Les Enfants du Paradis, l’exposition – Avis +

Présentation officielle

Chef-d’oeuvre absolu, considéré comme le plus grand film de tous les temps par nombre de professionnels, Les Enfants du Paradis réalisé par Marcel Carné et écrit par Jacques Prévert pendant l’Occupation (le film est réalisé entre 1943 et 1944 et sort en 1945), continue de faire rêver les amoureux du 7ème art.

L’exposition Les Enfants du Paradis, s’accompagne de la sortie de la version restaurée du film, qui ressortira en salles, en DVD et pour la première fois en Blu-Ray, le 24 octobre 2012.

Le travail de restauration réalisé par le laboratoire L’Immagine Ritrovata, les laboratoires Eclair pour l’image et L.E. Diapason pour le son, a profité des dernières avancées technologiques : le négatif du film a été numérisé pour bénéficier d’une restauration en 4K ce qui n’avait encore jamais été fait pour un film français en noir et blanc.

Avis de Claire

«Je donnerai tous mes films pour avoir réalisé Les Enfants du Paradis», confiait François Truffaut en 1984.

Considéré comme le film le plus mythique du cinéma français, ce chef d’oeuvre intemporel de Marcel Carné fait l’objet d’une inoubliable exposition à la Cinémathèque Française. Alors que nous sommes encore sous le charme de l’exposition consacrée à Tim Burton, la très noble institution dirigée par Serge Toubiana dévoile ses collections et présente des documents rares, en collaboration avec la fondation Jérôme Seydoux-Pathé.

L’exposition retrace l’histoire d’un film unique. Spectacle total, l’osmose entre les comédiens (Pierre Brasseur, Jean-Louis Barraut, Arletty, Maria Casarès, Marcel Herrand…), la photographie, la lumière, le montage, la musique, les décors, les costumes est palpable. Film sur les rapports amoureux entre théâtre et cinéma, Les Enfants du Paradis sont une référence indémodable.

Le visiteur pénètre sur la pointe des pieds dans le monde des funambules [[Funambules était d’ailleurs le titre provisoire pendant l’écriture du scénario]], alors que le générique du film défile en boucle au sol. Pas de doute, on s’apprête à entrer dans un monde magique et à remonter le temps.

Documents historiques, portraits, archives issues notamment du Musée Carnavalet ou de la B.N.F. constituent le matériau d’inspiration pour la trame et les personnages, dont le fameux bandit Lacenaire. Personnage miroir de Prévert, celui-ci raconte, dans une habile mise en abyme, l’histoire du film : «deux êtres qui s’aiment, se perdent, se retrouvent et se perdent à nouveau».

Au début du 19e siècle, le boulevard du Temple à Paris se déguise en boulevard du Crime. Long de 527 mètres, balisé de théâtres, il est le point de rencontre des comédiens et des funambules. Le lieu de tous les possibles. Pour le faire vivre à l’écran, Marcel Carné a fait de nombreuses recherches et n’a laissé aucun détail au hasard, comme en témoignent de nombreux croquis.

Alexandre Trauner racontait que le film était né dans une petite bastide, le Prieuré des Valettes : «Prévert écrivait l’histoire, Kosma jouait du piano, Mayo créait les costumes, moi je dessinais et Carné passait de temps en temps et nous ramenait de la documentation de Paris».

L’une des pièces majeure de la collection est sans conteste le scénario original de Jacques Prévert, aux dialogues ciselés et éblouissants, offert à la Cinémathèque en 2010 par Elodie Bachelot-Prévert. Des notes, des contrats, des lettres privées, des invitations complètent les archives, inestimables, et captent l’esprit d’une époque, l’Occupation.

Le tournage délicat, qui a duré bien plus que prévu, s’accompagnait d’une myriade de problèmes liés au contexte historique. Commencé en août 1943, il souffre de retards, de coupures d’électricité, de rationnements de pellicule… Aux studios de la Victorine à Nice où tout a commencé, les troupes de Mussolini ne rendent pas les choses faciles.

Le tournage reprend en novembre de la même année, mais sous Vichy, il faut toujours ruser, c’est dans la clandestinité que vont travailler Joseph Kosma et Alexandre Trauner, le compositeur d’origine hongroise et le décorateur sont juifs. Leur nom sera ajouté au générique après la Libération.

Pour Arletty, la vraie vedette du film, une évidence : elle est Garance, cette femme libre, personne n’aurait pu l’interpréter mieux qu’elle. Ancien mannequin et modèle pour peintres, elle vit comme elle l’entend, au coeur d’une histoire d’amour avec un officier allemand d’origine polonaise, liaison fatale dont les conséquences seront très lourdes à porter après la guerre.

Croquis, maquettes, photographies d’époque, notes diverses, costumes, partitions, affiches, matériel publicitaire, extraits des moments-phares du film passés en boucle… la scénographie intelligemment agencée permet de suivre de façon étonnamment précise le cheminement du processus créatif.

Quelle surprise de découvrir qu’une troisième partie, après Le Boulevard du Crime et L’Homme blanc, était prévue, mais n’a jamais pu être tournée, quelques dessins préparatoires demeurent, témoins de cette conclusion avortée, qui devait raconter le procès de Baptiste, coupable d’un meurtre d’ouvrier. Fait authentique puisque Deburau, qui a inspiré ce personnage, a effectivement tué d’un coup de canne un homme qui insultait sa femme.

Lors de sa sortie en 1945, le film connait un immense succès, présenté comme le premier grand film français libre. Techniquement parfait, avec son scénario fluide, ses acteurs merveilleux, ses répliques étincelantes comme des feux d’artifice, Les Enfants du Paradis sont un film culte.

A l’issue de l’exposition, ne manquez pas en complément la visite de la nouvelle «Galerie des donateurs», consacrée actuellement à l’oeuvre de Marcel Carné, auteur d’autres nombreux chef d’oeuvres, comme Quai des Brumes, Hotel du Nord ou encore Les Visiteurs du soir. Le fonds Marcel Carné, acquis en 2009 par la Cinémathèque Française, permet d’en savoir plus sur ce réalisateur énigmatique, véritable artisan du 7e art.

A ne pas manquer non plus, une rétrospective Marcel Carné, l’occasion de revoir sur grand écran son premier long-métrage Jenny (1936), ainsi qu’un hommage à Pierre et Jacques Prévert.

Informations pratiques

Cinémathèque française – 51 rue de Bercy – 75012 Paris
Horaires : lundi et du mercredi au samedi de 12h à 19h
Nocturne : jeudi jusqu’à 22h et le dimanche de 10h à 20h
Fermeture : mardi, le 25 décembre et le 1er janvier
Tarifs : de 5,50 à 11 €

Crédit photo : Claire Saim pour ©Onirik.net


Présentation de l’exposition Les Enfants du… par lacinematheque