L’homme au complet marron – Avis +

Résumé de l’éditeur

Londres. Un homme se tient au bord du quai du métro. Soudain, il recule et tombe sur les rails. Accident ? Suicide ? La police retrouve dans ses poches un permis de visite pour une maison à louer dans la banlieue de Londres. Le corps d’une inconnue est découvert dans une villa déserte. La villa du Moulin. Coïncidence ? Difficile à croire quand un même suspect semble s’être trouvé à chaque fois sur les lieux. Signalement : grand, bien bâti, bronzé, yeux gris. Autre précision : l’homme porte un complet marron…

Avis de Marnie

Quelle idée de vouloir faire une critique d’un roman d’Agatha Christie, me direz-vous, tout le monde connaît… Certes, toutefois, cette œuvre là, il faut avouer que non. Il représente même un récit à part dans la très prolifique succession d’enquêtes que la plus grande dame du crime britannique a conçu tout au long de plusieurs décennies. Déjà, vous ne trouverez pas Hercule Poirot, Miss Marple, ou autres héros récurrents nés de son imagination fertile… Non, vous allez découvrir un romantic suspense très agréable doté d’une fin pas si morale que cela.

Nous sommes surtout très étonnés de la surprenante modernité du langage. Écrit en 1924, par une jeune fille à la première personne, se dessine soudain devant nous une héroïne qui ne rêve que d’une chose, l’aventure… la grande aventure, avec amour à la clé, si possible. Lorsqu’un incident quelque peu singulier va se présenter devant elle, au lieu d’être simple témoin et oublier l’évènement, Anne va saisir l’instant et plonger au cœur d’une histoire sombre d’espionnage et de meurtre avec entrain et passion, qui vont peu à peu désarmer tous les gens qui la rencontreront. Paradoxalement, c’est un personnage très nuancé ; elle garde les pieds sur terre tout en n’hésitant pas à brûler tous ses vaisseaux, jouant tout son avenir dans sa quête de la vérité. Réfléchie mais trop spontanée, entêtée et forte, elle peut montrer une certaine vulnérabilité, provoquant alors l’empathie du lecteur, entièrement dévoué à sa cause.

Même si l’on retrouve tout ce qui a toujours fait le talent d’Agatha Christie, soit la construction complexe d’une énigme aux multiples ramifications avec un assassin inattendu, et des personnages secondaires savoureux, bien évidemment si britanniques et donc si pittoresques, il s’agit ici d’une comédie sentimentale fort bien amenée. Agatha Christie compense la rareté des scènes entre les deux héros, en créant une atmosphère très vite passionnée et intense, évoluant avec une rapidité maîtrisée, et surtout en parsemant tous les dialogues et réflexions des personnages principaux de pointes humoristiques très amusantes.

Agatha Christie a écrit cette histoire alors qu’elle venait effectuait un tour du monde avec son premier mari et résidait en Afrique du Sud. Les troubles politiques évoqués à la fin du roman sont rigoureusement exacts, comme l’épouvantable mal de mer dont souffre la pauvre Anne. Il existe ici une certaine similitude entre cette jeune fille qui s’apprête à découvrir enfin le monde et n’hésite pas à tout sacrifier pour vivre une nouvelle vie, et la jeune écrivain qui quitte l’Angleterre suivant son mari dans une expédition financièrement aventureuse pour de nouvelles contrées, voyages qui enrichiront considérablement son œuvre littéraire. C’est cette soif d’aventures qui est transposée ici avec une sincérité touchante dans un style joyeux et frais. Une parenthèse passionnée juste avant ses premiers essais en tant que noveliste des enquêtes d’Hercule Poirot !

Fiche Technique

Format : poche
Pages : 251
Editeur : Editions du Masque
Collection : Le masque
Sortie : 10 mai 2006
Prix : 5,20 €