Le joueur d’échecs – Avis +

Présentation officielle

Fuyant la guerre, Stefan Zweig prend le bateau qui l’emporte en Amérique du Sud. Pendant la traversée, un combat s’engage qui le passionne, ainsi que tous les voyageurs : au dessus d’un jeu d’échecs s’affrontent le champion du monde Csentovic, une brute lente, cupide, inculte, antipathique, qui n’a jamais perdu une partie, et le mystérieux Monsieur B, un aristocrate viennois, sensible, raffiné, qui vient d’échapper aux griffes de la Gestapo.

Qui gagnera ? L’intelligence et la culture ont-elles encore une chance dans ce monde qui sombre dans la barbarie ?

Cette fable palpitante qui nous emmène jusqu’aux frontières de la folie est considérée comme le chef d’œuvre de Stefan Zweig. Après l’avoir achevé, il se donna la mort en compagnie de sa femme, Lotte.

Avis d’Artémis

Le Théâtre Rive Gauche propose sur scène la superbe nouvelle de Stephan Zweig, Le Joueur d’échecs. Elle est le dernier texte écrit par l’auteur d’origine autrichienne avant son suicide, alors qu’il venait de s’exiler. Eric-Emmanuel Schmitt propose une traduction/adaptation s’appuyant sur les liens étroits qui lui apparaissent entre le récit de la nouvelle et la vie de Stefan Zweig, choisissant par exemple de fusionner narrateur et auteur. On se retrouve ainsi dans une pièce mêlant fiction et éléments biographiques, ce qui peut sembler surprenant.

Eric-Emmanuel Schmitt explique : « A l’évidence, le narrateur de la nouvelle est Zweig lui-même… A l’évidence aussi, l’aristocrate viennois devenu fou à force d’isolement et de cohabitation avec un seul livre, c’est lui aussi, enfermé dans une conception de la littérature qui ne correspond plus au monde et le met en péril. » Cette décision d’adaptation nous permet donc de porter un nouveau regard sur l’histoire, et de l’entendre différemment, apportant ainsi encore plus de profondeur, et de douleur aussi…

On suit donc Zweig, fuyant l’Europe avec son épouse, jusqu’à son suicide (derniere scène qui conclut la pièce). Seul en scène, Francis Huster incarne, par son récit, à la fois Zweig et tous les personnages de la pièce. Mais Huster/Zweig n’est pas seul : en voix off lui répond régulièrement son épouse Lotte, épuisée par son asthme.

La pièce s’ouvre par l’embarquement de Zweig sur ce bateau qui sert de décor à l’intrigue. Il voit arriver, sous le crépitement des flashs, la star des échecs du moment, un homme sans classe qui se fait payer pour la moindre partie. C’est au cours de l’une d’elles que le narrateur croise le chemin de l’élégant et discret Monsieur B, dont l’histoire se révèle terrible.

La mise en scène de Steve Suissa choisit un certain classicisme qui convient au propos. Le décor permet d’imprimer l’atmosphère et l’époque, mais les éléments peuvent prendre un sens différent selon le moment de la narration. Ainsi, sans le moindre changement de décor, on voyage du bateau au lieu étouffant dans lequel monsieur B est retenu par les nazis. On regrettera peut-être un peu que le décor ne soit pas plus intégré au jeu de l’acteur.

Francis Huster incarne tour à tour chaque personnage de l’histoire, passant avec virtuosité de l’un à l’autre, par une inflexion de la voix ou une manière de se tenir. Il passe par exemple en un instant de la désinvolture d’un McConnor ou la vulgarité d’un Csentovic à l’angoisse profonde de monsieur B, bras tendu dans lequel se concentrent toutes ses tensions. Le comédien, très engagé, joue une partition extrêmement précise et parfaitement maîtrisée.

Fiche technique

Théâtre Rive Gauche, 6 rue de la Gaîté, 75014 Paris
Réservations : 01 43 35 32 31
Prix : de 12 à 40 €

En alternance, du lundi au samedi à 21h,
Matinées le samedi à 17h et le dimanche à 15h
Pour en savoir plus (calendrier détaillé, photos, etc.) : le site du théâtre

Photos : © Fabienne Rappeneau

La bande-annonce du spectacle :