La dernière elfe grise – Episode 3

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Tout à ses réflexions, il ne put s’endormir, d’autant que la faim commençait à le tenailler. Il lui sembla que plusieurs heures s’écoulèrent avant que les geôliers reviennent enfin. Ils déposèrent sans douceur Lossëa sur le sol. Elle était si fatiguée… Elle n’en pouvait plus. Elle voulait que cela cesse. Qu’ils la tuent, et qu’elle sombre, enfin. Mais elle savait qu’elle leur était précieuse et que seul un accident provoquerait sa mort.

Une voix persistante, insistante la dérangeait. Elle tenta de la faire fuir de la main, comme on chasserait une mouche. Mais elle ne savait même pas si elle bougeait réellement la main ou si elle l’imaginait juste, dans le délire de sa faiblesse.

Elle sentit qu’on lui soulevait la tête, très doucement, et qu’on lui mouillait le visage, puis les lèvres. La fraîcheur lui fit du bien. Elle entre-ouvrit les yeux et vit celui qui s’était présenté comme un prince penché au dessus d’elle. Son visage était marqué par l’inquiétude. Il lui parlait mais elle ne parvenait pas à se concentrer sur ses mots. Elle vit qu’il parcourait son corps des yeux et cela déclencha en elle un sentiment de panique. Il ne pouvait pas, il n’avait pas le droit ! Elle tenta de se débattre et dut y arriver assez bien car il lui saisit les bras. Elle poussa un hurlement de douleur qui fit reculer brusquement Nassë.

Quand son cœur eut repris un rythme normal, il entreprit de découvrir les bras de Lossëa. Il cherchait quelles blessures les humains avaient pu lui infliger et, de toute évidence, elles étaient situées sur les bras.
Il voulut lui retrousser les manches mais elles étaient engluées de sang et complètement collées à la peau. Il s’étonna que l’elfe ne proteste plus alors que qu’un simple toucher avait provoqué une réaction vive. Il vit qu’elle était inconsciente et si ce n’était pas rassurant, cela allait faciliter l’apport de soins.

Il inspira profondément et, craignant les conséquences de son geste, déchira une manche, en un seul coup, fermement. Les plaies se remirent aussitôt à saigner, mais devant l’étendue des dégâts, c’était le moindre de ses soucis.

Le bras était couvert de plaies béantes, véritables trous plus ou moins circulaires. Certains étaient récents, et les plus anciens avaient difficilement cicatrisé, couvrant la peau de traces plus pâles, boursouflée, ou encore de teintes bleues, violettes et jaunes. Nassë ne sut que faire devant pareils dégâts. Il valait sans doute mieux ne pas y toucher, dans la mesure où il ne disposait que d’eau croupie et d’un chiffon sale.

Si les elfes étaient immortels dans l’esprit des humains, lui, qui en était un, savait qu’une infection ou qu’un empoisonnement pouvait vaincre le corps d’un elfe trop faible. Et Nassë n’aurait pas parié un écu sur Lossëa, à cet instant. La mort dans l’âme, il recouvrit le bras de la manche déchirée et s’assit à côté de la blessée pour veiller sur elle, en attendant qu’ils se passe quelque chose.

Ils attendirent longtemps. Lossëa reprenait conscience par intermittence. Elle gémissait et murmurait des mots dans une langue inconnue du prince. Le temps semblait s’étirer à l’infini tant il se prolongeait sans que rien ne change. Peut-être même s’était-il arrêté, qui sait ?

Enfin une agitation, attira l’attention de l’elfe. Les hommes couraient dans d’un bout à l’autre du couloir et en revenait armés de lances et de fourches. Nassë était trop inquiet pour rire de cet armement disparate. Il espérait de tout son cœur que c’était l’armée de son père qui venait le chercher. Elle serait probablement accompagnée d’un ou deux guérisseurs, qui sauraient quoi faire pour soigner Lossëa.

L’attente devint très difficile. Des bruits étouffés lui parvenaient sans qu’il puisse les identifier. L’agitation devenait panique et la panique céda bientôt la place au chaos. Des humains couraient dans tous les sens et pas un seul ne leur accorda un regard. Finalement, ce fut la débandade.

Tout le monde courait pour sauver sa peau. Un des humains qui avait capturé Nassë s’arrêta pour lui lancer avec mépris :
« Sales elfes ! Vous êtes l’engeance du diable, des démons ! Il faut tous vous exterminer ! »
Puis il s’en fut.

La suite, vendredi…