Persépolis – Avis +

Synopsis

Téhéran 1978 : Marjane, huit ans, songe à l’avenir et se rêve en prophète sauvant le monde. Choyée par des parents modernes et cultivés, particulièrement liée à sa grand-mère, elle suit avec exaltation les évènements qui vont mener à la révolution et provoquer la chute du régime du Chah.

Avec l’instauration de la république islamique débute le temps des commissaires de la révolution qui contrôlent tenues et comportements. Marjane qui doit porter le voile se rêve désormais en révolutionnaire communiste. Bientôt, la guerre contre l’Irak entraîne bombardements, privations, et disparitions de proches. La répression intérieure devient chaque jour plus sévère.

Dans un contexte de plus en plus pénible, sa langue bien pendue et ses positions rebelles deviennent problématiques. Ses parents décident alors de l’envoyer en Autriche pour la protéger. À Vienne, Marjane vit à quatorze ans sa deuxième révolution : l’adolescence, la liberté, les vertiges de l’amour mais aussi l’exil, la solitude et la différence.

Avis de Callixta

L’Iran évoque sans doute, pour vous, toute une série d’images, véhiculées par la presse, la télévision : une république islamiste, des femmes voilées, une menace nucléaire… que sais-je encore ? Mais nous connaissons finalement bien mal ce pays, nous oublions qu’il est héritier du puissant et brillant empire perse et qu’il peut engendrer autre chose que des masses vociférantes d’hommes qui conspuent les Etats-Unis ou qui couvrent leurs femmes de la tête aux pieds.

Marjane Satrapi dans ses albums de bande dessinée et dans le film d’animation qu’elle a contribué à réaliser avec Vincent Paronnaud nous rappelle avec une drôlerie tragique ce qu’est la réalité d’une jeune femme née dans les années 70 qui a connu la révolution islamique et les changements profonds que cela a engendré dans son pays. Ainsi, les fils de l’histoire personnelle de la jeune femme se mêlent à ceux de la grande Histoire.

Ce film est une réussite parce qu’il est appuyé sur l’excellent travail de Marjane Satrapi dans ses albums. Nous retrouvons son trait si caractéristique, simple, presque naïf mais puissamment évocateur. Nous retrouvons aussi cette histoire, si simple, si triste mais si heureuse à la fois qui est celle de Marjane Satrapi et de sa famille. Une famille iranienne de son siècle, marquée par le communisme. Une famille cultivée et brillante qui a toujours lutté contre l’oppression. Celle du shah d’abord qui poursuit à grands pas la modernisation commencée par son père, puis celle des mollahs qui imposent la charia. Mais une famille tout d’abord où la jeune Marjane grandit comme n’importe quelle petite fille entre son père et sa mère mais aussi sa formidable grand mère, femme sage, moderne et follement drôle qui lui donne des conseils par des phrases lapidaires et dans un langage inhabituel !

Et puis peu à peu, la politique et l’oppression s’introduisent dans sa vie et la petite fille ne peut plus ignorer et ce que vit son peuple et sa propre famille.

Quelques scènes du long métrage en disent beaucoup plus que de longs reportages savants sur la réalité de la vie quotidienne dans un pays dominé par des Islamistes : Marjane qui doit porter un tchador et croise les policiers chargés de surveiller l’application stricte de la loi islamique et qui lui enjoignent de cacher un centimètre de plus de peau. Ou encore Marjane qui prend des cours d’art et doit dessiner le modèle : une femme couverte de la tête aux pieds devant les étudiants des deux sexes . Mais on y voit aussi la formidable résistance souterraine du peuple iranien, la vie qui résiste envers et contre tout, le rock qu’on achète sous le manteau pour se rapprocher de l’occident et surtout marquer que l’on a n’a pas abdiqué toute liberté. Il n’y a pas de manichéisme non plus. On vit à Téhéran malgré la guerre, malgré la dictature. On étudie que l’on soit un homme ou une femme. L’image simpliste d’un Iran médiéval et barbare se brouille, devient plus complexe. Et puis Marjane part pour l’Europe…

L’auteur rend un hommage magnifique à son pays : sa souffrance est celle aussi de son peuple. Le film est aussi une série de désillusions : les idéologies qui échouent dans leurs buts mais provoquent le chaos, l’Europe froide et faussement libre.

