L’Etrange Festival 2022 – Hors compétition

Retour sur nos visionnages (assez limités) de la catégorie Mondovision et autres de l’Etrange Festival 2022. Assez peu de choses à cause de notre emploi du temps, mais c’était passionnant !

Catégorie Mondovision

Inu-Oh, film de Masaaki Yuasa (Sortie nationale : 23 novembre 2022)
Un conteur à la voix éraillé débute un récit nous ramenant 600 ans en arrière. Accompagné de quelques notes de biwa[[Instrument de musique à cordes traditionnel japonais]], il nous narre l’histoire de Tomona, un jeune garçon aveugle, et de Inu-Oh, un être difforme. Si on ne s’est pas trop intéressé au synopsis en arrivant devant ce film, dès les premières images, on est plongé dans une ambiance singulière. Les dessins ne sont pas forcément beaux, mais l’animation est incroyable et les images sont hypnotisantes.

Plus on avance, plus on se rend compte que la mise en scène remue nos tripes. La musique nous atteint au plus profond de nous et on ne peut être qu’émerveillé de l’histoire que l’on suit. Ici, on nous raconte les légendes du clan Heike, on nous danse et chante leurs exploits ainsi que leurs défaites. Les deux personnages principaux sont doublés avec une grande justesse car ce sont leurs voix qui transmettent une grande partie des émotions qui nous percutent.

Inu-Oh nous invite à découvrir la grandeur des conteurs, l’importance des mises en scène, la beauté et la force de ceux qui nous divertissent. C’est une expérience à ne pas louper et on vous invite également à découvrir le groupe de Avu-chan[[Son groupe : Queen Bee]], cette dernière prêtant sa voix unique à Inu-Oh. Attention, on tient également à préciser l’importance de la musique dans ce film qui est omniprésente.

Sans filtre, film de Ruben Ostlund (Sortie nationale : 28 septembre 2022)
Le film qui a remporté cette année la Palme d’Or est une critique de la société. Ce film ne s’embarrasse pas de subtilité. On y suit Carl, mannequin, et Yaya, influenceuse. Yaya a été invitée sur un yacht de luxe pour une croisière de rêve. Les deux jeunes gens y font la connaissance de plusieurs personnalités. Des riches, des vrais riches, de ceux qu’on ne côtoie pas, de ceux pour qui on s’écrase et à qui on répond « Oui » à chaque exigence. Une de ces exigences va poser problème. Tout le monde est alors ramené à des faiblesses basiques et humaines.

Sans vouloir trop dévoiler le scénario, on se retrouve avec des scènes qu’on voit assez rarement. Si on peut trouver quelques petites choses bas de plafond, il est tout de même intéressant de voir ces personnalités être réduites et soumises à leur simple physiologie.

La dernière partie nous ramène dans du basique de ce genre de film. Néanmoins, le tout est bien mis en scène et on ne sent pas trop les petites longueurs qui agrémentent le film, sauf si on est totalement détaché du sujet et alors là, le temps s’étire.

La femme de Tchaïkovski, film de Kirill Serebrennikov (Sortie nationale : 15 février 2023)
Tourné dans des conditions assez précaires, La femme de Tchaikovsky arrive tout de même à tirer son épingle du jeu. Tout d’abord grâce à un réalisateur plein de ressources, ce dernier a une touche qui lui est propre, mais aussi par le talent des acteurs devant la caméra.

Le nom de Tchaikovsky résonne encore aujourd’hui pour ses ballets et ses autres œuvres. Sa vie est plus diffuse, et celle de son épouse encore plus. En effet, l’incorrigible solitaire a épousé Antonina Milukova en 1877. Si l’idée initiale était d’étouffer les rumeurs sur sa sexualité dite déviante, il s’est vite rendu compte que sa vie commune en tant qu’homme marié le rendait fou.

Cette histoire, on la vit plutôt aux côtés de cette femme follement amoureuse. Si elle promet qu’être simplement à ses côtés peut la satisfaire, son obsession pour Tchaikovsky finit par la dévorer. Il lui appartient maritalement et c’est la plus grande force qu’elle peut avoir. Dieu a béni leur union alors qui pourrait les séparer ? Personne. Aliona Mikhailova est simplement incroyable dans son interprétation et son charisme hypnotisant. L’actrice captive à chaque instant, qu’elle joue la jeune amoureuse ou l’épouse malsaine. Elle est dans un déni profond et on la voit peu à peu sombrer dans la folie. Si on ne sait pas à quel point le film est fidèle à la réalité, sa déchéance est terriblement crédible, surtout qu’on sait que cette femme a fini par mourir en 1907 dans un hôpital psychiatrique où elle était internée.

L’ambiance est froide, les décors sont peu nombreux (on peut parfois reconnaître des lieux utilisés plusieurs fois) et le cadre est assez réduit, mais on se laisse absorber par les images. À plusieurs reprises on nous offre des scènes en plan-séquences de grandes qualités.

La femme de Tchaikovsky est un film singulier qui ne plaira pas au plus grand nombre, mais il attire et a une atmosphère de poésie macabre qui trouvera son public.