In memoriam : DP Tool Club

Dans les années 90, alors qu’avoir un accès à Internet était un luxe que peu de personnes pouvaient s’offrir. Nicolas Kelemen, un Aya Toola comme il se nommait lui-même, décida que puisque les gens n’avaient pas les moyens d’aller jusqu’à Internet et qu’Internet n’allait pas non plus jusqu’à eux, il le leur fournirait sur disquettes, plus tard sur CD-ROM.

C’était la grand époque du DP Tool Club. Imaginez un personne sur une île déserte avec son ordinateur qui reçoit périodiquement par pélican un catalogue listant des sharewares, des freewares, des logiciels libres. Avec ce catalogue, un bon de commande.

Une fois ce bon de commande renvoyé par pélican express, cette personne sur son île déserte guettait patiemment le retour du volatile avec dans son bec une enveloppe à bulle contenant des disquettes 5″1/4, voire 3″1/2 pour les plus aisés ou encore un CD-ROM pour ceux vraiment riches.

Le Robinson Crusoé de l’internet recevait le colis avec autant de joie que l’aide alimentaire dans un pays souffrant de la famine. Aussitôt, sur son PC avec un processeur 286 à 16 Mhz, 1 Mo de RAM et 20 Mo octets de disque dur (les unités sont les bonnes), il essayait les logiciels étant parfois déçu, parfois surpris mais toujours heureux d’avoir à portée de pélican ces masses d’informations et de logiciels issus des BBS.

C’était quelque chose de fantastique à l’époque. Aujourd’hui cela peut prêter à sourire mais après tout, un CD que l’on recevait au bout de 2 jours par la poste, cela faisait un débit de 4ko/s, pas pire qu’un modem 33kbits/s !

Maintenant on parle de fracture numérique mais si quelqu’un a bien contribué à la réduire dans les années 90 c’est Nicolas Kelemen.

Combien lui sont aujourd’hui redevables d’avoir un accès à internet illimité, rapide et à faible coût ? Certainement beaucoup car il a contribué par son oeuvre à la démocratisation du partage des connaissances.

Et pour celui qui trouverait cette initiative ridicule, il faut qu’il réfléchisse à cela. Dans les années 90, toute la France faisait partie de ce qu’on appelle maintenant les zones blanches. DP Tool Club desservait partout en France.

Maintenant que ce genre de service n’existe plus, qui s’occupe de ces zones blanches qui, quoiqu’on en dise, tâchent encore largement notre territoire ? Personne.

De plus, ce catalogue regorgeait d’humour et était une délectation à lire ne serait-ce que pour les commentaires d’Aya Toola. Ceux qui en ont l’âge se souviendront de la loi Toubon imposant l’utilisation de termes français y compris pour le vocabulaire technique. La rubrique sur les logiciels français devint alors : « En direct de la Toubonnerie ».

A l’heure d’un monde informatique froid et aseptisé, DP Tool Club et Nicolas Kelemen nous manquent cruellement. La démocratisation du net a eu la peau du premier, la maladie du deuxième.

Et ma génération qui a grandit dans sa passion grâce à eux ne peut que pleurer non pas en pensant au « bon vieux temps » mais en voyant une génération Internet qui ne sait pas d’où elle vient et qui par conséquent ne peut pas savoir où elle va.