-Unis est extrêmement rafraichissante et salvatrice.

Onirik : Il semble y avoir un contraste entre l’expérience Burning Man et vos personnages ?

Amélie Nothomb : Burning Man est une société pure et sans argent, tandis qu’à Las Vegas se déroule le triomphe de l’argent. C’est là qu’officient deux magiciens : le père et le fils. Le père pratique la pure magie pour l’art et l’honnêteté. En ce qui concerne le fils peu on peut douter de ses motivations.

Le fils fait connaissance avec le coup de foudre et subit ainsi toutes les horreurs du coup de foudre de l’adolescence. En plus il veut conquérir sa belle-mère ! Le véritable coup de foudre a eu lieu sous les yeux de ses parents et il ne s’est douté de rien. Tous les amours sont très compliqués. J’ai déjà vu des parents qui étaient désespérés parce qu’ils n’avaient pas réussi à séduire leurs enfants.