C’est un film fort et sincère qui a comme condensé les albums rendant l’histoire simple, claire mais profondément touchante et réelle. Il y flotte en effet la dure réalité de notre monde mais aussi une sorte de fantaisie poétique par moment . C’est également un film drôle. Un humour un peu triste, grinçant et distancié particulièrement intelligent.

L’oeuvre est bien servie par les voix françaises : Chiara Mastroianni qui incarne Marjane, Catherine Deneuve ou encore Danielle Darrieux qui prête sa voix à la formidable grand mère, figure tutélaire au parfum de jasmin. Le choix de ces interprètes a été judicieux et l’on sent que toutes ont parfaitement saisi le monde de Marjane Satrapi et se le sont approprié. L’empreinte féminine est forte dans ce film, d’ailleurs, même si les figures masculines sont également là.

Quel beau pied de nez que la réussite de Marjane Satrapi et celle de son film ! Qu’une femme iranienne montre aussi sincèrement son pays et que le grand écran lui donne encore plus d’impact est un symbole de la persistance de la vie et de l’intelligence. Et maintenant ce film va représenter la France à Hollywood, dans le pays honni qui a adopté Marjame Satrapi et son oeuvre depuis quelques temps. Sacré symbole encore…

Avis de Cécilia

Persépolis le film est une version animée de la bande dessinée éponyme dont il est adapté, une œuvre copier-coller à la virgule près. Ce qui semble assez logique car Marjane Satrapi, non contente d’être l’auteur génial de la version écrite, coréalise la transposition cinématographique.

Ce passage au grand écran est une réussite complète et totale. Le noir et blanc de la version papier est respecté et donc, par extension, l’universalité du propos sur la guerre, la révolte, la révolution, l’espoir, le fanatisme religieux. À travers son autobiographie, Marjane Satrapi évoque avec pudeur, un sens de l’humour loin d’être déplacé et une fraîcheur la position de la femme dans la société au sens large du terme, le racisme mais aussi la découverte de l’amour.

Comme la période historique est vue par une enfant, l’ensemble de l’histoire garde cette fraîcheur naïve parfaitement reproduite à l’écran. La petite fille ne comprend pas tout et reproduit les comportements des adultes qui l’entourent et qui n’ont pas forcément raison.

Persépolis critique certes mais, paradoxalement, ne porte aucun jugement de valeur. Le long-métrage comme la bande dessinée dénoncent sans prendre parti. Une telle abnégation force le respect. Cette autobiographie explique des choix pas toujours faciles, propose une vraie réflexion sur la différence et donne une vision de l’intérieur d’une situation géopolitique que nous connaissons mal en Occident même si on en parle beaucoup. Le film est à voir absolument comme la lecteur de la bande dessinée est indispensable. Ne serait-ce que pour l’ouverture d’esprit. C’est une leçon à tous ceux qui pensent honnêtement avoir tout compris aux problèmes mondiaux.

À visiter avant d’aller au ciné

Discussion sur le forum grain de sel autour de l’adaptation

Fiche Technique

Genre : comédie dramatique

Avec les voix de Chiara Mastroianni, Catherine Deneuve, Danielle Darrieux, Simon Abkarian, Gabrielle Lopes et François Jerosme

Date de sortie : 27 juin 2007

Durée : 95 minutes

Année de production : 2007

Distributeur : Diaphana Films

Récompense : prix du Jury au 60e festival international du film de Cannes (2007)

Adapté de l’ensemble des 4 tomes de Persépolis, la bande dessinée écrite et scénarisée par Marjane Satrapi